vendredi 9 novembre 2007

Les rayons cosmiques tracés jusqu'aux galaxies

Il existe dans l'univers tout un éventail de rayonnements et de particules subatomiques qui traversent l'espace à des vitesses dites relativistes, voisines de celles de la lumière (de 40000 à 300000 km/s). Certaines de ces particules transportent une énergie pouvant atteindre 100 millions de fois celle produite dans les accélérateurs de particules comme celui du CERN ou du Fermilab. Lorsqu'elles arrivent sur Terre, elles percutent les molécules présentes dans l'atmosphère et se décomposent en une gerbes de particules moins massives et de moindre énergie.Des rayons comsiques arrivant sur Terre et de décomposant dans l'atmosphère. Document Pierre Augier Obs.
Ces particules d'intense énergie sont les fameux rayons cosmiques. Il s'agit de particules souvent chargées électriquement constituées de protons et de noyaux atomiques (nucléi). Ils furent découverts en 1963 mais les astronomes et les physiciens ignoraient d'où ils provenaient et quel processus gargantuesque pouvait produire de telles énergies.
Car si le Soleil émet également des rayons cosmiques (protons), leur énergie dépasse rarement 100 millions d'eV/nucléon (100 MeV, cf l'article sur les défaillances des satellites), à peine ce que développe l'impact d'un petit caillou tombé d'une table.
Nous savons que les supernovae libèrent des rayons cosmiques d'une énergie 10 millions de fois plus intense (10^15 eV) et un milliard de fois plus intense dans le cas des pulsars (10^17 eV). Or les physiciens ont détecté des rayons cosmiques d'une énergie 10 à 1000 milliards de fois plus intense (10^18 à 10^20 eV) que ceux émis par le Soleil !
Les astronomes pensent que les rayons cosmiques les plus intenses sont émis par des galaxies à noyau actif (des quasars par exemple, dont le noyau présente une activité élecromagnétique particulièrement intense) ou des astres encore inconnus (on pense au trou noir, une étoile massive effondrée sur elle-même et capable de retenir sa propre lumière) mais il fallait trouver l'objet à l'origine de cette intense émission pour le prouver.
Tracer les rayons cosmiques
Aujourd'hui, une équipe constituée de 370 chercheurs et ingénieurs de 17 pays rassemblés dans le groupe baptisé "Pierre Auger Collaboration" a déclaré qu'il avait trouvé la réponse à cette énigme : les trous noirs supermassifs qui vivent dans le coeur des galaxies actives, disloquant et avalant des étoiles entières et rejettant des jets de rayonnements (UV, X, gamma, etc) et des particules subatomiques (protons, nucléi, etc) dans l'espace intergalactique, ainsi que le montre le schéma présenté ci-dessous à gauche. Les différentes émissions générées par l'environnement d'un trou noir. Document GSFC adapté par T.Lombry.
Utilisant le nouveau détecteur de rayons cosmiques de l'Observatoire Pierre Auger situé près de Malargüe, dans la Pampa Argentine, les chercheurs ont tracé quelques rayons cosmiques jusqu'au voisinage de leur source d'émission et ont découvert... des galaxies à noyau actif !
"L'âge de l'astronomie des rayons cosmiques est arrivé", a déclaré le Dr. James Cronin, prix Nobel de physique 1980 de l'Université de Chicago et cofondateur de l'Observatoire Auger. "Nous sommes vraiment au tout commencement", a-t-il ajouté lors d'une interview.
Chacun des rayons cosmiques étudié présentait une énergie dépassant 57 milliards de milliards d'électron-volts (5.7x10^18 eV), l'équivalent de l'énergie libérée par l'impact d'une balle de tennis bien frappée. Par comparaison, le collisionneur LHC (Large Hadron Collider) du CERN atteindra à peine 14 trillions d'eV (14 TeV soit 1.4x10^13 eV) dans le centre de masse (1150 TeV par collision) lorsqu'il entrera en fonction l'été prochain.
"De telles énergies sont si extrêmes qu'elles peuvent seulement se manifester dans les endroits les plus violents de l'univers", ont expliqué les auteurs dans leur rapport.
Du fait que ces galaxies actives tracent la distribution générale de la matière dans l'univers local (moins de 10 millions d'années-lumière environ soit 100 fois le diamètre de la Voie Lactée), pour le Dr. Cronin et ses collègues, même si les rayons cosmiques peuvent provenir d'autres objets, les trous noirs sont les premiers suspects en raison de leur propention pour la violence.Le disque d'accrétion entourant un trou noir et son jet de rayonnements caractéristique. Document T.Lombry.
En effet, ces étoiles effondrées présentent un comportement chaotique extrême à tout point de vue, tant dans l'intensité et les variations du rayonnement électromagnétique que dans les effets gravitométriques.
Le fait important, explique le Dr. Cronin, c'est que pour la première fois des chercheurs ont montré que ce rayonnement de haute énergie ne provenait pas uniformément de toutes les directions du ciel (ce qui avait déjà été noté en 2006).
Jusqu'à présent, les rayons cosmiques de faible ou moyenne énergie semblent provenir de toutes les directions du ciel. Plusieurs causes sont à l'origine de cette dispersion apparente.
Il y a d'une part les champs magnétiques solaire et terrestres qui incurvent les trajectoires des particules chargées émises par le Soleil ou par les supernovae. Elles se déplacent également sous l'influence des champs magnétiques galactiques et intergalactiques avant de frapper l'atmosphère terrestre. Ensemble, ces déviations effacent la direction d'origine des rayons cosmiques qui semblent provenir de n'importe où.
Mais les rayons cosmiques les plus intenses portent tellement d'énergie qu'ils sont presque insensibles aux champs magnétiques. La galaxie qui les abrite ne peut pas les retenir ou les dévier. Par conséquent, quand ils frappent la Terre, à quelques degrés près, comme une balle fusil, ils indiquent directement leur point d'origine et donc la source du rayonnement.
Jusqu'à présent, l'étude des rayons cosmiques a été gênée par le fait qu'ils sont très rares; on estime qu'à peine une "pluie" par siècle tombe sur chaque km2 de la Terre.
L'Observatoire Augier a commencé à collecter ses données en 2004 et a depuis enregistré un million de rayons cosmiques, y compris 80 d'ultra haute énergie. L'étude devrait s'étendre à l'hémisphère Nord grâce à la construction d'un détecteur similaire dans le Colorado.
Cette étude a été publiée ce 9 novembre 2007 dans le magazine Science (Vol. 318, N° 5852, pp.896-897).
Pour plus d'information, consultez l'article sur le trou noir et celui consacré aux quasars et autres galaxies à noyau actif.

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