vendredi 27 juillet 2007

Angelica, 11 ans: incarcérée par dénonciation raciste

Cela fait un mois que la petite équatorienne Angelica Cajamarca âgée de 11 ans ainsi que sa maman Ana sont incarcées en Belgique, dans le centre fermé 127bis pour illégaux de l'Office des Etrangers à Steenokkerseel.
Angelica, incarcérée à 11 ans par dénonciation raciste au centre fermé 127bis pour illégaux. Le centre abrite 13 mineurs. La Belgique ne respecte pas les Droits de l'homme. Document La Libre Belgique.Leur incarcération dans ce qu'il convient d'appeler une prison pour clandestins ne résulte pas d'une "rafle" commanditée par l'Office des Etrangers, ni d'une "descente" de la police de Dilbeek, qui les arrêtées le 30 juin à un arrêt de bus. Elle résulte des conséquences d'une dénonciation raciste de la part d'un habitant auprès de la police de Dilbeek qui dénonça aux Forces de l'ordre la présence de "deux Gitanes" soupçonnées d'être des "voleuses", bref nous sommes en présence d'un délit de "sale gueule" typique ! C'est malheureusement une mentalité raciste que l'on retrouve chez de plus en plus de Flamands extrémistes si on en juge par le résultat des dernières élections. Cet événement qui a ému la classe politique et le public mérite toute notre attention.
Angelica, incarcérée à 11 ans
Alors qu'elle est innocente, la petite Angelica passe ses vacances en prison. Sans cette dénonciation inqualifiable et xénophobe, Angelica et sa maman seraient toujours dans leur appartement de Saint-Josse, coulant des jours heureux et paisibles.
Le 27 juillet, Claude Lelièvre, le délégué général aux droits de l'enfant, accompagné d'un juriste et d'une infirmière, se sont présentés aux portes du centre 127bis.
Accompagnés de plusieurs parlementaires (les CDH Benoît Dreze et Anne Delvaux, l'Ecolo Carine Russo et la socialiste Julie Fiszman), ils ont pu constater l'état de délabrement des locaux, remplis de graffitis, sentant l'urine, bref une situation incompatible avec l'hébergement de mineurs, au nombre de 13 actuellement enfermés dans le centre.
Selon les membres de la délégation, "Ana et Angelica n'ont pas arrêté de pleurer. La fillette est dans un état de délabrement psychique tel qu'elle en ressent des atteintes physiques : cauchemars, constipations, spasmes." Cet état de stress et de souffrance est confirmé par deux rapports officiels établis par des psychologues, le Dr Arranz et Dominique Whatelet, de l'équipe locale d'intervention psychologique, qui concluait dans son rapport : "Angélica présenta un état de stress aigu réactionnel à son arrestation, sa garde à vue et sa détention en centre fermé. Le risque d'une évolution vers un état de stress post-traumatique n'est pas exclure du fait de la présence de facteurs péjoratifs, à savoir l'intentionnalité humaine dans l'événement, l'âge d'Angelica, la durée prolongée de l'événement stressant. Nous pensons que la réduction de la période de détention ou la sortie du centre fermé est de nature à réduire l'impact traumatique de la situation..."
Au départ de la délégation, derrière les murs de béton et les grillages du centre fermé, Angelica gardait le sourire. Mais à l'extérieur, les parlementaires n'avaient pas envie de sourire du tout en voyant comment la Belgique traite les mineurs.
Rapatriement
Légalement, du fait que cette famille est en séjour illégal depuis 4 ans, Angelica et sa maman devraient être rapatriées en Equateur lundi 30 juillet à 18h45 par avion au départ d'Amsterdam via une navette au départ de Bruxelles. Deux policiers fédéraux seront requis pour les accompagner de force. Toutefois, comme le veut la nouvelle procédure, il sera proposé à Ana de monter dans l'avion avec sa fille en toute liberté, accompagné d'une forte indemnité versée par l'Office des Etrangers. Son refus repoussera la procédure de plusieurs jours. A la troisième tentative et au troisième refus, l'éloignement ne pourra plus avoir lieu.
En effet, c'est la première fois que l'Office des Etrangers est confronté à ce cas de figure : l'expulsion d'Angelica ne peut pas avoir lieu sous la contrainte (qui provoqua la mort par suffocation d'une immigrée clandestine renvoyée de force voici quelques années). La fillette peut s'opposer indéfiniment à son éloignement, ce qui l'entraînerait à rester en détention jusqu'à 5 mois au centre fermé.
Réactions
Yves Leterme, Formateur du Gouvernement belge a répondu au courrier qu'il a reçu du père et du frère d'Angelica en disant simplement qu'il n'était pas le ministre de l'Intérieur, soulignant qu'il y avait un gouvernement en place et insistant sur le fait qu'il fallait respecter la législation. "Cela m'émeut en tout cas", a-t-il tout de même reconnu. "On verra pendant les négociations comment répondre à ces drames humains", a-t-il ajouté.
Le consul honoraire d'Equateur en Belgique a été beaucoup sensible et s'est indigné de la situation : "Je m'étonne, Monsieur le Formateur, que non seulement cette situation perdure, mais qu'apparemment elle se passe avec l'approbation du Gouvernement et des autorités [...] Je ne pense pas qu'une enfant de 11 ans puisse constituer une menace pour la sécurité du pays. Je ne conçois pas que nos autorités puissent agir à l'encontre des conventions auxquelles elles ont souscrit." Le diplomate se propose même d'accueillir Angelica et sa maman "hors toute forme d'enfermement et de litige juridique qui ne concerne que les adultes [...], en attendant un examen également serein et tranquille de son dossier et celui de sa maman".
A ce jour, le Tribunal des référés n'a pas pris de décision concernant l'enfermement des mineurs en centres fermés. La situation perdurant en violation du respect des droits fondamentaux, la Ligue des droits de l'homme a manifesté devant les grilles de Val-Duchesse, où les négociations gouvernementales se poursuivent concernant le nouveau Gouvernement. La Ligue va également saisir le rapporteur des Nations Unies sur la torture.
Pour sa part, Claude Lelièvre, demandera au ministre de l'Intérieur d'ici une semaine, le temps de rédiger son rapport, de surseoir à l'expulsion d'Angelica et de sa maman, d'autant que d'autres membres de sa famille vivent légalement en Belgique.
Madame Laurette Onkelinx, PS, vice-première ministre et ministre de la Justice a adressé une lettre à son collègue Patrick Dewael, VLD, ministre de l'Intérieur : "j'aurais souhaité que vous puissiez me donner des indications précises non seulement sur la situation administrative de ces deux personnes mais aussi sur les circonstances humanitaires. Il me semble en effet que la réelle intégration sociale de cette famille, le fait que la petite fille de 11 ans soit suivie psychologiquement et l'absence de liens familiaux avec le pays d'origine justifient un examen tout particulier de leur situation. Je souhaiterais en tout cas qu'aucune mesure d'éloignement ne soit prise avant que nous ayons eu l'occasion d'évoquer la situation de ces deux personnes."
Un dossier à décharge
Madame Onkelinx fait bien de demander un complément d'enquête. Dans ce dossier, il faut noter que l'oncle et la tante d'Angelica résident légalement en Belgique. De plus, Angelica et sa maman ne sont pas livrées à elles-mêmes, elles ont un domicile fixe et Angelica est scolarisée. Elles ne sont clandestines que par la volonté des autorités d'appliquer aveuglément la loi.
Enfin, cerise sur le gâteau, le compagnon de la maman d'Angelica réside en Belgique depuis 14 ans et souhaite se marier avec Ana, quelle que soit l'issue du conflit, "en Belgique ou en Equateur", dès que son divorce sera prononcé. S'il parvenait à faire publier les bans, toute l'histoire serait terminée. Dans tous les cas, sa détermination à se marier avec Ana rend obsolète l'incarcération et l'expulsion de celle-ci. Une fois mariée, elle reviendra à Saint-Josse démontrer que cette affaire fut inutile, une victoire de l'amour sur la haine raciale.
Une justice aveugle
L'affaire suit son cours comme l'on dit, mais au rythme d'une administration considérant la chose comme ordinaire, alors que la situation n'est vraiment pas normale, et carrément scandaleuse, en violation avec les Droits de l'homme et la protection des mineurs.
Depuis un mois que traîne cette affaire, que fait le ministre de l'Intérieur ? Veut-il seulement se pencher sur ce dossier ? Tout semble indiquer qu'il a condamné Angelica et sa maman avant même de les avoir jugées ! Comme si M.Patrick Dewael ne se sentait pas concerné par cette affaire. Mais accepterait-il sans bouger que sa propre enfant et sa femme passent un mois en prison ? J'en doute fort et il se battrait pour les faire sortir séance tenante. Comme d'habitude, ceux qui n'ont pas les moyens de se défendre sont les premières victimes du système.
Si la Belgique prétend être un Etat de droits ayant signé la Charte des Droits de l'homme, il est urgent qu'elle respecte ses engagements et assume ses responsabilités dans cette affaire, au risque de voir son image de pays intègre, respecté et conciliant se ternir un peu plus. Cette affaire ne plaide pas en faveur de la démocratie.
Suite des événements et dénouement
Des manifestations ont encore eu lieu le week-end du 28 au 29 juillet devant le centre fermé pour exiger la libération d'Angelica et de sa maman, en vain. Des collectifs défendant les intérêts des sans-papiers, comme l'UDEP et la CRER, ont poursuivi la mobilisation lundi 30 juillet.
Et le temps passe. Bientôt le Gouvernement partira en vacance. Pendant ce temps, la petite Angelica s'enferme de plus en plus entre les quatre murs de sa chambre-prison, elle déprime, devient stressée et neurasthénique. Vous parlez de vacances ! Quand finiront cette injustice et ce drame ?
Dénouement : Lundi 30 juillet après-midi Angelica s'est sentie obligée d'écrire une lettre au Roi, ne comprenant pas pourquoi elle était incarcérée et se plaignant de ses malaises. En fin d'après-midi, suite à la plainte déposée pour mauvais traitement envers la maman d'Angelica au départ vers l'aéroport (la maman présentait des plaies aux poignets et aux chevilles, les policiers l'ont maintenue avec un genoux sur le thorax, etc), le Tribunal de première instance a ordonné en référé que les deux Equatoriennes soient libérées immédiatement sous peine d'astreinte. Le ministère de l'Intérieur (on ignore si c'est l'Office des Etrangers ou le ministre) a exigé que la camionnette qui emmenait Angelica et sa maman à Amsterdam fasse demi-tour enfin que la mère et l'enfant puissent rentrer chez eux.
Le combat continue
Mais l'affaire Angelica n'est pas terminée pour autant. Avec sa maman, elles sont toujours susceptibles d'être expulsées. La demande de régularisation va durer un an, peut-être plus, et pendant ce temps Angelica et sa maman pourront toujours être inquiétées. Il y a également la question de l'aéroport qui est une zone de non droit où l'Office des Etrangers comme la police refusent l'accès aux parlementaires. En effet, ceux-ci doivent pouvoir librement vérifier les procédures sans préavis. Actuellement, les parlementaires doivent mettre la pression pour pouvoir inspecter les lieux. Il y a enfin une situation juridique paradoxale entre les décisions de l'Office des Etrangers qui exige le rapatriement de la famille et une décision du Tribunal qui exige sa liberté. Le législateur va devoir éclaircir au plus vite ce flou juridique.
La même situation se présente à présent avec deux petites filles albanaises, ainsi qu'en témoigne cette lettre ouverte au ministre de l'Intérieur du 14 juin 2007.
Rappelons qu'en 2006, la Belgique a procédé à 11000 expulsions d'illégaux et depuis 2007, pas moins de 570 personnes sont en attente de rapatriement au centre 127bis ou dans la zone de non droit de l'aéroport.
Si vous avez du pouvoir ou un mot à dire dans cette société, prenez la plume ou la parole. Pour supporter ces enfants incarcérés, vous pouvez contacter la Ligue des droits de l'homme et n'hésitez pas à écrire aux médias et au ministre de l'Intérieur via l'Office des Etrangers pour dénoncer cette injustice.

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