vendredi 6 février 2009

Daniel Tammet, autiste savant et auteur

Daniel Tammet est l'un des rares autistes capable de mettre en mots ses compétences exceptionnelles tout comme ses difficultés au quotidien, dans le but de faire avancer les connaissances sur l'autisme et d'expliquer les secrets du fonctionnement du cerveau humain.
Les dons de Daniel Tammet
Aîné d'une famille anglaise modeste de neuf enfants, Daniel Tammet, né en 1979, s'est fait remarquer lors d'un concours en 2004 en énumérant de mémoire et pendant cinq heures, les 22514 premières décimales du nombre pi (3.14159265...) !Daniel Tammet.
Pour être complet et précis, sachez que le record est détenu par le Japonais Akira Haraguchi (60 ans en 2006) qui énuméra de mémoire 100 000 décimales du nombre pi en 2006. Il lui fallut 16 heures pour les énumérer !
Cela dit, la performance de Daniel Tammet a attiré l'attention des experts en neurosciences.
En effet, Daniel Tammet fait partie des 50 autistes "savants" ou Asperger (autiste de "haut niveau") et compte parmi les 100 "génies" recensés dans le monde.
Comme je n'aime pas exposer les hommes comme des bêtes de cirque, Daniel n'aime pas non plus s'exposer en public et participer à des concours intellectuels digne des foires, même si c'est sans arrière-pensée et pour le simple plaisir.
Aujourd'hui Daniel vit à Avignon. Parlant 12 langues, Daniel n'a eut aucune difficulté pour s'adapter en France : "J'ai tant appris sur mon cerveau que je voulais partager ces découvertes", explique-t-il dans un français à l'accent britannique prononcé. Daniel collabore à des recherches et discute occasionnellement avec des écoliers de sa manière de vivre et comment chacun peut progresser.
Embrasser le ciel immense
Comme d'autres grands esprits l'ont fait avant lui, Daniel a voulu partager sa façon de vivre, de voir le monde et finalement d'aider tout un chacun à se développer en se mettant à l'écriture.
En 2007, il publia sa première autobiographie intitulée "Je suis né un jour bleu" qui devint rapidement un best-seller (son livre occupe actuellement la 334eme place des meilleurs ventes sur Amazon).
Fort de ce succès, en novembre 2008, Daniel publia un deuxième livre, cette fois plus orienté vers la vulgarisation scientifique, intitulé "Embrasser le ciel immense" en référence à un poème d'Emily Dickinson, qui depuis sa sortie, est devenu un best-seller traduit en 19 langues.
Au fil des pages de ce livre plein d'émotions, Daniel explique qu'il est un surdoué des nombres et qu'il essaye de communiquer ses sensations et ses méthodes de travail au lecteur.
Daniel explique notamment qu'il ne voit pas les chiffres dans l'abstrait comme la plupart d'entre nous mais il les associe à des couleurs et des formes évoluant dans des paysages virtuels. Un nombre apparaît dans son esprit comme une courbe irrégulière... comprenne qui pourra.



Ceci dit certains neurologues essayent de démontrer que chez les génies capables de mettre les nombres en images à l'instar de Daniel, les zones du cerveau dédiées aux représentations mentales, au traitement de l'information abstraite et de la mémoire seraient directement connectées, jouxteraient voire se mélangeraient à certains centres de la vision ou de l'audition, ce qui pourrait expliquer cette représentation imagée des nombres qu'ont certaines personnes (d'autres cas existent et pas seulement chez les autistes Asperger).
Mais toutes ces recherches concernent un domaine des neurosciences et de l'intellection qu'il est encore très difficile de cerner et encore moins de maîtriser. C'est pour cette raison que l'intérêt de Daniel Tammet pour ces sujets est très intéressant sur le plan scientifique.
Mais Daniel reste un autiste et est conscient de devoir lutter contre un trouble mental présentant des symptômes contraignants qu'il ne peut maîtriser. "Je me perds très facilement, j'ai toujours besoin d'être accompagné, je ne peux pas conduire parce qu'il m'est très difficile de voir quelque chose dans son ensemble", dit-t-il. "J'ai aussi des difficultés à me souvenir des visages", une "tâche cognitive très complexe" que chacun effectue sans s'en rendre compte, dit-il en souriant.
Son livre est aussi une leçon de vie dans lequel il nous explique comment il a lutté au quotidien et continue à essayer de s'intégrer dans la société. Il raconte ses crises d'épilepsie infantiles, ses angoisses mais également sa scolarisation ordinaire, le réconfort qu'il éprouvait en se renfermant dans son monde intérieur numérique. Mais à 9 ans, il ne supporta plus ce sentiment de solitude et tenta par tous les moyens de s'extérioriser. "Toute mon enfance, je me suis battu contre les problèmes que j'avais, j'ai voulu être comme les autres", écrit-t-il.


Dans son livre, Daniel cite des études scientifiques qui l'ont aidé à améliorer sa mémoire, à apprendre plus facilement les langues ou à comprendre l'essence de la créativité, encourageant chacun à développer ses instincts et son imagination.
Rappelons que Daniel Tammet fut mis au défi d'apprendre l'islandais, réputée pour être l'une des langues les plus difficiles. Il apprit l'islandais en 4 jours ! D'autres génies ont tout de même mis 15 jours à 3 mois pour apprendre cette langue...
C'est ainsi qu'on apprend que Daniel Tammet a rencontré Kim Peek, le savant autiste qui a inspiré le personnage interprété par Dustin Hoffman dans le film "Rain Man" sorti en 1988, un film qui, selon lui, déforme la réalité et est basé sur des impostures scientifiques (difficile pour un autiste Asperger de ne voir que le côté poétique d'un film quand on est concerné de si près par le sujet!).
Daniel connaît en tout cas son sujet et critique l'idée que les génies auraient un cerveau-ordinateur "quasi inhumain" comme le pense naïvement certaines personnes. Il n'aime pas ce qualificatif à connotation artificielle et le côté soi-disant cybernétique ou numérisé de sa personne : "En réalité, le cerveau, les compétences, le talent, le génie sont liés à l'humanité de chacun et à l'amour", dit-il à sa manière et de citer quelques exemples fameux.
"Mozart a fait ce qu'il a fait parce qu'il avait un amour de la musique. Einstein aussi parlait de la beauté de ses équations, moi je ne compresse pas les nombres, je danse avec eux, c'est lié à une sensibilité, si on n'a pas d'amour, on n'a pas de génie", conclut-il catégoriquement.
Il poursuit : "du point de vue médical, je serai toujours autiste mais je crois que j'ai vaincu la prison de l'autisme à force de me battre contre mes difficultés", dit encore Daniel. Et de rappeler qu'il soutient tous les enfants autistes "parce que ce qu'ils ont à offrir peut enrichir toute l'humanité". C'est pour cette raison que dans toutes les écoles où il présente des exposés, Daniel tient absolument à rencontrer les éventuels élèves autistes pour essayer de les aider.
Les performances du cerveau
Ces facultés peu communes rappellent celle de Stephen Wiltshire (merci à Gott M. qui m'a rappelé son nom), également autiste Asperger qui publia en 1987, l'âge de 13 ans, un livre reprenant les dessins d'architecture qu'il avait réalisé de mémoire après avoir regardé les bâtiments concernés durant quelques minutes seulement.
Les oeuvres que Stephen réalisa à main levée et au crayon reproduisaient les bâtiments dans tous leurs détails, encore mieux qu'un artiste, c'était extraordinaire de précision.
Dans un tout autre domaine intellectuel, on peut également citer l'ouvrage "Sourde, muette, aveugle" d'Helen A. Keller, née à la fin du XIXeme siècle, qui explique dans sa biographie comment à partir de ce qui fut en fait un drame, elle gagna son diplôme universitaire et la reconnaissance publique à force de volonté.
Cet article a été rédigé sur base de la biographie de Daniel Tammet, d'un compte-rendu de l'AFP et des extraits des conférences et interviews accordées par l'auteur en 2009.

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