mardi 19 juin 2007

Les chômeurs face à la réalité socio-économique

Si les cinéphiles se rappellent des pitreries et de la désinvolture du "Chômeur de Clochemerle" interprété par Fernandel en 1957, aujourd'hui les chômeurs ne font plus rire personne.
Fernandel dans 'Le chômeur de Clochemerle' de Jean Boyer (1957)En apprenant que plus de 14% des Belges vivent dans la précarité, on comprend que la majorité d'entre eux émargent au chômage, reçoivent un SMIG ou un RMG d'un fonds social ou bénéficient d'une très petite pension qui leur permet à peine de survivre.
Rappelons que le chômage concerne environ 18% de la population active de Wallonie, 11% en France, 10% dans la Grande Région, 8% en Allemagne, 5% au Luxembourg, 3% en Angleterre et 2.7% en Norvège, des valeurs qui varient d'un à deux points selon que l'on tienne compte ou pas de toutes les personnes profitant d’une mesure pour l’emploi. Par comparaison le taux de chômage est d'environ 5% aux Etats-Unis avec des pics de 7.7% dans les Etats du Sud et atteint environ 8% au Japon.
Quelle est l'origine du taux élevé et persistant de chômage ? Généralement, dans nos pays le chômage résulte essentiellement d'une demande globale insuffisante (liée à des demandeurs d'emploi dont le profil ne correspond pas à l'offre du marché) associée à de faibles taux de croissance.
Une économie offrant une croissance très faible est elle-même la cause majeure des problèmes structurels du marché de l'emploi. Des crises économiques (crise pétrolière), financières (faillite d'instituts financiers) ou une adaptation insuffisante aux demandes de l'économie mondiale et des politiques nationales peu clairvoyantes pèsent également dans la balance.
Formes de chômage
Par définition un chômeur est une personne appartenant à la population active et recherchant un emploi. Le Bureau International du Travail (BIT) considère le chômeur en fonction de sa disponibilité sur le marché du travail : intérimaire, saisonnier, en CDD, CDI, etc. Enfin, certains pays (France) classent les demandeurs d'emploi en catégories selon qu'ils ont, ont eu ou recherchent un nouvel emploi.
Une personne peut donc émarger au chômage pour différentes raisons qui permettent de classer le chômage en différentes catégories. Le chômage :
- frictionnel qui découle de la mobilité normale de la main d'oeuvre
- saisonnier dû aux variations saisonnières d'activité du secteur
- conjoncturel dû à la conjoncture économique
- structurel lié au manque de qualifications du demandeur d'emploi
- naturel enregistré en période de plein emploi.
Un taux de chômage élevé, dit "naturel" est donc concevable en période de plein-emploi lorsqu'il y a du chômage frictionnel, structurel ou saisonnier. Il peut être partiel ou complet selon le type de contrat de travail.
Etat du chômage
La majorité des chômeurs de longue durée (> 1 an) disent qu'ils ne parviennent pas à trouver un emploi. Qu'en est-il exactement ? Si nous prenons l'exemple du Luxembourg où le taux de chômage est l'un des plus bas d'Europe, on pourrait imaginer qu'ils ont trouvé une solution miracle. Détrompez-vous.
L'administration de l'emploi (ADEM) constate qu'environ un tiers des demandeurs d'emploi sont au chômage depuis plus d'un an. On retrouve autant de célibataires que de mariés (40%).
La moitié des chômeurs ont une formation de niveau secondaire inférieur et un tiers de niveau secondaire supérieur alors que la majorité des offres d'emploi exigent un diplôme technique, supérieur ou universitaire et la connaissance de trois ou quatre langues. La majorité des chômeurs de longue durée (40%) sont également âgés de plus de 40 ans.
Paris, Bruxelles ou Londres connaissent exactement la même situation, même si leur marché est plus ouvert et les offres d'emplois plus nombreuses. Cela n'empêche pas ces villes de connaître un taux deux fois plus élevé de sans-emplois.
Dans les domaines techniques il n'est pas rare que les employeurs reçoivent 50 ou 100 candidats pour une place disponible, quand on ne les compte pas par milliers pour les examens auprès de la fonction publique, les institutions européennes ou à l'outremer.
Quand on sait que chaque année des milliers de jeunes viennent rejoindre la longue fil d'attente des demandeurs d'emplois, le combat contre la pauvreté et le chômage chronique sont devenus des luttes continues.
Les aides à l'emploi
Comment aider ces jeunes ou ces personnes en situation précaire dont la grande majorité sont de bonne volonté et dont certaines comptabilisent plus de 20 ans de carrière ?
Que la personne ait un travail peu rémunéré ou soit au chômage, il faut lui offrir des outils lui permettant de retrouver le plus rapidement un travail et un logement décent et la protéger contre les arnaques à l'emploi.
Si le travailleur peut être aidé par les syndicats et des assocations d'aides aux PME, y compris par des bureaux d'avocats, pour le chômeur, l'Union Européenne a voté une loi qui impose à chaque Etat membre de le prendre charge et de le suivre jusqu'à ce qu'il retrouve un contrat de travail.
L'Union européenne demande également un changement de mentalité du secteur du travail, de laisser par exemple tomber les préjugés des employés vis-à-vis des chômeurs. Elle suggère également aux ministères concernés de proposer des incitants fiscaux et de mieux sensibiliser les employeurs sur les avantages qu'ils peuvent retirer à engager un chômeur (stage "gratuit", forte exonération sur le salaire brut, etc).
Certes, ainsi qu'on le constate dans les bureaux de chômage et les pages emploi des quotidiens, le chômeur lambda n'est pas le seul à chercher un emploi, sans parler de la ségrégation (sexuelle, physique, raciale, religieuse, etc) encore très vivaces dans nos sociétés malgré les apparences, qui réduisent ses chances de retrouver rapidement du travail.
Si le Luxembourg comptabilise 12000 demandeurs d'emploi (4.7%) domicilés sur son territoire en 2006, dans la Grande Région (Wallonie, Lorraine, Sarre, Rhénanie-Palatinat), le taux de chômage dépasse 10%. On dénombre près de 700000 demandeurs d'emploi qui espèrent tous travailler au Luxembourg !
En vertu des lois européennes, l'administration luxembourgeoise de l'emploi ne peut pas refuser de les aider, même si c'est au détriment de ses propres ressortissants.
Un contrat de collaboration réciproque
Dans les conditions d'un marché ouvert à la structure socio-économique fragilisée par la mondialisation et à la santé à la limite de la dépression, il faut donc plus que jamais que le ministère de l'Emploi aide le chômeur dans sa recherche de travail mais en contrepartie, il est demandé au chômeur de tout mettre en oeuvre pour qu'il recherche lui-même un nouvel emploi, quitte à ce qu'il accepte un stage, un interim ou un CDD pour commencer.
Document MSA-IDFParfois cela passe par la signature d'un contrat de collaboration entre le Ministère et le demandeur d'emploi, histoire de mettre le chômeur face à ses droits mais aussi ses devoirs. Encore faut-il que l'employeur comme le chômeur acceptent le marché et fassent chacun un pas vers l'autre.
Pour ce faire, en ses bureaux, le Ministère offre au demandeur d'emploi quelques outils : journaux, ordinateur, téléphone, insertion gratuite d'annonces, etc. Il lui paye même les transports en commun et des formations si elles entrent dans le cadre de sa discipline, autant d'aides qui doivent contribuer à aider le chômeur à retrouver un emploi.
Bien entendu, cela ne tient pas toujours compte des capacités de la personne (diplomes, langues, expérience, handicap, etc) et moins encore de sa volonté à vouloir s'en sortir ou des préjugés qu'ont souvent les employeurs face à un chômeur qui n'a plus travaillé depuis quelques années. Car si la situation ne dépendait que du chômeur, on peut imaginer que beaucoup d'entre eux travailleraient déjà pour pouvoir vivre décemment.
La puissance d'Internet encore mal comprise
Les agences pour l'emploi de Belgique et d'ailleurs ont toutefois relevé le défi. Ont-elles assez de moyens pour aider les chômeurs, certainement pas, et même dans un pays riche comme le Luxembourg, l'administration de l'emploi ne met pas suffisamment d'outils à la disposition des demandeurs d'emploi.
Ainsi, si en Belgique toute personne cherchant un emploi peut consulter sur Internet et sans inscription la base de donnée du FOREM ou les offres d'emplois de Référence.be, comme les résidents français peuvent consulter en ligne la base de l'ANPE, la ministre Luxembourgeoise de la Famille, de la Solidarité sociale et de la Jeunesse a toujours refusé d'accorder cette facilité à ses sans emploi sous le prétexte que les agents de l'administration pouvaient ainsi mieux suivre les chômeurs. Si le principe est louable, la forme laisse à désirer et les résultats sont peu louables.
Contrairement au Luxembourg, en France et en Belgique les offres d'emploi sont accessibles par Internet.En effet, la ministre motive son attitude en rappelant que les demandeurs d'emploi ont à leur disposition (une poignée) de bornes informatiques listant les offres d'emploi du pays et peuvent toujours solliciter l'aide de consultants spécialisés dans certains secteurs économiques (cadre, ouvrier, informatique, banque, etc).
Or, en pratique, faute de personnel, on constate que chaque agent de l'ADEM ne traite en moyenne qu'un dossier par heure sinon moins.
La mise à disposition de leur base de données d'offres d'emploi sur Internet leur a été demandée plusieurs fois par des demandeurs d'emploi qualifiés mais ils ont toujours reçu pour réponse une fin de non recevoir... Comment voulez-vous changer les habitudes d'une administration si éloignée des véritables préoccupations de ses demandeurs d'emploi ?
Passer du rêve à la réalité
Même si les administrations de l'emploi respectives ne l'avoueront jamais, elles ont des préjugés et ne respectent pas les règles édictées par l'Europe.
En effet, quand on apprend par exemple que les agents de l'ADEM ralentissent ou ne font rien pour communiquer le nom des employeurs aux demandeurs d'emploi frontaliers ou refusent de mettre leur base de données sur Internet, on appelle cela du protectionnisme.
En n'y mettant pas suffisamment de bonne volonté, de moyens et en ne sensibilisant pas suffisamment les employeurs aux avantages pécuniers qu'ils peuvent retirer en engageant un chômeur, l'Etat a donc également sa responsabilité dans le désoeuvrement de sa population en âge de travailler.
Espérons que nos ministères et les employeurs comprennent un jour qu'il vaut mieux qu'ils travailler main dans la main et sans préjugés, car moins il y aura de personnes dépendant des services sociaux, moins la population active devra subvenir à leurs besoins et au mieux se portera la société. Mais c'est un voeux pieux qui semble loin de passer du rêve à la réalité.

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