mercredi 18 juillet 2007

Trafic aérien : l'avion reste sûr, mais...

Le 17 juillet au soir, l'Airbus A320 du vol JJ 3054 de la compagnie brésilienne Tam Linahs Aereas (TAM) transportant 186 passagers et membres d'équipage s'est écrasé contre un hangar situé tout près de l'aéroport Congonhas de São Paulo, la plus grande ville du Brésil. L'accident aurait fait au moins 200 victimes. Voici la liste des passagers parmi lesquels il y a deux français.
Accident d'un A-320 de la compagnie brésilienne TAM près de l'aéroport Congonhas de Sao Paulo le 18 juillet 2007. Document Belga.Selon des témoins, l'avion en provenance de Porto Alegre a accéléré en arrivant au bout de la piste pour tenter de redécoller mais il a dérapé, puis a traversé une avenue située en contre-bas, avant de tomber sur un dépôt d'essence où il a explosé.
Selon le colonel des pompiers, Manuel Antonio da Silva Araujo, il est peu probable qu'il y ait des survivants parmi les passagers, la température ayant dépassé les 1000°C à l'intérieur de l'avion en flammes. L'aéroport de Congonhas a été fermé et les vols prévus ont été transférés vers l'aéroport international de São Paolo, à Guarulhos, ainsi qu'à Campinas, à 100 km de São Paulo.
Une tragédie programmée
Notons qu'il s'agit de la deuxième grande catastrophe aérienne en moins d'un an au Brésil. L'aéroport Congonhas est situé au coeur même de São Paulo comme le montre cette image satellite, dont la population dépasse 20 millions d'habitants.
En soi, le fait d'avoir un aéroport dans une agglomération n'est pas un problème pour un pilote, mais cela peut aggraver les accidents. En revanche, depuis de nombreuses années, l'aéroport Congonhas est considéré comme dangereux par les pilotes. Les pistes sont trop courtes (la plus longue mesure 6365' soit 1940 mètres) pour les gros porteurs tel l'A320, le revêtement est mal entretenu, l'eau y stagne et crée des zones d'aquaplanage, ce qui nécessita récemment la rénovation de l'une des pistes d'atterrissage. Le gouverneur a tenté d'interdire l'atterrissage des gros porteurs, mais le jugement fut cassé en appel. On en subit aujourd'hui les conséquences. Suite à l'accident, des procureurs fédéraux ont demandé la fermeture de l'aéroport Congonhas jusqu'à la fin de l'enquête. D'autres voix demandent sa fermeture définitive. Cet accident dramatique nous donne l'occasion de nous pencher sur les statistiques d'accidents d'avions.
Ce que nous apprennent les statistiques
Tous les pilotes de ligne ou d'avion militaire vous diront que l'avion est le moyen de transport le plus sûr. Malheureusement, le crash d'un avion de ligne entraîne la mort de plusieurs centaines de personnes et vient tempérer cet enthousiasme.
Un B-747 de la compagnie néerlandaise KLM en train de décoller sur l'aéroport de Ténérife percute à plus de 300 km/h un B-747 de la compagnie américaine Pan Am qui roulait sur la piste. La catastrophe fit 583 victimes. Si depuis 1980 la sureté aérienne s'est durcie au bénéfice de la sécurité des passagers, on ne peut pas en dire autant des vols charters dont le nombre d'accidents ne cesse d'augmenter.
Les statistiques d'accidents aériens existent pour différents types d'aéronefs et différents pays. Nous allons brièvement discuter des statistiques concernant les avions commerciaux certifiés de plus de 27 tonnes, c'est-à-dire plus gros que l'avion d'affaire (genre Falcon, pesant 10 à 23 tonnes) à l'exclusion de la flotte soviétique connue pour son manque de sécurité.
Evolution du trafic aérien
Selon les statistiques d'Eurostat et de la FAA, de 1970 à 2004, le trafic aérien a connu une croissance régulière, avec une moyenne d'un million d'heures de vols et 0.8 millions de départs supplémentaires tous les ans. Sur la même période, la durée moyenne de vol est passée de 1.5 à 2.1 heures de vol en raison de la commercialisation de très longs-courriers capables de rester en vol 22 heures et de parcourir plus de la moitié de la terre.


Toutefois, ainsi que le montre le graphique ci-dessus, juste après les attentats du 11 septembre 2001 (WTC), on observa une diminution du trafic aérien durant plus d'un an et demi, entraînant la faillite de nombreuses compagnies aériennes américaines. Deux ans après cette tragédie, la croissance du trafic aérien redécolla.
Le risque d'accident
Statistiquement, on estime qu'un accident d'avion a une chance sur un million de se produire. Sachant qu'en 2004, on dénombrait plus de 37 millions d'heures de vol pour une flotte supérieure à 18000 avions, en théorie, il se produira donc plusieurs crashes d'avion chaque année. Crash d'un B-737 de la compagnie TransBrasil à Porto Alegre le 27 février 2000 suite à un orage. 20 passagers furent blessés.
Au cours des 50 dernières années, entre 1957 et 2007, on dénombre 1792 accidents d'avions et 30170 victimes soit une moyenne de 17 victimes par accident ou toutes les 2055 heures de vol.
Par kilomètre parcouru, les statistiques montrent qu'en aviation il y a 0.05 accidents mortels et 1.57 victimes tous les 100 millions de miles (1m=1.6 km), contre 1.32 accidents mortels et 1.47 décès sur la route.
Par heure d'exposition au risque, l'aviation comptabilise 0.2 accidents mortels et 6.5 décès par million d'heures de vol, contre 0.528 accidents mortels et 0.588 décès par million d'heures sur la route. Il est donc deux fois plus dangereux de prendre la route que l'avion.
Le risque d'accident d'avion n'est pas tant lié à la croissance du trafic aérien ou au risque de collision en vol. En effet, les nouvelles technologies embarquées ou utilisées par les contrôleurs aériens permettent de connaître la position et l’altitude d'un avion avec une précision verticale de 300 mètres (espace RVSM).
Si le nombre d’accidents d'avion décroît régulièrement depuis 1981, le nombre de victimes est très variable (20 à 1300) et a tendance à augmenter ainsi que le montre le graphique suivant. Pourquoi ? Car si la sureté aérienne a été renforcée depuis 1980, les avions sont plus nombreux et transportent plus de passagers. Par conséquent, le nombre de victimes doit logiquement augmenter.
Les vols réguliers plus sûrs que les charters
Alors que les vols réguliers accusent 5 fois plus de départs que les autres types de vols (charter, cargo, convoyage, essais, entraînement, démonstration), ils font l'objet de 3 fois moins d'accidents. En d'autres termes, les vols réguliers sont 15 fois plus sûrs que les vols charters ou d'entraînement notamment !
Rétrospectivement, cela confirme l'impression que l'on a quand on prend certaines lignes charters dans des villes reculées de pays oubliés, où non seulement parfois l'état général de l'avion laisse à désirer, mais quelquefois le pilote vole en état de fatigue (c'est aussi le cas en Europe), il ne dispose pas d'une licence à jour ou n'a que quelques heures de vol à son actif sur ce type d'appareil. Malheureusement, les passagers n'en sont jamais informés et accordent toute leur confiance dans la compagnie aérienne.
Durant quelles phases du vol se produisent les accidents ?
Entre 1995 et 2004, plus de la moitié des accidents (51%, dont 16% des victimes) sont survenus lors de l’approche finale et l’atterrissage. Les accidents les plus meurtriers se sont produits pendant la montée (9% des accidents ayant entraînés 28% des victimes).
On peut donc en déduire que dans un accident sur deux, l'équipage éprouve des difficultés pour atterrir, problèmes parfois liés à la météo mais également à la configuration de la piste ou des problèmes techniques à bord. Dans près d'un accident sur dix, l’équipage n'a pas été en mesure ou n'a pas eu le temps de faire demi-tour, ce qui entraîna la mort des passagers comme ce fut le cas lors de l'accident du Concorde le 25 juillet 2000.
Crash du Concorde 203 BTSC au départ de Paris vers New York le 25 juillet 2000, 60 secondes après le décollage. Les 100 passagers et les 9 membres d'équipages seront tués dans l'accident ainsi que 4 personnes qui résidaient dans l'hôtel sur lequel s'est écrasé l'avion supersonique.Il est certain que les phases de changement d'altitude sont très dangereuses et plus encore lorsqu'un avion commercial atterrit. En effet, c'est pendant cette phase que la charge de travail de l'équipage est la plus élevée et leur marge de manoeuvre la plus faible en cas d'erreur. C'est pour cette raison que de plus en plus de systèmes automatiques de sécurité et d'alertes ont été implémentés dans la cabine de pilotage pour seconder l'expertise de l'équipage.
L'allongement de la durée de vol des avions participe grandement à la réduction du nombre d’accidents. Il est aisé de comprendre qu'un avion long-courrier effectuant une ou deux rotations par jour est forcément moins exposé qu’un charter qui effectue une dizaine de rotations dans la journée.
Quelles sont les causes d'accidents ?
Un accident est la plupart du temps la conséquence d'un enchaînement d'événements mineurs mais dont les conséquences dépassent rapidement les capacités de réaction de l'équipage. C'est justement pour apprendre à gérer de telles situations que les pilotes s'entraînent régulièrement sur des simulateurs.
Dans un accident sur deux (56%), il s'agit d'une erreur humaine. En second lieu (17%), il s'agit d'une défaillance de l'avion et dans 13% des cas d'un problème lié à la météo (brouillard, rafales de vent, orage). Les erreurs dûes au contrôle aérien ou à la gestion de l'aéroport interviennent dans 4% des accidents.
Les actes terroristes
Les avions sont une cible de choix pour les terroristes : non seulement ils sont vulnérables et peuvent tuer des centaines de personnes, mais les catastrophes aériennes sont très médiatisées au point d'attirer l'attention de l'autorité suprême quand il y a une prise d'otages. Si les vigiles trouvent de moins en moins de bombes et d'armes à bord des avions, c'est bien sûr en raison du contrôle renforcé aux portiques d'embarquement, mais également parce que les terroristes ont compris qu'il y avait d'autres méthodes pour faire exploser un avion.
Les deux attentats sur le World Trade Center de New York le 11 septembre 2001 firont 2973 morts et 24 disparus ainsi que plusieurs milliers de blessés.
De nombreuses catastrophes aériennes ont démontré que l'avion lui-même pouvait être détourné et servir de bombe volante. Rappelez-vous les attentats du World Trade Center du 11 septembre 2001 à New York. Les crashes de deux avions sur les deux tours firent 2973 morts et 24 disparus ainsi que plusieurs milliers de blessés !
Le nombre de victimes du terrorisme aérien ne suit aucune tendance car il dépend notamment de l'évolution des relations diplomatiques entre Etats et de la conjoncture géopolitique des pays les plus instables, notamment au Moyen-Orient et en Asie du Sud-Est.
En guise de conclusion
Malgré l'augmentation du nombre d'avions et de leur capacité, le nombre d’accidents par vol à tendance à diminuer.
Comparé aux autres moyens de transport, l’avion reste le moyen de transport le plus sûr, quoiqu'en disent les parents des victimes. Nous devons ce progrès à l'amélioration de la sureté et d'un durcissement de la législation du transport aérien.
Toutefois, si le taux d'accidents diminue, dans l'absolu, à terme il devrait augmenter. En effet, les avions étant plus nombreux et transportant toujours plus de passagers, les catastrophes aériennes seront naturellement de plus en plus meurtrières. Car bien que les avions de grande capacité et de long rayon d'action sont plus sûrs que les charters, on peut craindre qu'ils feront l'objet d'un plus grand nombre d'attentats terroristes.
La liste noire
Notons que depuis mars 2007, l'Union européenne dispose d'une liste noire des compagnies aériennes qui ne respectent pas les consignes de sécurité et qui sont interdites de vol dans l'Union européenne. On retrouve dans cette liste de nombreuses compagnies aériennes congolaises, sierra leone, swaziland, indonésiennes, kirghizes, d'Ukraine et de Guinée équatoriale notamment. Consultez-là avant d'embarquer ! Ceci dit, faites un bon vol !
Pour plus d'information, consultez les statistiques d'Eurostat et de la FAA, la liste des crashes aériens tenue à jour sur Wikipedia, sur 1001crash, la base de données de Crash-Aérien, le site EASA de l'agence européenne pour la sécurité aérienne ainsi que le point de vue du Parlement européen sur la sureté aérienne.

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire