vendredi 16 avril 2010

Islande: un nuage de cendres cloue les avions au sol

Suite à l'éruption du stratovolcan Eyjafjallajokull en Islande le 14 avril 2010, le nuage de cendres qui s’est développé dans l'atmosphère a contraint l'Organisation de l'Aviation Civile Internationale (OACI) en concertation avec le Met Office de Londres à demander la fermeture des espaces aériens européens à partir du 15 avril 2010. Cette mesure exceptionnelle n'est pas sans conséquences sur l'économie européenne et mondiale.

Etendue du nuage de cendres le 16 avril 2010. Document NASA/Earth Observatory.
Composition du nuage
Pourquoi avoir fermer l'espace aérien ? La fumée volcanique est constituée de cendres d’une taille comprise entre le micro et quelques millimètres qui furent éjectés jusqu’à 12 km d’altitude. Ces cendres sont restées dans la troposphère et ne vont se disperser que très lentement. Les vents dominants soufflent ce nuage vers l’Est, en direction de l’Europe continentale (Allemagne, Scandinavie, Pologne et Russie).


Ce nuage de cendres se compose de microparticules de magma, de silicates et de gaz, essentiellement du chlore, du fluor et du dioxyde de soufre.
Au cours de leur progression dans la haute atmosphère, ces gaz peuvent se mêler à la vapeur d'eau pour former des goutellettes d'acide chlorhydrique et d'acide sulfurique (comme les fumées de combustion du charbon).
Ces gaz, qu'ils soient hydratés ou non, sont toxiques mais le nuage étant très peu dense, il ne représente aucun danger pour la santé. En revanche, la présence de ce nuage de cendres pose un problème pour l'aviation.
Effets du nuage de cendres sur les avions
Du point de vue météo et aéronautique, sont touchés les niveaux de vol entre FL550 et FL200 à partir de 45° N et principalement au-dessus de la Manche, de la mer du Nord et de la Scandinavie dans un premier temps. Ce sont donc tous les avions jets, les moyens et longs-courriers qui sont touchés par ce phénomène naturel.



Que risque un avion s'il traverse ce panache de fumée ? Un avion qui traverse ce nuage va accumuler des cendres dans ses réacteurs. Les palettes vont également se recouvrir d'un dépôt de cendres vitrifiées. La combustion peut alors être complètement interrompue et provoquer la chute de l’avion.
A ce jour, on dénombre une centaine d'accidents de ce type dans le monde, le plus spectaculaire étant un Boing 747 de la British Airways qui, après l'éruption du volcan Galungung en Indonésie en 1982, chuta de 6000 mètres durant 13 minutes avant de pouvoir redémarrer deux des quatre réacteurs. Le danger est donc réel.
Ces cendres sont également abrasives; elles érodent le fuselage ainsi que le bord d'attaque des ailes et peuvent opacifier le pare-brise.
Enfin, ces cendres ont des propriétés électrostatiques pouvant induire des dérèglements des instruments de bord.
Paralysie du trafic aérien
En Belgique, de mémoire de contrôleur aérien, c'est la première fois depuis 1945 que l'aéroport de Brussels Airlines) a été fermé plusieurs jours au trafic aérien ! La situation est identique dans toute l'Europe du nord, d'Oslo à Milan en passant par Barcelone et Munich.
Le sud de l'Europe est toutefois relativement épargné, les vols entre Athènes par exemple et Madrid étant maintenus (cf Google map pour une carte des aéroports perturbés).
Mais d'un phénomène banal qui devait temporairement interrompre le trafic aérien local, nous sommes rapidement passés à une situation chaotique dans toute l'Europe.
Selon l'Association Internationale du Transport Aérien (IATA), "c'est très certainement comparable à la paralysie massive [de l'espace aérien] qui a suivi le 11 Septembre".
Des mesures excessives
D’aucuns peuvent se demander si les mesures prises par l'OACI et répercutées par les ministres des transports de nos pays sont justifiées ? Elles ne sont certainement pas excessives du point de vue de la sécurité aérienne car on ne peut pas faire voler un avion tant que le risque d’accident subsiste.
Quant à fermer totalement les aéroports internationaux, on peut juger la décision tout de même excessive. En effet tous les vols au départ ou en provenance de l'Ouest (Amériques), du Sud (Afrique) et de l'Est (Moyen-Orient, Asie) passent très loin du panache de cendres ou le pilote peut très bien modifier son plan de vol pour éviter cette zone à risque.
Impacts de l'immobilisation des avions
Si pour les passagers, l'immobilisation des avions entraîne des retards ou des annulations, l’arrêt du trafic aérien a un impact financier.
On estime qu'en trois ou quatre jours, le manque à gagner va se chiffrer en centaines de millions d’euros pour l'ensemble des sociétés de restauration (catering) mises en chômage technique, ainsi que pour les centaines de tour operators sans oublier les assureurs qui vont devoir rembourser les frais d’hôtel de dizaines ou de centaines de milliers de touristes contraints de prolonger leur séjour.
La présence du nuage de cendres a également des impacts inattendus : des milliers de containers sont bloqués dans les aéroports, contenant notamment des animaux vivants, des aliments périssables (primeurs, poissons, etc), des prélèvements d’organes humains, des cercueils, du courrier urgent, des pièces de rechange, etc. Les missions aériennes militaires sont également touchées.
Enfin, des personnes blessées ne peuvent pas être rapatriées par avion sanitaire, des rendez-vous d'affaires ont dû être annulés, etc.
Vu l’impact de cet événement sur l’économie et l'emploi, il va de soi que l’Europe ainsi que les gouvernements prendront des mesures extraordinaires pour indemniser les principales entreprises victimes de cet arrêt de travail forcé.
Si les tour operators et les passagers font la grise mine, ce sont les agents des chemins de fer qui auront le sourire dans les prochains jours !
L'Europe vous protège
Avis aux voyageurs : l'Europe impose aux compagnies aériennes de soit rembourser intégralement les voyageurs lésés, y compris de rembourser leurs frais de séjours supplémentaires soit de leur proposer un autre moyen de transport. C'est une obligation contractuelle.
Vous pouvez également vous renseigner sur vos droits en téléphonant au guichet européen "Europe Direct" au 00 800 67 89 10 11.
Dernières nouvelles
Samedi 17 avril : En fonction de la vitesse et de la direction des vents, on estime que les avions pourraient rester au sol jusque lundi 19 avril au matin.
Lundi 19 avril : des scientifiques ont embarqué à bord de plusieurs avions longs-courriers au départ des aéroports allemands, suisse et français pour évaluer les risques liés à la présence du nuages de cendres.
Les résultats sont négatifs; les vols pourraient donc reprendre. Toutefois, les gouvernements anglais, belge, luxembourgeois, français et allemands notamment maintiennent les avions au sol jusque ce soir 18h voire jusque mardi matin.
Le nuage de cendres continue de s'étendre vers l'Est et vers l'Ouest mais les satellites perdent sa trace au milieu de l'Atlantique Nord.
Mardi 20 avril : le nuage se dissipant au-dessus de régions peu fréquentées, les vols reprennent lentement un peu partout en Europe mais les couloirs aériens ont été modifiés pour éviter le nuage de cendres.
Dans tous les cas, s'il n'y a pas de nouvelles éruptions importantes, les cendres résiduelles seront lessivées et retomberont au sol avec les prochaines pluies.
Samedi 1 Mai : l'Europe a évalué la perte financière pour le secteur du tourisme à 1 milliard d'euros. Les avocats de certaines compagnies aériennes refusent d'indemniser leurs clients sous le prétexte qu'il s'agirait d'un cas de force majeure, malgré l'avis contraire de la Commission Européenne. Visiblement, tous les dossiers ne vont pas se traiter à l'amiable, surtout les séjours bon marché signés avec des compagnies de charter assurant un service minimum ! Que chacun en tire la leçon.

Le panache de fumée émis par le volcan Eyjafjallajokull le 28 mai 2010. Doc ESA.
Dernières nouvelles
Samedi 8 mai 2010. Ca recommence ! Une bonne partie de l'Espagne est affectée par un nouveau nuage de cendres émis par le volcan islandais. Le panache situé au-dessus de l'Atlantique se dirige vers le Portugal, l'Espagne et le sud de la France. Plusieurs dizaines d'aéroports ont été obligés d'annuler certains vols ou de les retarder de 24 heures mais aucun aéroport n'a été fermé.
Les compagnies aériennes ou les agences de voyage proposent à leurs clients lésés soit une autre destination soit de rembourser totalement leur billet. Autrement dit, c'est la débrouille avec à la clé des rendez-vous manqués.
Les passagers devant partir ou revenir par avion ce weekend sont priés de consulter le planning des vols de leur compagnie aérienne sur Internet.
2011 : L'éruption du volcan a entraîné une perte financière totale estimée à 2 milliards de dollars.

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