dimanche 18 novembre 2007

23andMe décode votre ADN

A partir d'un peu de salive, le kit d'analyse génomique fourni par 23andMe vous permet de dresser en 10 minutes un inventaire de votre patrimoine génétique et de déterminer vos risques de contracter une maladie héréditaire. Le Saliva kit proposé par la société 23andme.
La méthode est simple. Ainsi que l'explique 23andMe sur son site, moyennant 999$ en 2007 et seulement 99$ en 2017, la société vous envoie un kit de préparation dans lequel vous devez déposer 2.5 ml de votre salive. Vous leur renvoyez ensuite le colis par recommandé. Deux à quatre semaines plus tard, la société vous recontactera pour vous informer que vous pouvez vous connecter sur son site Internet et consulter le résultat de votre analyse génétique.
23andMe propose 3 services en ligne : Genomes Labs où vous pouvez naviguer dans le catalogue des 23 paires de chromosomes; Genre Journals où les experts de la société ont comparé votre génome à celui d'une douzaine de maladies courantes; Ancestry, qui vous permet de rechercher dans la population humaine ou votre famille les personnes qui ont le plus de gênes en commun avec vous, et indirectement de déterminer vos origines géographiques.
Encore faut-il que les bases de données contiennent les signatures de suffisamment d'individus car chacun peut plus ou moins s'écarter des valeurs statistiques.
Actuellement, 23andMe scanne votre ADN à la recherche d'une douzaine de maladies dont les signatures sont ou non présentes dans quelques centaines de milliers de variations qui rendent les êtres humains tous différents les uns des autres.
Mais d'ici quelques années, lorsque le prix du séquençage tombera en-dessous de 1000$, ce sont les 6 milliards d'entrées de votre code génétique qui pourront être analysées.
Précisons que la raison sociale "23andMe" fait référence au 23 chromosomes de l'ADN (AND en anglais) : les 22 chromosomes auxquels s'ajoute un chromosome sexuel (2 X chez la femme ou 1 X et 1 Y chez l'homme) et un chromosome mitochondrien, d'où le jeu de mot.
De l'ADN aux nucléotides
Il y a plus d'un siècle, Gregor Mendel a fondé les bases de la génétique en étudiant notamment l'évolution de générations de petits poids.Un des 23 chromosomes et son ADN. Document 23andMe.
Aujourd'hui grâce à l'étude des gènes, des segments d'ADN - cette chaîne constituée de 3 milliards de paires de nucléotides ATGC - nous comprenons mieux pourquoi les hommes et les femmes présentent certains traits et prédispositions : pratiquement tout est inscrit dès la conception dans le génotype de chaque individu, c'est son patrimoine génétique qui affectera une bonne partie de sa vie, le reste étant lié à des facteurs environnementaux, alimentaires, etc.
La source de cette complexité réside dans les SNPs (lire "snips"), ou "single nucleotide polymorphisms", la simple mutation des lettres formant les paires de bases de l'ADN, A devenant G ou T devenant C. Ce sont essentiellement ces changements de bases qui déterminent les différences génétiques d'un être humain à l'autre.
Ce patrimoine génétique représente 6 milliards de bits d'information que les généticiens cherchent aujourd'hui à décoder comme un livre écrit dans une langue morte qu'ils essayeraient de comprendre.
L'ère du génome
Tout cela démontre que nous entrons progressivement dans l'ère du génome. En analysant l'ADN, on peut non seulement expliquer pourquoi vous avez les yeux bruns ou bleus ou le visage de votre arrière grand-père mais on peut également déterminer votre risque potentiel de contracter quantité de maladies, syndrômes et autres intolérances.
Ainsi parmi les maladies usuelles, grâce aux études sur le génome on apprend que statistiquement, le diabète de Type 2, le plus commun, est d'origine héréditaire dans 26% des cas. Parmi les personnes d'ethnie européenne, 94% d'entre elles risquent de contracter un diabète de Type 2 entre 40 et 59 ans. L'obésité serait un facteur héréditaire dans 64 à 84% des cas. L'infarctus du myocarde serait héréditaire dans 38% des cas pour les femmes et 57% des cas pour les hommes. Le cancer de la prostate serait héréditaire dans 42 à 57% des cas et le cancer du sein serait héréditaire dans 27 à 40% des cas.
17% d'entre nous ont un membre de leur famille victime de la sclérose en plaques, 19% d'entre nous avons un membre de leur famille ayant eu la maladie d'Alzheimer, 22% d'entre nous présentent une intolérance au lait, 29% d'entre nous ont un membre de leur famille souffrant d'une forme de diabète, 41% d'entre nous souffrent de migraines, 56% d'entre nous connaissent un homme chauve dans leur famille, 67% d'entre nous ont connu un cas de cancer dans leur famille, 86% d'entre nous ont un problème d'audition.
Bonne nouvelle, si vous n'appartenez à aucune voire une seule de ces catégories de population à risque, vous avez la chance d'être peu affecté par les maladies héréditaires et êtes probablement en bonne santé. Profitez-en bien mais surveillez-vous tout de même, il serait bête de gâcher un tel patrimoine !
Du bon usage des "oracles"
Aujourd'hui, des startups comme 23andMe sont capables de vous dire si vous appartenez à l'une de ces catégories à risque, simplement en analysant l'ADN contenu dans votre salive.Signature de l'ADN. Document Navigenics.
Mais tout savoir à son revers. Si actuellement, le nombre de maladies héréditaires examinées par 23andMe reste faible, à terme êtes-vous prêt à prendre le risque d'apprendre que vous présentez peut-être une forte probabilité de contracter une maladie grave voire incurable ?
Jugez en âme et conscience s'il vaut mieux le savoir et passer le restant de vos jours peut être angoissé(e) en attendant que le mal survienne ou s'il ne vaut pas mieux l'ignorer.
Comme le SIDA, il y a une différence entre vouloir passer un examen sanguin et entendre le verdict. S'il est négatif, vous serez soulagé(e), mais avez-vous déjà réfléchi à la manière dont vous réagiriez si le verdict était positif ? On peut jouer à l'apprenti-sorcier mais mieux vaut en mesurer les risques et connaître les parades éventuelles pour éviter le pire. Car parfois, les conséquences psychologiques sont pires que le mal.
L'industrie génétique
Grâce au séquençage de l'ADN réalisé dans le cadre des vastes programmes Celera Genomics et Human Genome Project (HUGO, etc) qui furent achevés en 2001, aujourd'hui de nombreuses startups se sont lancées dans "l'industrie génétique", l'étude et l'exploitation commerciale des informations contenues dans le génome humain. Brin d'ADN. Document Navigenics.
Ainsi, certaines sociétés américaines n'ont pas hésité à mettre sous licence des régions arbitrairement choisies de certains gènes de l'ADN, en espérant spéculer sur la découverte génétique de l'origine de certaines maladies ou d'autres phénomènes biologiques importants.
Ainsi, avant même de découvrir quelque chose, tout qui souhaite étudier ces segments "brevetés" d'ADN doit aujourd'hui payer une licence d'exploitation à ces sociétés pour pouvoir accéder à l'information, même à titre scientifique et humanitaire !
Il va de soi que tout cela joue sur la corde raide de l'éthique et ces méthodes ne sont pas très appréciées ni de la communauté scientifique qui se voit soustraire son objet d'étude, ni des comités d'éthiques. On reparlera certainement de ces méthodes très immorales dans les années à venir.
Ainsi que nous l'évoquions, la société 23andMe n'est pas la seule startup de la Silicon Valley intéressée par ce secteur d'avenir. Les sociétés Navigenics et Decodeme s'intéressent également aux facteurs de risques associés aux maladies génétiques.
Sur le plan financier, il va de soi que pour 100$ ou même 1000$, aujourd'hui personne ne peut dresser l'inventaire d'un ADN complet. Rappelons que le projet HGP a coûté 3 milliards de dollars en 20 ans. Google a donc investi 3.9 millions de dollars dans 23andMe et fait travailler plus de 30 personnes dans cette startup qui un jour, sans nul doute, sera cotée en bourse.
Luttons contre les agents infectieux
Mais bien que ces services soient passionnants et nous concernent tous, n'oublions jamais que cette "ruée vers l'or génétique" n'a aucun effet sur les agents infectieux. Ce n'est pas parce que nous connaissons notre patrimoine héréditaire et toutes les maladies que nous pourrions contracter que nous serons plus à l'abri des maladies virales.
S'il est important d'étudier le génome humain, il est encore plus important de lutter contre les virus et autres agents pathogènes, car le jour où ils gagneront la guerre, l'humanité aura beau avoir eu du potentiel, l'espèce sera éteinte.
Alors, aidons d'abord nos chercheurs dans leur lutte au quotidien contre les maladies virales et orphelines avant d'enrichir ces startups.
Pour plus d'information sur la génétique, consultez les articles L’anatomie et les fonctions des cellules et Le génie génétique.

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