mercredi 11 février 2015

Planck renforce la théorie du Big Bang inflationnaire

L'équipe scientifique de la mission Planck de l'ESA vient de publier ses résultats complets, révélant une vue remarquablement détaillée de l'Univers et de notre Galaxie. Voici l'aspect du ciel comme vous ne l'avez jamais vu, tel qu'il était environ 380000 ans après le Big Bang, c'est-à-dire il y a 13.4 milliards d'années, lorsque l'univers était 1100 fois plus petit qu'aujourd'hui.

Les données complètes de la mission Planck publiée en février 2015 fournissent une carte précise de la polarisation (au-dessus) et de la température (en-dessous) du fond diffus cosmologique micro-onde à travers tout le ciel. Les données mesurées par Planck montrent des fluctuations aussi faibles que 2 microKelvin (2 millionième de degré). Précisons que l'empreinte de la Voie Lactée a été retirée de ces données mais elle fut également exploitée par les astrophysiciens. Document Planck - collaboration ESA.
La mission Planck et l'écho du Big Bang 
Le satellite Planck fut lancé en 2009 par l'ESA pour étudier le fond de rayonnement diffus cosmologique micro-onde (CMB en anglais) à 2.7 K également appelé le rayonnement "fossile" émis au cours de la naissance de l'Univers. Ceci demande une explication.
Par analogie, quand une explosion se produit, à mesure que le temps passe le son et la température du phénomène diminuent.
L'Univers connut un phénomène analogue à l'exception qu'il ne s'est pas produit dans une enceinte. Aujourd'hui, la température moyenne de l'Univers est tombée précisément à 2.72548 ±0.00057 K soit environ -270.4°C, un froid glacial. Cette température est isotrope et donc indépendante de l'endroit du ciel ou plutôt de l'orientation dans laquelle on la mesure.
Le satellite Planck.
Mais mieux que cela, cette courbe de température épouse parfaitement la courbe d'énergie d'un corps noir porté à la même température, renforçant la confiance des scientifiques en leurs théories.
Cela signifie également que cette température est indépendante de la nature de la matière ou de l'énergie l'ayant émise.
Ce rayonnement diffus cosmologique c'est-à-dire consécutif à la création de l'Univers, résulte de la dégradation d'une température initiale de 3000 K émise il y a 380000 ans, à l'époque dite du découplage, lorsque l'Univers devint transparent au rayonnement et que la matière a pu se forrmer.
A cette époque, l'Univers avait 0.1% de sa taille actuelle et contenait encore 1 milliard de photons (rayonnement) pour chaque proton (de matière). Ceux-ci avaient une énergie de repos de 0.94 GeV, autrement dit aussi puissante que celle des rayons gamma. Autrement dit, pratiquement rien ne pouvait survivre à cette époque où le rayonnement était encore bien trop intense.
Mais il a suffit que l'Univers grandisse encore un peu et se refroidisse un tout petit peu afin que l'énergie des photons se dégrade d'1 eV pour que la matière prenne le pas sur le rayonnement et que l'Univers permette l'élaboration de la matière, qu'il se matérialise avec son cortège de nébuleuses, étoiles, galaxies et planètes jusqu'à créer la vie complexe.
Ce modèle d'Univers appelé le modèle du Big Bang a été renforcé par les résultats des missions COBE (1992), WMAP (2012) et aujourd'hui Planck.
Les mesures effectuées par Planck sont 30 fois plus précises que celles de WMAP et 1000 fois plus précises que celles COBE.
On peut donc dire aujourd'hui avec certitude que le Big Bang a eu lieu, quelle fut sa température et son niveau d'énergie parmi d'autres paramètres.
Cela signifie également que les théories alternatives (modèle quasi-stationnaire HBN, de la création continue, de la lumière fatiguée ou encore l'univers META et son antimatière parmi d'autres) doivent être abandonnées.
Reste en théorie dans la course, certains modèles exotiques faisant par exemple appel aux supercordes et aux théories membranaires (théorie M, etc) pour tenter d'unifier la relativité générale et la physique quantique et peut-être comprendre ce qui s'est produit à l'instant ou même avant le Big Bang. Mais ceci est une autre histoire.
La théorie du Big Bang
En attendant d'inventer cette théorie plus générale, la théorie du Big Bang représente aujourd'hui le modèle Standard de la cosmologie.
Il se développa à partir de 1934 mais il fut surtout popularisé à partir 1976 par le physicien Steven Weinberg de l’Université d'Harvard grâce à son fameux livre "Les trois premières minutes de l'Univers" toujours disponible.
Planck a cartographié le ciel à neuf fréquences thermiques et sept de polarisation comprises entre 30 et 857 GHz avec une résolution angulaire variant entre 5°' et 5' selon la fréquence. Il cessa de fonctionner quatre ans plus tard, fin 2013.
Les fluctuations de densité qu'on observe dans la carte du rayonnement à 2.7 K représentent les germes de croissance des futures grandes structures cosmiques que sont aujourd'hui les superamas de galaxies reliés entre eux par d'immenses ponts de matière, l'ensemble étant enveloppé dans une masse d'énergie sombre indétectable.
En essayant de comprendre pourquoi le rayonnement cosmologique micro-onde présente cet aspect irrégulier à grande échelle, les cosmologistes et les physiciens peuvent mieux comprendre l’entièreté du processus cosmique et affiner les contraintes sur leurs modèles.


Les limites du modèle cosmologique Standard
En cosmologie, les scientifiques s'intéressent à l'évolution de l'Univers et essentiellement aux premiers instants de sa genèse car dans une certaine mesure, elle peut faire l'objet d'expériences.
A cette époque reculée, les évènements n'avaient pas grand chose à voir avec ce qu'on observe aujourd'hui dans la vie de tous les jours.
Dans l'Univers primordial à l'époque étudiée par Planck, le niveau d'énergie était intense (~1 GeV), la chaleur infernale (6000 K), l'Univers était opaque et les particules animées d'une vitesse relativiste. Bref, les évènements se déroulant à l'échelle subatomique étaient extrêmement rapides et violents et seules les lois de la physique quantique alliées à celles la relativité générale s'appliquaient.
Aujourd'hui, ces lois s'appliquent encore mais soit elles portent leur influence à l'échelle subatomique ou au contraire à grande échelle (globale)soit elles sont "écrasées" par des forces locales beaucoup plus intenses comme les liaisons fortes interatomiques ou les liaisons chimiques au sein des molécules.
Mais à cette époque reculée, tout baignait encore dans une sorte de soupe de  plasma (des particules pratiquement élémentaires) et d'énergie gamma opaque et peu dense, contenant 75% de noyaux d'hydrogène (des hélions ou particules alpha) et des électrons ainsi que d'innombrables neutrinos et d'autres particules élémentaires (quarks, etc., mais a priori rien "d'exotique" au grand dam de certains théoriciens).
Mais inventé voici plusieurs décennies à une époque où on imaginait encore l'Univers comme étant assez simple, ce modèle cosmologique Standard souffre aujourd'hui de quelques défauts.
Il ne "fonctionne" qu'à partir d'environ 10-35 secondes après le Big Bang et n'accepte pas d'autres structures mathématiques que les équations de champ de la relativité générale ni d'autres particules élémentaires que les quarks, les leptons (électron, neutrinos, muon, etc.) et une poignée de bosons (photon, graviton, etc).
Or l'observation et l'étude de l'Univers à haute énergie contredisent ce résultat; il existe d'autres types de particules dont potentiellement tout un bestiaire de particules supersymétriques et des entités de dimensions supérieures (branes, etc).
Ce modèle ne répond donc que partiellement à l'unification des forces développée dans les théories de Grande Unification (GUT et autre TOE) qui étudient vraiment les tout premiers instants de l'Univers.
De plus, la théorie du Big Bang est incapable d'expliquer ce qui a provoqué le "bang" et ce qui a fait "bang", ni pourquoi l'Univers a le même aspect dans toutes les directions, pourquoi la densité actuelle de l'Univers est si proche de 1 alors qu'elle aurait pu avoir n'importe quelle valeur, pourquoi l'Univers paraît si plat ou pourquoi les constantes fondamentales ont des valeurs si finement ajustées, etc.
Pour espérer résoudre toutes ces énigmes, il fallait donc amender le modèle Standard du Big Bang.


Le modèle cosmologique lambda-CDM
La théorie du Big Bang a été affinée et complétée pour que les physiciens et les cosmologistes puissent étudier ce qui s'est passé au commencement de l'Univers, c'est-à-dire si possible (et s'il existe) jusqu'au temps "0", notamment grâce au modèle baptisé lambda-CDM.
Lambda-CDM est le plus simple modèle d'univers inflationnaire, un univers plat contenant de la matière sombre et froide (Cold Dark Matter) et une constante cosmologique, lambda.
"Lambda" est la fameuse constante cosmologique d'Einstein qu'il ajouta à sa théorie de la relativité générale en 1917 avant de la considérer comme une erreur en 1929 lorsque Edwin Hubble découvrit la récession des galaxies, leur fuite apparente vers les confins de l'Univers.
Selon l'équation de champ d'Einstein, une valeur non nulle de lambda représente une densité d'énergie du vide non nulle (on parle de "faux vide" pour le différencier du vide classique).
Aujourd'hui, la plupart des cosmologistes se réfèrent à une autre constante cosmologique "lambda" qui joue un tout autre rôle en accélérant le taux d'expansion de l'Univers par le biais d'une énergie sombre et inconnue qui semble envahir l'espace.
En soi l'association  de "lambda" à l'une ou l'autre forme d'énergie permet de mettre les modèles d'Univers en concurrence, jusqu'à ce qu'une version émerge, la plus conforme aux observations.
Ces concepts plutôt abstraits et mathématiquement très élaborés font référence à des modèles inflationnaires de l'Univers dans lesquels la physique des hautes énergies joue un rôle essentiel.
Ainsi, les mécanismes de Higgs (Cf. Alan Guth et Andrei Linde) également appelés le champ d'inflaton intervient spontanément pour briser la symétrie entre les interactions afin de permettre au modèle inflationnaire de rejoindre le modèle Standard une fraction de seconde après le Big Bang.
Même si dans la version de l'énergie du vide, sa valeur est dérisoire (lambda est de l'ordre de 10-29 g/cm3), à grande échelle elle provoque une répulsion qui conduisit à l'expansion accélérée de l'Univers, raison pour laquelle elle revient dans toutes les théories modernes sur la cosmologie.
Le modèle lambda-CDM impose plusieurs conditions :
- l'Univers est une solution particulière des équations de la gravité de la théorie de la relativité générale
- l'Univers est homogène à grande échelle et est en expansion
- l'Univers connut une période d'expansion exponentielle appelée l'inflation qui s'arrêta lorsque l'asymétrie apparut, 10-35 sec après le Big Bang
- les fluctuations quantiques sont à l'origine de la distribution de la matière à grande échelle observée aujourd'hui.
Les deux dernières conditions sont spécifiques à cette théorie et sont pour le moins exotiques dans la mesure où elles sortent des phénomènes habituels et palpables. Mais comme nous le savons en science, ce n'est pas parce qu'on ne voit pas quelque chose, qu'il n'existe pas.
A partir de là, les physiciens ont dû faire des suppositions et émettre des hypothèses de travail, que d'autres ont cherché à combattre, certaines pour de bonnes raisons, d'autres tout simplement parce qu'ils ne les comprenaient pas et ne voyaient pas l'intérêt d'inventer une physique a priori exotique qui semblait impossible à vérifier.

Dans le modèle cosmologique inflationnaire que nous devons à Alan Guth, l'inflation (rectangle bleu) se produit lorsque la densité de Planck est descendue en-dessous de 1094 g/cm3, peu avant 10-35 sec. Mais ce scénario ne fonctionne pas. Andrei Linde l'a modifié en faisant commencer l'inflation au temps de Planck, à 10-43 sec (rectangle gris) et en faisant intervenir une théorie tachyonique. Toutefois quel que soit le scénario inflationnaire le rayon de l'univers observable (13.78 milliards d'années-lumière) est de loin inférieur à la distance de l'horizon cosmologique qui représente la distance maximale entre deux régions causalement liées par un signal lumineux. Document T.Lombry.
Mais on peut dire que depuis les travaux précurseurs d'Alexey Straboninsky puis ceux d'Andrei Linde en 1974 notamment, ce modèle inflationnaire a reçu du galon suite aux premières découvertes des satellites COBE et WMAP et est aujourd'hui supporté par la majorité des cosmologistes.
Cerise sur le gâteau, les résultats de Planck confirment tout à fait ce modèle avec une très grande précision.
Ce qui est plus étonnant encore, c'est que cette théorie fonctionne. C'est bien sûr le but de la Science de proposer des explications, mais nous savons qu'au cours de l'Histoire, on a parfois cherché à "sauver les phénomènes" comme à l'époque des Anciens Grecs ou le public n'acceptait tout simplement pas la réalité et préférait croire que la Terre était plate et placée au centre du monde, une manière aussi de se rassurer face à l'inconnu.
Dans ce contexte, le fait que le modèle lambda-CDM et ses quatre conditions fonctionnent s'explique physiquement parce qu'à l'époque de la Recombinaison, l'Univers s'était suffisamment refroidi pour devenir transparent au rayonnement cosmologique qui a pu se libérer de la purée d'énergie et se dissiper dans tout l'Univers de manière isotrope tout en conservant l'empreinte des germes d'hétérogénéité qui seront les futures grandes structures cosmiques.
Finalement, 380000 ans après le Big Bang, l'Univers était encore très simple. Il était constitué d'une soupe de plasma baryonique a priori mélangée à de la matière et de l'énergie sombre dans laquelle il n'y avait encore aucune réaction chimique car le niveau d'énergie l'empêchait.
A partir des données de Planck et en les comparant aux modèles et aidés par des superordinateurs vectoriels simulant ces processus, les scientifiques sont aujourd'hui en mesure de proposer une recette, une configuration physique de l'Univers qui permet de reproduire avec une très haute précision la distribution du rayonnement cosmologique observée par Planck.

Gros-plan sur la carte du rayonnement cosmologique à 2.7 K cartographié par Planck. Les couleurs sont tracées en fonction de la température et témoignent de la distribution de la matière. Les textures matérialisent les lignes de champ magnétique créées en fonction de l'orientation de la polarisation; elles témoignent des déplacements de la matière. Le signal polarisé (mode B) est largement dominé par les ondes de densité de la matière (les modes scalaires ou modes E). La carte de gauche présente une résolution de 5°, celle de droite de 20'. Document Planck - collaboration ESA. 
Les taches hétérogènes rouges et bleues qu'on voit dans l'image thermique de Planck sont les signatures d'un état et d'un mode particulier d'évolution du modèle du Big Bang inflationnaire associé au modèle lambda-CDM.
L'inflation de l'Univers s'expliquerait en raison de l'amplitude de plus en plus grande des fluctuations quantiques des ondes de densité (des champs scalaires, non orientés) qui ont fini par comprimer et dilater la matière, donnant naissance à des hétérogénéités à "petite échelle" à cette époque, les germes des futurs superamas de galaxies.
Ceci résume le contexte historique et scientifique à l'origine de la mission Planck. Voyons à présent les résultats de cette mission à laquelle ont collaboré 500 chercheurs internationaux répartis en deux équipes, une italienne et une française.
Les résultats de Planck
Les résultats présentés en 2015 soutiennent ceux publiés en 2013 à quelques virgules près dans les paramètres cosmologiques. Ils renforcent et même confirment que l'Univers primordial peut se définir au moyen de six paramètres, quelle que soit la manière dont les scientifiques manipulent les données. Ces six paramètres sont :
1. la densité de matière baryonique (constituant la matière ordinaire) créée au cours des premières minutes de l'Univers
2. la densité de matière sombre à la même époque
3. la distance de propagation des ondes soniques à l'époque où le rayonnement cosmologique s'est libéré (l'horizon du son) ou la taille angulaire des oscillations baryoniques acoustiques (BAO)
4. le pourcentage de photons du rayonnement cosmologique ayant dispersé les particules libérées par le rayonnement stellaire ou celui des quasars et ionisé l'hydrogène neutre remplissant le cosmos
5. l'amplitude des fluctuations de densité en fonction de l'échelle angulaire à la fin de la période inflationnaire et comment elles ont évolué en fonction de la taille de l'Univers
6. La pente du 5eme paramètre à travers le spectre.
A partir de ces variables, les scientifiques ont pu calculer toutes les autres propriétés de l'Univers comme son âge ou son taux d'expansion.

Spectre de puissance du rayonnement cosmologique à 2.7 K. L'intensité des variations de température (verticalement) a été tracée en fonction de leur dimension angulaire (horizontalement, c'est approximatif). La ligne rouge représente les prédictions du modèle cosmologique Standard, les points bleus les données de Planck. En résumé, l'expérience confirme la théorie. Document Planck - collaboration ESA.
Mais comme rien n'est jamais simple et isolé en science, les valeurs exactes dépendent de sous-ensembles de données qui apportent une tolérance ou une certaine marge d'erreur aux résultats dont les plus importants sont les paramètres cosmologiques suivants :
- L'âge de l'Univers : 13.799 ±0.038 milliards d'années
- Le paramètre de Hubble : Ho = 67.8 ±0.9 km/s/Mpc
- La densité baryonique : 0.4181 ±0.0043 yg/m3 (yoctogrammes/mètre cube)
- La densité de l'énergie sombre : 0.692 ±0.012
- La densité de la matière sombre et froide : 2.23 ±0.032
- Le rayon de courbure de l'Univers : -0.0029 < K < +0.008 avec 95% de confiance.
Les conséquences de la constante de Hubble
La constante de Hubble, Ho, fut découverte par Edwin Hubble en 1929 lorsqu'il découvrit que les galaxies se situaient bien au delà des distances ordinaires et semblaient nous fuir d'autant plus rapidement qu'elles étaient éloignées. L’intervalle de temps 1/Ho est une valeur indépendant de la distance qui permet de déterminer l’âge de l’Univers.
Avec Ho=100, dans le modèle cosmologique le plus simple (Einstein-De Sitter ou FRW) dans lequel l'univers est plat, l’Univers n’aurait pas 10 milliards d’années. Pour Ho=100 et un paramètre de densité précis, l'Univers peut avoir 20 milliards d'années. Son âge peut donc passer du simple au double en fonction d'un seul paramètre.
La constante de Hubble a été estimée à Ho = 69.32 ±0.80 km/s/Mpc selon WMAP et Ho = 73.8 ±2.4 km/s km/s/Mpc selon le Télescope Spatial Hubble.

L'Univers tel qu'il est à plusieurs milliards d'années-lumière... Il y a bien sûr des milliers de galaxies mais il y a surtout 75% de matière et d'énergie sombres ! Document NASA/STSCI/HST.
On savait en théorie que la valeur de Ho pouvait osciller entre 50 et 100 mais on privilégiait une valeur proche de 73 km/s/Mpc déduites des mesures du HST.
Une faible valeur de Ho comme 67.8 km/s/Mpc signifie que le taux d'expansion de l'Univers est plus lent que celui estimé par le HST, que l'Univers est plus jeune (13.8 milliards d'années) qui si on adoptait la valeur de 73 km/s/Mpc et que quelque chose l'empêche de s'étendre.
Il peut s'agir de matière (mais c'est peu probable car on la voit et on peut la détecter) ou d'autre chose de plus exotique et invisible dans la plupart des instruments et dans la plus grande partie du spectre.
Cette "matière manquante" peut se cacher sous forme d'innombrables corps sombres, d'antiparticules ou de particules interagissant peu avec la matière ordinaire. D'où l'importance de savoir ce que représente cette énergie sombre d'origine inconnue qui remplit les deux tiers de l'Univers.
Si on prend l'exemple des élusifs neutrinos, ce type de particule élémentaire est uniquement sensible à l’interaction faible. Aussi, bien qu'ils soient nombreux (chaque seconde, chaque centimètre carré de notre corps est traversé par 65 milliards de neutrinos), ils sont également très difficiles à capturer.
Imaginez alors une "matière" dix mille fois plus abondante et pourtant encore moins sensible aux interactions. Comment la détecter ? La question reste ouverte et si vous trouvez une méthode, le Prix Nobel vous attend !
Le modèle du Big Bang inflationnaire confirmé
Voici quelques détails des analyses qui ont permis de confirmer le modèle du Big Bang lambda-CDM, inflationnaire et euclidien, ainsi que les propriétés de l'Univers.
L'univers visible contient seulement 4.9% de matière baryonique (total des protons, neutrons et hypérions) contre 26.8% de matière sombre et 68.3% d'énergie sombre.
La densité de la matière baryonique est connue avec une précision de 1.1%, celle de la matière sombre et froide avec une précision de 1.4% et celle de l'énergie sombre avec une précision de 3.7%.
En tenant compte de ces valeurs dans les équations cosmologiques, l'horizon de l'univers observable (qui varie en fonction du taux d'expansion de l'Univers) se trouve aujourd'hui à environ 13.79 milliards d'années-lumière ou 4233 Mpc.
Cela n'empêche pas l'Univers réel d'être beaucoup plus vaste. L'horizon cosmologique a été multiplié par ~1093 depuis l'époque du découplage et se situe aujourd'hui à 46.5 milliards d'années-lumière selon le modèle Standard tandis qu'il aurait enflé d'un facteur 101012  dans le modèle inflationnaire ! L'une comme l'autre sont des distances inconcevables...

Document A.Linde/Scientific American adapté par l'auteur.
Dans le modèle Standard, sur base des mêmes proportions de matière et d'énergie, cela correspond à environ 5.4 nucléons par mètre cube d'espace alors que Planck a porté cette valeur moyenne à 1 proton tous les centimètres cubes d'espace.
En tenant compte des valeurs de Planck, ce volume d'univers visible "pèse" environ 2.8x1054 kg et vingt fois moins (1.25x1053 kg) si on ne considère que la contribution des baryons.
A partir de ces derniers, on estime que l'univers contient quelque 1080 nucléons (et autant de photons), ce qui représente environ 1023 masses solaires ou cent mille milliards de milliards de Soleil.
Si on convertit la quantité de matière sombre en équivalent énergie, bien que la densité de l'énergie sombre (6.9x10-27 yg/m3) soit plus de 1300 fois plus faible que celle de la matière ordinaire (9.24x10-27 ykg/m3), elle domine à grande échelle du fait de son uniformité à travers tout l'univers.
A propos des limites du 1er paramètre concernant la densité de matière, Planck confirme que la densité de l'Univers est de 0.9995 ±0.0034, ce qui est compatible avec un Univers plat (modèle FRW), euclidien. Il n'est donc ni sphérique (rayon de courbure sup.0, densité sup.1) ni hyperbolique (rayon de courbure inf.0, densité inf.1). Dans notre univers, les lignes parallèles ne se rejoignent jamais à l'infini.
On en déduit également qu'il n'y a pas d'autres familles de neutrinos. Il n'existe que trois saveurs, aux tolérances près (3.3 ±0.28 contre 3.046 selon les prédictions) et leur masse globale est inférieure à 0.23 eV.


Les données de Planck confirment aussi les mesures de WMAP concernant l'asymétrie entre les températures moyennes des deux hémisphères. Cela suggère que l'Univers n'est pas homogène dans toutes les directions à une échelle supérieure aux observations.
Une explication serait que le rayonnement cosmologique nous est parvenu en suivant un cheminement plus complexe qu’on l'a imaginé jusqu’ici.
Les mesures de Planck confirment aussi l'anisotropie du pôle Sud, la "tache froide" étant même plus étendue qu'on l'escomptait.

Cette carte montre l’asymétrie entre les températures moyennes des deux hémisphères du ciel et la tache froide dans l'hémisphère sud. Document Planck - collaboration ESA.
Les mesures confirment aussi l'idée que les petites fluctuations quantiques furent légèrement plus intenses à grandes échelles qu'à petites échelles. WMAP avait relevé cette différence, mais Planck a confirmé sa valeur avec précision, renforçant les prédictions et la validité du modèle inflationnaire qui précise ces valeurs.
L'équipe de Planck en collaboration avec l'équipe BICEP2/Keck ont étudié la polarisation du rayonnement cosmologique par d'éventuelles ondes gravitationnelles amplifiées par le phénomène d'inflation.
L'équipe BICEP2/Keck avait en effet découvert en mars 2014 un signal polarisé (mode B) à 353 GHz dans le rayonnement à 2.7 K mais qui pouvait a priori être parasité par la présence de poussière de la Voie Lactée située à l'avant-plan.

Contribution de la poussière et de la matière sombre du halo à différentes époques de l'Univers. Document Planck - collaboration ESA. Notons que la composante gravitationnelle a été infirmée en 2016 : il ne s'agit que de l'effet de la poussière présente dans la Voie Lactée (voir fin de l'article).
Le signal étant également présent à 150 GHz, à cette fréquence on constate que la contribution supposée des lentilles gravitationnelles (en fait la matière sombre qui induit ces effets) est beaucoup plus importante (mais voir fin d'article car cette conclusion fut infirmée en 2016).
En 2014, on en conclut que le reste est d'origine cosmologique (en fait émit par des ondes gravitationnelles primordiales). Il fallait donc confirmer que cette polarisation était liée ou non à la présence de poussière interstellaire qui est omniprésente (elle dessine notamment la Voie Lactée et toutes les nébuleuses).
Les analyses confirment que les deux signaux sont globalement de même amplitude. Si on retire les contributions de la poussière galactique et de la matière sombre (principalement celle du halo galactique) à l'origine des lentilles gravitationnelles, le reste du signal paraît donc bien associé aux ondes gravitationnelles primordiales, ce qui est une découverte majeure (mais fausse, cf. fin d'article).
Les mesures de Planck sont conformes aux valeurs calculées par le modèle lambda-CDM ayant donné naissance aux grandes structures cosmiques que nous observons. Cela veut dire que jusqu'ici, la contribution de la poussière dans les mesures a été sous-estimée.
Enfin, la polarisation du rayonnement cosmologique confirme ainsi le phénomène d'inflation, une cerise de plus sur le gâteau.

Carte mixte de la poussière (en couleurs) et du champ magnétique galactique (lignes en relief) mesurés par Planck à 353 GHz. Le champ d'observation de BICEP2 est indiqué en pointillés blancs et se situe dans l'hémisphère sud. Ce champ contient peu de poussières (dans les bleus ciels et pas bleu foncé). Le signal polarisé permet clairement de tracer les lignes du champ magnétique galactique et ne peut être ignoré ni confondu avec une émission locale. Document Planck - collaboration ESA.
Les deux équipes Planck et BICEP2/Keck ont trouvé une limite supérieure pour le rapport des ondes gravitationnelles en fonction des fluctuations de densité de 0.08, légèrement inférieure aux résultats des analyses précédentes (0.12 et 0.11).
Une valeur plus faible est favorable à un modèle inflationnaire plus simple. Elle implique un modèle où l'inflation est engendrée par la décroissance d'un seul champ d'énergie, un champ qui diminua "lentement" comparé au taux d'expansion exponentiel de l'Univers (durant l'inflation l'univers s'est dilaté d'au moins 5 milliards de milliards de fois en 10 nano-nano-nano-nanosecondes, c'est pas si lent que ça !).
Le niveau d'énergie requis pour l'inflation était inférieur à 2x1016 GeV, équivalent au niveau nécessaire pour unifier les interactions forte, faible et électromagnétique en une seule Théorie de Grande Unification ou GUT.
Autre correction qu'a permis Planck, l'ère stellaire qui suivit l'ère de la Recombinaison, durant laquelle nous assistâmes à la formation des protoétoiles, des protogalaxies et des quasars et où l'Univers des étoiles commença à briller a été réévalué.
WMAP indiquait qu'elle correspondait à un décalage Doppler vers le rouge (redshift z) de 10, ce qui correspond à 470 millions d'années après le Big Bang, mais Planck a retardé le début de cette ère à z= 8.8 ou 560 millions d'années après le Big Bang, il y a 13.2 milliards d'années.
Précisons que sur base de ces chiffres, durant l'intervalle  z=8.8-10, H = 1255 km/sec/Mpc.
De même, le niveau d'annihilation de matière qu'on observe dans le coeur de la Voie Lactée supporte le modèle Standard et les valeurs observées dans le rayonnement cosmologique au détriment des théories alternatives (comme une émission gamma diffuse par exemple).


Concernant l'évolution de l'amplitude des fluctuations de densité (le 5eme paramètre du modèle lambda-CDM), également appelé indice spectral scalaire, il est relativement important car il décrit l'état de l'Univers à la fin de l'inflation.
Planck a mesuré une valeur de 0.968 ce qui veut dire que l'amplitude des fluctuations est légèrement plus grande à grandes échelles que ce que prédisent la plupart des modèles inflationnaires. Cette différence produit un léger effet sur le taux de formation des galaxies au cours du temps.
Reste la question étrange des petits amas de galaxies qui manquent à notre inventaire cosmique. L'équipe de Planck a bien trouvé certaines petites bosses ou irrégularités dans le rayonnement cosmologique qu'on peut associer à des fluctuations de la distribution de la matière dans l'Univers primordial.
Mais Planck prédit 2.5 fois plus d'amas que ce que les astronomes observent. Il peut s'agir d'erreurs dans les estimations comme il peut tout aussi bien s'agir des effets d'une nouvelle physique. La question reste ouverte, une de plus parmi les dizaines d'autres de la cosmologie.
Quant aux théories exotiques expliquant le Big Bang, comme celle faisant par exemple appel à des collisions entre branes de dimensions supérieures, elles ne prédisent pas une telle polarisation. Et c'est l'une des raisons pour lesquelles Planck fut construit. Les résultats vont donc au-delà des espérances.
En résumé
Toutes les valeurs mesurées et affinées par Planck sont en accord avec les observations antérieures du rayonnement cosmologique à 2.7 K. Complétées par la confirmation de quelques découvertes faites au sol, elles confirment que le modèle cosmologique Standard inflationnaire est non seulement correct et cohérent mais s'accorde parfaitement avec la constante cosmologique lambda-CDM.
En d'autres termes, l'Univers est né au cours d'un phénomène de Big Bang inflationnaire dont nous retrouvons aujourd'hui l'empreinte à grande échelle dans la fuite apparente des galaxies, des superamas, la polarisation du rayonnement diffus cosmologique et l'énergie sombre, et à petite échelle dans l'existence même des particules élémentaires et des étoiles individuelles sans lesquelles rien n'existerait à part le vide et les photons.


Il reste évidemment des questions ouvertes et des inconnues ainsi que des constantes dans les équations dont les physiciens aimeraient bien se débarrasser.
Mais c'est également le but de la Science d'essayer d'y répondre et notamment aux questions encore métaphysiques : pourquoi le Big Bang a-t-il eu lieu, qu'y avait-il avant le Big Bang ainsi qu'à la question ultime : pourquoi sommes-nous là à nous poser la question ? Les réponses viendront.
PS. Les résultats de la mission Planck ont été présentés au cours de la Conférence Planck qui s'est tenue à Ferrara, en Italie en décembre 2014 mais les articles d'analyses n'ont été publiés que le 5 février 2015.
Dernières nouvelles
Suite à des contre-analyses des données de l'expérience BICEP2, des astronomes ont confirmé début 2016 dans le magazine "Nature" que la polarisation en mode B ne provient pas des ondes gravitationnelles comme cela fut publié mais de la poussière interstellaire omniprésente dans la Voie Lactée, ce que certains chercheurs avait déjà suggéré en 2014.
Pour plus d'informations
Planck publications, 2013, 2015, ESA
Planck results papers 2015, JPL (pareil que le site de l'ESA)
Planck resultats 2013 (surtout le tableau récapitulatif), Wikipedia US
Joint analysis BICEP2/Keck
La cosmologie, Luxorion
L'Univers inflationnaire, Luxorion
Ned Wright's Cosmology, UCLA
Andrei Linde page, Stanford U.
Alan Guth page, MIT

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