samedi 16 juin 2007

Du plomb dans l'aile du Traité FCE

A la demande des Russes, trente pays se sont réunis du 12 au 15 juin 2007 au siège de l'Organisation pour la Sécurité et la Coopération en Europe (OSCE) à Vienne pour réviser le traité qui limite les forces conventionnelles en Europe (FCE).
L'ordre du jour
Les deux grandes puissances avaient posé d'emblfrée un calendrier divergent. Elaboré en 1990 (voir plus bas), le Traité FCE avait marqué positivement la fin de la Guerre froide, mais Moscou le juge aujourd'hui obsolète, ravivant les tensions croissantes entre Moscou et les Occidentaux.
Le Conseil permanent de l'OSCE siégant à Vienne.
Dans un communiqué publié le 28 mai 2007, les Russes avait clairement exprimé leurs attentes. "La Russie espère que cette conférence extraordinaire discutera sérieusement de la situation. Nous espérons que nos partenaires feront preuve de volonté politique dans la recherche d'une solution acceptable par tous qui permette d'en finir avec la crise du traité sur les Forces conventionnelles en Europe", déclara le chef de la délégation russe Anatoly Antonov.
Officiellement, cette conférence extraordinaire devait permettre à la Russie de "déplacer librement ses troupes sur son territoire", avait expliqué Anatoly Antonov. Il avait dénoncé les "limitations inéquitables" qu'impose le traité sur "les flancs" des deux anciens blocs et reproché aux Américains et Européens de ne pas ratifier le traité adapté en 1999, estimant que Moscou avait rempli ses obligations.
De leur côté, les Occidentaux refusent cette ratification tant que les troupes russes n'auront pas totalement évacué la Géorgie et la Moldavie, deux anciennes républiques soviétiques.
Le 5 juin 2007 à Bruxelles, les Occidentaux ont donc proposé à la Russie d'accepter une force de paix multinationale en Transdniestrie (entité séparatiste pro-russe en Moldavie). Ce à quoi le délégué russe a rétorqué que la conférence de Vienne n'était pas un forum approprié pour en discuter.
En fait, cette conférence intervient dans un contexte difficile tant pour l'OTAN que pour la Russie, celui du bouclier antimissile américain en Europe centrale et l'indépendance annoncée de la province serbe du Kosovo, deux projets que récuse Moscou. Depuis quelques semaines ces questions suscitèrent des relents de guerre froide entre Washington et Moscou. Toutefois ces deux thèmes n'étaient pas à l'ordre du jour à Vienne.
Anatoly Antonov estime que le Traité FCE entré en vigueur en 1992 "n'est plus viable aujourd'hui pour la sécurité russe", notammrnt du fait qu'il plafonne les forces armées et les équipements classiques des deux anciens blocs en Europe.
Histoire du Traité FCE
Pour rappel, suite à la disparition du Pacte de Varsovie, le Traité FCE fut signé le 19 novembre 1990 par les membres du Conseil permanent de l'OSCE , à savoir l'OTAN représenté alors par 16 Etats (22 Etats aujourd'hui) et les 6 Etats membres du Pacte de Varsovie de l'ex-URSS (8 Etats aujourd'hui). Il entra en vigueur en 1992.
Le Traité FCE limite l'arsenal militaire conventionnel dans chaque bloc à 20000 chars de combats, 30000 blindés, 20000 pièces d'artillerie, 30000 hélicoptères d'attaque et 30000 avions de combat.
Depuis 1992, le Traité FCE a permis la destruction de 60000 chars et hélicoptères de part et d'autre. Il prévoit également des mesures pour renforcer la confiance (annonce des grandes manoeuvres) et la transparence, la fameuse "glasnosk" (inspections réciproques).
Le traité fut revisé en 1999 lors du Sommet d'Istanbul de l'OSCE afin de mieux correspondre à l'évolution géopolitique résultant de l'éclatement de l'Empire soviétique en 1991, mais la version modifiée n'a été signée (ratifiée) jusqu'à présent que par la Russie, le Bélarus, le Kazakhstan et l'Ukraine. Vous trouverez sur le site du Parlement européen le détail des documents de travail et des conventions relatives au Traité FCE.
La Russie, qui craint que les restrictions imposées par le traité initial ne limitent le déploiement des forces à l'intérieur de son territoire, a exhorté les pays membres de l'OTAN à ratifier le plus tôt possible la convention amendée avant d'engager de nouvelles négociations pour envisager davantage de modifications.
Parmi les sujets d'inquiétude, Moscou critique le déploiement de nouvelles troupes américaines en Roumanie et en Bulgarie, jadis alliés de l'URSS. La Russie réclame également que les trois pays Baltes, Estonie, Lettonie et Lituanie, intègrent le Traité FCE. Mais de son côté, ainsi que nous l'avons dit, l'Alliance atlantique refuse de le ratifier tant que des troupes russes restent stationnées dans les provinces séparatistes de Géorgie et de Moldavie.

Les membres de l'OTAN et du "bloc de l'Est"

Faute d'un accord, fin avril le Président russe Vladimir Putine était prêt à suspendre la participation de Moscou ce qui suscita l'indignation de Washington qui mis en garde contre une telle éventualité. C'est dans cet esprit conflictuel que débuta la conférence extaordinaire du 12 juin 2007.
La conférence extraordinaire sur le Traité FCE
A l'issue de la première journée de négociation passée à huis clos, Dan Fried, secrétaire d'Etat adjoint aux affaires européennes et chef de la délégation américaine déclara aux journalistes que les Russes n'avaient pas annoncé de suspension du traité, contrairement à ce qu'avait suggéré le Président Putine. "Les alliés de l'OTAN lui ont demandé de ne pas le faire, en usant d'un ton modéré" a-t-il déclaré.
Le général Evgueni Boujinski, numéro deux de la délégation russe a réaffirmé que si la Russie confirme son "moratoire" sur le Traité FCE, cela ne signifiait pas que l'Armée russe allait augmenter le nombre de ses chars d'assaut. Moscou envisageait simplement de renoncer aux "mesures de confiance" prévues par le Traité FCE, comme l'annonce des grandes manoeuvres ou des modalités de transparence, comme les inspections et échanges d'experts. Pour la déléguation russe, c'était la seule manière pour que l'Armée russe soit plus libre de ses mouvements.
Anatoly Antonov Dès le 11 juin, avant l'ouverture formelle de la conférence, les Etats-Unis avaient déjà dit qu'ils comprenaient les inquiétudes Russes mais qu'ils refusaient "un retour à la rhétorique dommageable de la course aux armements". Le soir même, Anatoly Antonov s'était interrogé sur un ton aigre-doux sur la réalité des proclamations "d'amitié de l'OTAN", dont certains pays membres font "comme si le Pacte de Varsovie existait toujours".
Le 13 juin, le représentant des Etats-Unis présenta un autre échéancier : Moscou devait d'abord remplir ses engagements, en Géorgie (ce qui est presque fait) et Moldavie. D'où la proposition de force multinationale en Transdniestrie. Suite à quoi, les membres de l'OTAN seraient prêts à avancer sur la ratification du traité, puis à envisager une nouvelle révision des déploiements de forces sur les flancs de l'Europe, mais en tenant compte aussi des préoccupations d'autres pays comme la Turquie qui refusent "des concentrations militaires sans limitations à leurs frontières".
Comme on s'y attendait, au cours de la conférence, le représentant russe a critiqué l'installation des nouvelles bases américaines en Bulgarie et en Roumanie avec déploiement de troupes. Dan Fried a écarté cette accusation : "En Bulgarie et en Roumanie [...] il n'y aura pas ou peu de troupes stationnées en permanence" et "nous mènerons à bien ce projet modeste [qui] n'est vraiment pas une menace pour la Russie".
Dan FriedLes Russes se sont également plaints du fait que la "logique des blocs" continuait de prévaloir et que les effectifs des nouveaux membres de l'OTAN en Europe de l'Est soient affectés aux plafonds alloués à l'Est. Le dirigeant américain a reconnu le 12 juin au soir : "nous sommes d'accord avec eux que la structure en deux blocs est démodée [...] Bien des problèmes que la Russie présente seraient résolus instantanément si le traité adapté (où il n'est plus question de blocs) entrait en vigueur".
Le 15 juin 2007, les deux parties ont constaté l'échec de la conférence. Anatoly Antonov dénonça l'attitude occidentale, reprochant aux pays de l'OTAN de "poursuivre leurs remontrances" sans écouter les demandes russes et de réaffirmer que le Traité FCE de 1990 "n'est plus viable" pour la sécurité du pays, "c'est un anachronisme", a-t-il déclaré à la presse. Il rappela également la menace du Président Putine de suspendre la participation russe au Traité FCE, mais il a cependant assuré que les Russes restaient "ouverts à un dialogue" et à de nouvelles négociations constructives.
Après quatre jours de conférence extraordinaire, les deux parties se sont donc quittées sur un échec, ne parvenant pas à un accord concernant la révision du Traité FCE. "Nous ne sommes pas satisfaits des résultats de la conférence", a déploré Anatoly Antonov, après la clôture de la conférence. "Nous voulons des négociations sérieuses, pas la répétition des anciens slogans", a-t-il ajouté.
Dans un communiqué l'OTAN a exprimé son regret vis-à-vis de l'échec des négociations, tout en appelant Moscou à "poursuivre les pourparlers qui pourraient parvenir à un résultat positif dans le futur."
Et si on changeait de Président ?
Décidemment, l'échec de cette conférence nous a donné une triste image de l'intransigeance des deux blocs et du peu d'efficacité de la diplomatie en matière militaire, ou plutôt le contraire : les Etats membres ont donné au public l'impression de discuter mais en sachant fort bien qu'aucune partie ne ferait de concession pour des raisons politiques.
Car si on se penche sérieusement sur le problème, les représentants des deux blocs discutent du Traité FCE depuis 1999 sans agir ! Il paraît évident que tant que MM.Bush et Putine sont au pouvoir, deux personnages intolérants et au profil finalement très semblable, rien ne changera en matière de géopolitique et de désarmement.
Si l'ingérance des Russes est intolérable dans les républiques séparatistes et requiert plus de tolérance et de compréhension de la part de Moscou, il semble également nécessaire d'attendre l'élection d'un nouveau Président américain pour enfin pouvoir discuter sérieusement d'une révision du Traité FCE. Tovaritch Bush dirait Putine, tes heures sont comptées et notre objectif est à portée de main ! L'avenir sera juge.

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