lundi 30 juillet 2007

Hommage à Michel Serrault (1928-2007)

L'acteur français Michel Serrault est décédé dimanche 29 juillet 2007 à l'âge de 79 ans, des suites d'un cancer, dans son manoir de Honfleur, dans le Calvados, en Normandie. Il mourut dans les bras de sa femme Juanita et de sa fille Nathalie.
Le Président Nicolas Sarkozy a rendu hommage à un "monument du théâtre de boulevard, du cinéma et de la télévision [...] Cet artiste populaire [...] a su marquer chaque Français par ses immenses talents d'acteur, aussi bien comique que dramatique."
Biographie d'un amuseur public
Michel Serrault dans Le Papillon (2002). Michel Serrault a dit un jour : "Si l'acteur ne bouscule pas la réalité pour aller plus loin dans les émotions ou dans le rire, ce n'est plus un artiste."
Bernard Blier qui joua trois films avec lui, dira de son ami : "il disait que des conneries", en plaisantant.
Adoré du public pour ses incarnations les plus burlesques comme les plus effrayantes, Michel Serrault avait réalisé 135 longs métrages et 20 téléfilms en plus de 50 ans de carrière cinématographique.
Né le 24 janvier 1928 à Brunoy (Essonne), Michel Serrault fréquente deux ans le séminaire avec l'intention d'entrer dans les ordres mais, comme il le dira en 1993 au magazine "Bonne Soirée" : "Si je ne suis pas devenu prêtre, c'est à cause des voeux de chasteté."
Sur les traces de ses amis Bernard Blier et Jean Poiré, Michel Serrault intègre l'école de théâtre de la rue Blanche mais sera refusé au Conservatoire au terme de ses deux années d'études.
Peu intimité par ce verdict, en 1946, il signe son premier contrat et fait une tournée en Allemagne. Il fait ses premiers pas au cinéma une dizaine d'années plus tard, dans "Ah! les belles bacchantes", de Jean Loubignac (1954). Un an plus tard, il joue dans "Les diaboliques", un policier adapté de Boileau-Narcejac par Henri-Georges Clouzot.
Du cabaret au théâtre par le cinéma
Michel Serrault se fait connaître au cabaret en compagnie de son compère Jean Poiret avec qui il forme un duo comique qui fait les belles heures de la télévision au début des années 1960.
C'est sont époque la plus folle mais durant laquelle il tourna une série de films de série B, comme notamment "Les Combinards" de Jean-Claude Roy (1964), "Le Fou du labo 4" de Jacques Besnard (1964), "Bon Week end" de Roland Quignon (1965), "Du mou dans la gâchette" de Louis Grospierre (1966) et "C'est pas parce qu'on n'a rien a dire qu'il faut fermer sa gueule", de Jacques Besnard (1975). Mais entouré de gais lurons talentueux comme Bernard Blier, Darry Cowl, Francis Blanche ou Jean Lefèbvre, ces films restent de bons moments.
Il sauvera sa réputation dans "Le Viager" de Pierre Tchernia (1971) et à sa manière dans "Deux heures moins le quart avant Jésus Christ" de Jean Yanne (1982), où il enfile les habits impériaux d'un César craintif et homosexuel face à un Coluche fils de pharaon.
Le seul Français au trois César
Michel Serrault verra la concrétisation de son talent triompher au théâtre à partir de 1973 en incarnant Zaza Napoli dans "La Cage aux folles", rôle légendaire d'un travesti vieillissant et capricieux créé sur mesure par et avec Jean Poiret. A l'époque, leurs amis comédiens hésitaient à supporter une pièce mettant en vedette des homosexuels. Après coup, évidemment, vu la manière dont Serrault et Poiret ont joué leur personnage, ce fut un succès retentissant.
Ugo Tognazzi et Michel Serrault dans la Cage aux Folles. Document DR.La pièce sera jouée 900 fois devant plus de 1.8 millions de spectateurs enthousiastes. La pièce sera adaptée au cinéma par Jacques Veber. Michel Serrault fera la réplique à Ugo Tognazzi dans le rôle de Baldi.
Grâce à cette comédie, Michel Serrault remporte son premier César du meilleur acteur en 1979. Il dira à cette occasion, "c'est plus facile pour moi de faire le pitre que de recevoir le César." Il avoua plus tard qu'il aurait bien aimé associer Jean Poiret à cette récompense. Aujourd'hui, avec l'évolution des moeurs, ce film ainsi que les deux suites ont mal vieilli et ne sont plus appréciés du public avec le même esprit innocent.
Michel Serrault obtient un deuxième César en 1982 pour "Garde à vue", de Claude Miller avec qui il tourna aussi "Mortelle randonnée" (1983). Le rôle du rentier Pierre Arnaud dans "Nelly et monsieur Arnaud" (1995) de Claude Sautet lui vaut un troisième César en 1996. Michel Serrault est à ce jour l'acteur français le plus "césarisé".
Un talent multiple exceptionnel
Bien que généralement discret et comique, Michel Serrault était néanmoins capable de se fâcher et de piquer au vif "les cons" comme il disait : "J'en ai marre des gens qui critiquent. Ayez la bonté de regarder et de comprendre". Outre le fait d'être un comédien très talentueux, c'est peut-être ce trait de caractère qui lui a permis de jouer avec tant de véracité les rôles graves et les plus tragiques.
Michel Serrault multiplie les rôles de commissaires et de bandits, notamment un étrangleur de femmes dans "L'Ibis rouge" (1975) de Jean-Pierre Mocky, l'étrange Jérôme Martinaud dans "Garde à vue" (1981) de Claude Miller, l'inquiétant "Docteur Petiot" (1990) dont il sera producteur, ou le froid professeur criminel dans "Assassin(s)" de Mathieu Kassovitz (1997).
Plus burlesque et décapant à la télévision, plus grave au cinéma, dans "Le Papillon" de Philippe Muyl (2002), il change de nouveau de genre et revient à la comédie dramatique, confronté aux questions indiscrètes d'une petite fille à la recherche d'un peu d'affection. Il reconnut que c'était un rôle très difficile à jouer, d'exception même, les enfants jouant souvent la vérité là où les acteurs composent.
En 2007, pour son dernier film, Michel Serrault choisit de revenir au polard avec "Pars vite et reviens tard", adapté du roman de Fred Vargas par Régis Wargnier.
Gardez le sourire
Tendre, chaleureux, drôle, fraternel, sérieux ou tragique, capable de jouer tous les rôles, "c'est un mec qui a tout fait et pourtant son physique n'est pas un physique de jeune premier", a déclaré sur i-Télé le réalisateur Jean-Pierre Mocky qui lui offert de nombreux rôles. "J'ai mille souvenirs, sa force d'amitié et sa force de désir de travail. Mais dans la vie, il était à la fois très simple et très gai", a dit sur LCI le réalisateur et homme de télévision Pierre Tchernia. Il s'est dit "très abîmé" par l'annonce de son décès.
Le père Alain de La Morandais, qui l'a accompagné dans ses derniers jours, a raconté sur LCI lui avoir dit dimanche soir : "Ecoute, il est temps de partir parce qu'il faut que tu ailles faire rire le bon Dieu, il en a bien besoin, il a un boulot difficile." "Il a dû entendre parce qu'il a souri", a-t-il ajouté.
Mais dans son for intérieur, Michel Serrault, qui perdit sa première fille dans un accident de voiture, ne souriait peut-être pas, ayant dit lors d'une interview qu'il en voulait parfois à Dieu de lui avoir fait subir cette épreuve. Il resta néamoins profondément croyant et aimait la liturgie.
Aujourd'hui, le patriarche de la comédie et du drame, l'homme discret mais piquant, à la fois insolent et émouvant, a retrouvé sa sérénité. On ne sait s'il faut en rire ou en pleurer. Un indice nous révèle le caractère de l'homme : il a souhaité que son enterrement se déroule dans la joie et l'allégresse.
Pour plus d'information, l'Institut National de l'Audiovisuel (INA) a mis à disposition des internautes plus de 90 vidéos concernant Michel Serrault. Consultez également l'article qui lui est consacré sur Wikipedia, la revue de CineDestin et les banques de données AlloCiné (F) et IMDB (US).

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