vendredi 11 février 2011

Egypte : les militaires après le Raïs

La population égyptienne a fait tomber le régime de Moubarak après trois semaines de contestations et de révoltes urbaines.
Ce 11 février 2011 vers 17h, le vice-président Omar Souleimane a annoncé la démission du président Hosni Moubarak. Quelques heures auparavant le président était parti avec sa famille vers sa résidence secondaire de Charm El-Cheik mais cela ne suffit pas aux Egyptiens. Des manifestants étaient en train d'assiéger le Palais présidentiel quand le président a déclaré qu'il remettait le pouvoir au Conseil supérieur des forces armées.
Les militaires ont à présent la lourde responsabilité d'assurer la transition. Vers quel régime, islamique, laïque, une dictature, une démocratie ou le chaos ? Seul l'avenir le dira.

L'espoir après Moubarak
Au cours des 30 dernières années, le président Moubarak fut réélu à quatre reprises mais jamais de manière démocratique. L'opposition comme le peuple ont bien tenté de se révolter mais face à l'armée et à une police tirant à balles réelles, les tentatives de rébellions furent toujours sanctionnées par la force et des jugements arbitraires.
La révolution comme la transition ne font que commencer. Après avoir subi des interdits et des intimidations durant des décennies, aujourd'hui un souffle de liberté plane sur l'Egypte.
La liberté
Sur la place Tahrir qui n'a jamais mieux porter son nom - liberté en arabe - , les Egyptiens respirent et clament leur joie ; ils savent qu'ils ont à présent leur destin entre leurs mains.
Effet de bord, il est également possible que cette révolution donne des idées aux autres peuples arabes vivant sous des régimes non démocratiques; après la Tunisie et l'Egypte, c'est en Algérie que la population demande le départ d'Abdelaziz Bouteflika âgé de 74 ans (ce qui n'est pas impossible vu sa santé fragile).
En fait, sous une stabilité apparente ce sont tous les pays d'Afrique du Nord et du Moyen-Orient , soit plus de 350 millions de personnes qui aspirent à vivre en démocratie...
Si on compare le départ du Shah d'Iran en 1979 et ce qu'est devenu le pays sous le régime islamique de l'ayatollah Khomeyni ou de Mahmoud Ahmadinejad, on peut craindre le pire en Egypte.
Les Frères Musulmans notamment sont un groupe d'opposants radicaux qu'il faut surveiller. Aujourd'hui il n'y a aucun pouvoir en Egypte; plus de ministère, plus de société civile. Seule reste l'Armée mais elle est dirigée par un inconnu sans carisme et aucun parti laïque ou religieux n'est majoritaire. Le pouvoir est réellement entre les mains de la population.
Si le peuple est favorable à un régime démocratique laïque, même si l'Egypte est une République arabe, dans un pays instable le risque de voir s'établir un régime islamique est latent.
Il est donc urgent que les Occidentaux supportent le pouvoir de transition et notamment que Washington, le Parlement européen et nos principaux chefs d'états se prononcent clairement à ce sujet. Nous devons également aider les Egyptiens à relever les défits et les conflits qui surgiront nécessairement durant la période de transition.
Bref, c'est un jour historique dans l'Histoire du monde et des hommes. C'est l'occasion ou jamais pour les Egyptiens de prendre le pouvoir et d'appartenir à un état de droits où les Droits de l'homme ont un sens.
Quand Internet devient une arme
C'est la première fois dans l'histoire moderne qu'Internet est à l'origine de la révolte d'un peuple et de la démission d'un président.
La force des armes serait-elle inefficace face à la puissance d'Internet ? C'est fort possible puisque dans toutes les dictatures et régimes policiers, les gouvernements censurent Internet ou empêchent la population de s'y connecter ; ils ont conscience de la puissance des réseaux sociaux notamment et de tous les moyens dont regorge Internet pour communiquer en temps réel : via Facebook, Twitter, MSN, Skype, les blogs, etc, sans parler des réseaux cellulaires (GSM).
Ingérance des superpuissances
Suite à cette révolution, localement parfois violente et sanglante, peut-on imaginer ou souhaiter une ingérance des superpuissances voire de l'ONU dans les affaires égyptiennes ou des autres pays en révolte dans la région ?
Le principe d'ingérance n'est pas inscrit dans la loi. Il s'agit simplement d'un acte par lequel un pays démocratique ou son représentant (ONU) vient au secours d'une population victime notamment d'un génocide et d'autres violations des Droits de l'homme. Il s'agit donc d'une intervention fondée sur des valeurs morales.
En fait, tant que le conflit est local, limité à une ville ou fait quelques centaines ou milliers de victimes, généralement le Conseil de sécurité de l'ONU va adopter une résolution mais elle sera rarement exécutoire. Le but est de faire passer un "message" fort auprès du chef d'état du pays concerné, une mise en garde qui n'est autre qu'une intimidation diplomatique.
En fait et c'est triste à dire, il faut des événements encore plus graves pour que l'ONU passe aux actes et envoie une force d'intervention sur le terrain.
Dans le cas présent, il y a peu de victimes en Egypte et l'intervention de l'ONU n'est pas souhaitable. Reste la question géopolitique.
En effet, la question géopolitique qui se pose entre nos pays et ceux d'Afrique du Nord ou du Moyen-Orient, concerne l'approvisionnement de l'Europe en énergie, notamment en pétrole et en gaz.
Sans énergie, c'est la survie économique de près de 400 millions d'Européens qui est en jeu. Les chefs d'états européens et leurs alliés d'outremer ne peuvent donc pas traiter la question à la légère.
S'ingérer dans les affaires politiques de l'Egypte, de la Lybie ou des pays du Moyen-Orient signifierait prendre le risque de perturber l'acheminement du pétrole vers l'Europe, notamment via le Canal de Suez.
Déjà maintenant on peut craindre une augmentation du prix du pétrole vu les risques qui planent sur son approvisionnement. Nous verrons cela dans les semaines à venir.
Dans ces conditions, même si les Etats-Unis ont des bases aériennes dans tout le Moyen-Orient, il est peu probable qu'ils interviennent sur le terrain, pas plus que l'ONU. Vu les circonstances, la stratégie des pays occidentaux vise plutôt la discrétion; il en va de la stabilité dans la région et indirectement de notre économie.

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