mercredi 8 octobre 2008

Fortis : histoire d'un hold-up d'Etat

Suite à la crise financière et la mauvaise gestion de Fortis, en Belgique, plus de 500 000 actionnaires ont perdu ensemble près de 7 milliards d'euros. Beaucoup de pensionnés du secteur financier ont perdu plusieurs dizaines ou centaines de milliers d'euros chacun, les économies de toute une vie ! Un actionnaire étranger a perdu en son nom propre plus de 100 millions d'euros !
Aujourd'hui certaines personnes jalouses ou des mauvaises langues qualifient ces bons pères de familles de "spéculateurs" !
Or ces centaines de milliers de particuliers ont acheté des actions ou des fonds Fortis, en raison de l'image stable de la société, fleuron des institutions bancaires belges, réputée pour ses ratings élevés, la valeur stable de ses titres, soit-disant gérés en bon père de famille. Dans les faits tous les actionnaires se sont faits gruger, dupés par les belles paroles de Maurice Lippens et consorts.
Car en un week-end et sans assemblée générale ni consultation des actionnaires, Fortis a littéralement subi un hold-up de l'Etat comme jamais une entreprise privée n'en avait connu. Rappel d'un scandale financier.
Tout commença avec la faillite de la banque américaine Lehman Brothers en septembre 2008. Incapable de couvrir les risques liés aux subprimes distribuées à tout va et sans contrôle, la banque a fait faillite. Cette erreur stratégique et fatale alla déclencher un effet domino dans le monde de la finance qui toucha rapidement l'économie européenne et finalement mondiale.
L'affaire Fortis
Pour Fortis, des signes inquiétants étaient déjà apparus mi-janvier 2007, très bien marqués fin juin 2008, après la 2e augmentation de capital qui fut très mal perçue par le public et, dans la foulée, le départ de l'ex-CEO, Jean-Paul Votron : malgré les communiqués rassurants, le cours de l'action (FORB) chuta de plus 16%, et la chute continua.
Notons que c'est à cette époque (début juillet) que je vous suggérais de vendre vos éventuelles actions et fonds du secteur financier, supposant à juste titre que la situation du secteur allait s'aggraver. Pfff, zut ! J'avais raison (ce qui ne m'a évidemment pas empêché de perdre quelques euros dans la transaction, mais sûrement beaucoup moins que d'autres, seule consolation...).
Cela dit, si j'ai senti le mauvais coup, il est impensable que l'ancien CEO et son conseil d'administration n'aient rien vu venir. A moins que leur soif de conquêtes les ait à ce point aveuglés...
Mais soyons clairs. Quand on pilote un avion et que le temps change, que tous les indicateurs annoncent le pire, et bien on prend ses responsabilités et on change de cap ! On ne marche pas à l'estim' !
Or le discours des managers de Fortis comme leurs communiqués de presse ont toujours été optimistes et confiants, même durant l'été 2008. Encore aujourd'hui, la banderole du site du PC banking de Fortis prône la confiance : "Chers clients, nous sommes contents que les choses soient claires. Pour vous, comme pour nous".
On peut donc déjà conclure que tôt ou tard les administrateurs de la société devront expliquer comment ils ont pu se lancer dans une telle opération sans avoir mesuré les risques et sans les avoir communiqués clairement aux actionnaires.
A force de se fragiliser, on aboutit au démantèlement de Fortis, sa vente aux Hollandais et aux Français qui ont retiré la substance moelle du groupe dont les actifs à haut rendement, laissant à l'Etat la partie toxique et des cacahuètes aux actionnaires.
Le Conseil d'Administration de Fortis n'a pas eu le choix. S'il refusait l'action du Gouvernement la société aurait été mise sous tutelle et donc déclarée en faillite. Fortis a donc été obligée de céder ses différentes filiales à un vil prix et sans l'accord des actionnaires.
Les perdants de cette sâle affaire ne sont pas seulement les actionnaires, mais également les milliers d'employés qui doivent aujourd'hui vivre des heures difficiles.
Démantelement de FortisDans les faits, les Hollandais ont récupéré ABN Amro pour 16.8 milliards d'euros alors que Fortis l'avait acheté 24 milliards d'euros !
La vente des activités néerlandaises a rapporté à Fortis banque 12 milliards d'euros et à Fortis holding 4.6 milliards d'euros.
Ensuite les Français de BNP Paribas entrèrent dans Fortis banque à concurrence de 75% des actifs, rachetant la branche assurance pour 14.4 milliards d'euros distribués en actions et en cash alors que l'Etat venait d'injecter 12 milliards d'euros dans Fortis banque afin de sauver l'emploi.
A son tour, BNP Paribas a fait une affaire en récupérant les actifs les moins toxiques, à savoir les crédits liés à la consommation estimés à environ 24 milliards d'euros (ainsi que les banques polonaise et turcque), gardant à peine 10% des produits toxiques (liés aux subprimes) abandonnant le reste à l'Etat belge.
Le cours de l'action Fortis en 2008.Dernier bénéficiaire, l'Etat belge qui gagna au passage une plus-value de 1.6 milliards d'euros en vendant Fortis banque aux Français.
Tout ceci s'est fait en un week-end et à l'insu des actionnaires !
Actuellement les produits toxiques sont estimés à 6.6 milliards d'euros et Fortis assurance internationale vaut environ 2 milliards d'euros.
Que reste-il du holding ? Rien ou quasiment rien; Fortis a été dépouillé de ses actifs. De ce fait son action ne vaut plus grand chose non plus : 5.4 € avant la suspension de mardi auxquels il faut soustraire une décote de holding de 30 à 40%. On estime le cours de Fortis entre 1.5 et 2 €... Aussi, en attendant un communiqué officiel de Fortis et pour éviter toute spéculation, sa cotation a été suspendue.
L'avenir de Fortis
L'Etat belge (MM.Leterme et Reynders) prétend que l'action Fortis va remonter et que tous les actionnaires bénéficieront de la plus-value sur le bénéfice engendré par sa position dans BNP Paribas. Mais il précise aussi que cela sera distribué après que l'Etat se soit servi; il ne resta donc que des cacahuètes à distribuer aux centaines de milliers d'actionnaires lésés.
Que fallait-il faire ? 1° Ne pas agir dans la précipitation. 2° Vendre la branche hollandaise à bon prix (>20 milliards d'euros pour limiter les pertes) et poursuivre les activités des succursales belges et luxembourgeoises avec les liquidités apportées par cette vente.
Aujourd'hui, il est trop tard. Reste à poursuivre l'Etat belge en justice. En effet, les actionnaires doivent se rassembler autour de cabinets d'avocats pour exiger la consultation des actionnaires, pour désigner ensuite un expert qui analysera toute l'affaire et réclamer au besoin la part du gâteau qui leur revient de plein droit. Dans quelques jours des actions juridiques seront introduites en Belgique et aux Pays-Bas.
Qui payera ? Si les actionnaires gagnent leur procès, c'est l'Etat belge via son fonds spécial de garantie qui devrait payer. Mais ce sera insuffisant car il est limité à quelques centaines de millions d'euros. Le reste devra être supporté par la trésorerie des banques. Evidemment le public ne payera jamais, pas même via la levée de nouveaux impôts, c'est exclu. D'un autre côté, il est évident que les banques récupéreront leur manque à gagner d'une manière ou d'une autre (taxe sur les ouvertures ou fermetures de nouveaux comptes par exemple).
Qui contacter pour se défendre ?
Vous êtes actionnaire de Fortis, vous avez donc été lésés. Exigez réparation.
En Belgique, contactez Me Modrikamen et communiquez lui le nombre d'actions Fortis que vous détenez + prix moyen d'achat. Si vous lui écrivez il vous fera parvenir un courrier explicatif au format PDF.
Voyez également le Groupe Facebook "Fortis Bourso". Il rassemble déjà plus de 600 inscriptions représentant plus de 300000 actions. Vous pouvez également contacter Deminor et Test-Achats.
Au Luxembourg, contactez Mr. Raymond Goebbels du site Investas.
Tout actionnaire, belge ou étranger peut également s'inscrire sur Fortisaction.be, une association pan-européenne qui défend les associations d'actionnaires et les petits investisseurs lésés dans cette affaire. 7000 personnes y sont déjà inscrites.
Sachez toutefois que si vous travaillez avec un avocat, celui-ci vous demandera une participation d'au moins 0.1 € par action si vous détenez moins de 50000 actions avec un minimum de 150 €.
De plus, si la procédure est engagée il est fort à parier que le cours de l'action sera suspendu pour longtemps, si Fortis ne fait pas faillite entretemps.
Moralité
- Ne placez pas votre argent en bourse si vous avez besoin de liquidités (placez votre argent sur un compte d'épargne, un compte bloqué ou dans des obligations, c'est garanti par l'Etat)
- Ne mettez pas tous vos oeufs dans le même panier (diversifiez votre portefeuille)
- A jouer en bourse on risque de tout perdre (jouez avec un fond de roulement qui ne grèvera pas votre budget en cas de baisse des cours)
- Qui trop embrasse mal étreint : à vouloir trop de bénéfices, vous risquez de tout perdre
- Les conseilleurs ne sont pas les payeurs.
Voilà 5 leçons à bien retenir.
Dernières nouvelles
Au 8 octobre 2008, M. Yves Leterme envisage de payer un dividende aux actionnaires ayant acheté des actions avant le 1er juillet 2008. Il serait payé en 2014.
Au 28 octobre, l'action Fortis banque est tombée à 0.800 €.
Au 10 novembre, sous la pression des avocats des actionnaires, l'avocat du Ministère public (gouvernement) envisage de se retirer, ce qui entraînerait la faillite de Fortis. Les actionnaires sont scandalisés car non seulement cet avocat veut intimider la partie civile mais également le juge en charge de cette affaire. Ce mélange des genres est indigne du gouvernement. L'action Fortis banque vaut 1 €.
Le 13 décembre, la Cour d'appel a suspendu la vente de Fortis. C'est une très bonne nouvelle pour le fonctionnement de la Justice et pour les actionnaires. Restera ensuite aux actionnaires à valider ou non la vente des actifs à BNP Paribas. Nous en reparlerons en février 2009.
Pour plus d'information consultez les webzines et journaux belges dont L'echo et La Libre. Consultez également l'article Fortis : le calcul caché de l'Etat.

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