jeudi 28 mai 2015

Evolution cellulaire : Lokiarchaeum, le chaînon manquant

Une équipe de biologistes de l'Université d'Uppsala, en Suède, a affirmé dans le magazine Nature du 14 mai 2015 avoir découvert un organisme transitionnel entre les cellules procaryotes (sans noyau, comme les bactéries) et les cellules eucaryotes (à noyau et que'on retrouve dans tout le règne animal). Il s'agit d'une nouvelle espèce d'archéobactérie baptisée Lokiarchaeum. Elle appartient au nouveau phylum ou embranchement archéen des Lokiarchaeota.


Cet organisme fut découvert grâce à un robot explorant l'océan Arctique, entre le Groenland et la Norvège, dans une couche de sédiments située à plus de 3000 mètres de profondeur, au pied d'une cheminée hydrothermale appelée le "Château de Loki" par 73°N.
Pour rappel, les cellules eucaryotes sont les organismes les plus complexes du vivant, en particulier en raison de la présence non seulement du noyau cellulaire qui protège et renferme l'ADN mais également des mitochondries, véritables usines énergétiques de la cellule.
Ces mitochondries sont à l'origine des bactéries, des parasites que les premières cellules ont incorporées (phagocytées) dans leur enceinte cellulaire et dont elles ont tiré profit. Or les cellules procaryotes ne possèdent pas ces entités.
Un organisme transitionnel
Les bactéries et les archées sont probablement les organismes les plus anciens. On retrouve des signatures chimiques des lipides archéens remontant à 3.8 milliards d'années alors que les cellules eucaryotes les plus anciennes remontent à 2.1 milliards d'années.
Jusqu'à présent il n'existait pas de forme intermédiaire (qu'on appelle à tord le "chaînon manquant"). Aussi, la découverte de Lokiarchaeum qui ne présente pas encore toutes les caractéristiques des eucaryotes témoigne de l'existence d'une transition entre les archées et les eucaryotes.

Illustration artistique représentant le passage des cellules procaryotes aux eucaryotes par association de plusieurs cellules procaryotes, une sorte de symbiose primitive. Document Jacopin/BSIP.
Selon Anja Spang, chercheuse au département de biologie cellulaire et moléculaire à l'Université d'Uppsala, Lokiarchaeum n'a ni noyau ni mitochondrie : "l'étude de son génome la fait apparaître dans l'arbre phylogénétique comme un groupe sœur des cellules procaryotes." En effet, elle présenterait une troublante similarité génétique avec les cellules eucaryotes. Elle dispose de gènes qui codent pour des protéines qu'on ne retrouve normalement que chez les cellules eucaryotes. "On n'en connaît pas encore la fonction chez Lokiarchaeum" précise Anja Spang.
Cet organisme dispose également de facultés génétiques lui permettant de fabriquer des protéines complexes. "Naturellement cela ne veut pas dire que Lokiarchaeum est la copie conforme de cet ancêtre commun" entre procaryotes et eucaryotes, relativise Anja Spang car "Lokiarchaeum a également évolué pendant des siècles."
Cette découverte représente une étape majeure dans notre compréhension de l'évolution cellulaire.
Lokiarchaeum apporte un nouvel éclairage sur la manière dont les cellules complexes qui composent aujourd'hui tout le règne du vivant, des champignons à la faune en passant par la flore, ont évolué à partir de cellules sans noyau.

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