lundi 13 avril 2009

La nouvelle génération d'accélérateurs de particules

Pour étudier les fondements de la matière, les physiciens utilisent notamment des accélérateurs de particules.
Actuellement il n'existe que deux manières d'utiliser ces dispositifs pour monter en puissance : créer un champ électrique plus intense ou augmenter la distance d'accélération des particules en construisant des accélérateurs plus grands, qu'ils soient linéaires comme le SLAC ou circulaires.Document Agustin Lifschitz, CNRS/Laboratoire d'Optique appliquée.
D'où la création de dispositifs gigantesques comme le Tevatron du Fermilab installé en Illinois dont les protons frappent leur cible avec une énergie de 1 TeV (d'où son nom) ou le LHC (Large Hadron Collider) du CERN installé à Genève dont l'anneau mesure 27 km de circonférence et est capable de développer une énergie incidente totale de 7 TeV, soit 14 TeV lors des collisions frontales.
Mais ces dispositifs ont des limites si nous ne voulons pas que le champ électrique arrache les électrons des murs de l'enceinte ou ne fasse fondre l'intérieur de l'accélérateur.
Les accélérateurs à protons tels le LHC sont plus puissants en raison de l'accélération continue circulaire mais les accélérateurs à électrons sont plus précis en raison de la taille des particules. C'est ici que l'accélérateur à champ de sillage plasmique (alias plasma-wakefield ou PWFA) est intéressant.
En effet, l'utilisation conjointe de lasers de puissance et de plasmas permet de produire des champs électriques largement supérieurs au GV/m !
L'accélérateur PWFLe concept de PWFA fut développé par les physiciens américains T.Tajima et J. Dawson de l'UCLA en 1979 (Cf. Phys. Rev. Lett. 43, 267-270, 1979). Cet accélérateur à champ de sillage plasmique utilise un canon laser et un plasma (un gaz ionisé, c'est-à-dire dont on a retiré les électrons des atomes) pour accélérer des particules et générer un champ électrique.
Ce plasma peut contenir des champs électriques mille fois plus intenses que ceux produits dans les accélérateurs conventionnels, et en corollaire il permet de construire des accélérateurs mille fois plus petits.
Dans un PWFA, une première impulsion laser est tirée sur un nuage de gaz, produisant un plasma d’électrons et d’ions. Sous l’impulsion initiale, un champ électrique intense se forme dans le sillage du faisceau, possédant un énorme potentiel accélérateur.
Une deuxième impulsion laser frappe ensuite le nuage de plasma. Sous le choc, les particules les plus légères sont éjectées dans toutes les directions, l’interférence entre les deux faisceaux créant une onde stationnaire, laissant les noyaux les plus lourds derrière elle. Ce phénomène va accélérer les électrons avant qu’ils n’entrent dans le champ de sillage.
En effet, les particules lourdes chargées positivement vont former une bulle de plasma dans le sillage du faisceau, tandis que les particules négatives seront attirées brutalement vers la bulle chargée positivement, subissant une accélération gigantesque, de l'ordre de 10^22 g.
A l'image d'un bateau en mouvement laissant derrière lui un sillage d'ondes de gravité, les particules accélérées laissent derrière elles une onde d'électrons créant un intense champ électrique ayant des valeurs crêtes de l'ordre du TV/m. En surfant en quelque sorte sur cette onde, les électrons peuvent atteindre de très hautes énergies sur une très courte distance.
En 2007, au cours d'une expérience conjointe de l'UCLA, du SLAC et de l'USC, les physiciens ont démontré le potentiel du PWFA : sur une distance d'un mètre, ils furent capables d'atteindre deux fois l'énergie de l'accélérateur linaire du SLAC qui mesure plus de 3 km !
Push the limitsMais ce dispositif présente des limites. L'énergie maximale des électrons accélérés dépend de l'énergie inititale du paquet de particules émises. Actuellement, le SLAC produit les électrons les plus énergiques, atteignant 50 GeV.
Mais puisque nous savons que les protons génèrent plus d'énergie que les électrons (1 TeV contre 0.05 TeV au SLAC), Caldwell et ses collègues ont développé un PWFA utilisant un plasma de protons. Cette invention permet de transférer l'énergie des protons aux électrons, via le plasma, en une seule étape.
Grâce à une simulation numérique, l'équipe d'Allen Caldwell du SLAC a utilisé un PWFA à protons pour accélérer un paquet d'électrons jusqu'à 500 GeV dans un plasma long de 300 mètres. On apprécie d'autant plus l'avantage de la technique quand on la compare au 7 milliards de dollars que coûterait le futur International Linear Collider (ILC) qui devrait mesurer plus de 14 km pour atteindre la même énergie dans le centre de masse et au SLAC qui devrait être dix fois plus long pour atteindre le dixième de cette énergie !
En combinant le nouveau PWFA à protons avec la puissance du LHC, Caldwell a déclaré qu'il serait possible d'accélérer des électrons jusqu'à plusieurs TeV, offrant aux physiciens un outil à la fois puissant et précis.
"J'attends avec impatience de voir ces idées continuer à se développer", a déclaré Mark Hogan, un membre de l'équipe du PWFA du SLAC. "Beaucoup de recherches et de développements sont encore nécessaires pour amener ces idées à maturité. Mais dans un futur pas très lointain, il pourrait s'avérer que des idées telles que celles-ci transformeront les accélérateurs de particules, rendant les futures dispositifs plus petits et plus accessibles à la société". (Hogan pense notamment aux applications en radiothérapie).
De la théorie à la pratiqueCela fait plus de vingt ans que l'on parle de ce projet. La méthode d'accélération des électrons par un PWFA à protons est toujours dans sa phase théorique initiale et nous sommes encore loin de sa vérification expérimentale.
Il est possible que le plus grand problème à résoudre soit la longueur du paquet de protons qui doit être très compact pour permettre aux électrons de créer le champ de sillage. "Il est facile de le faire avec un paquet d'électrons", explique le co-auteur Frank Simon de l'Institut Max Planck. "Mais les collisionneurs de hadrons utilisent des paquets de nucléi mesurant quelques centimètres. Nous avons besoin de fabriquer des paquets mesurant une centaine de micromètre. Nous cherchons comment tester cette idée avec la technologie actuelle".
Sachant combien il fut long et compliqué de mettre au point le LHC, compactifier la taille des nucléi d'un facteur 2 (passant de 10 mm à 0.1 mm) est un véritable défi technologique.
Les fonds gouvernementaux étant limités quand ils ne sont pas refusés, les avancées techologies en ce domaine dépendent notamment des découvertes que l'on attend du LHC. "Dans le passé, l'ouverture des hautes énergies nous a permis de découvrir de nouvelles particules et de comprendre les interactions fondamentales", explique Caldwell. "Aujourd'hui, il existe de nouvelles théories qui nous aimerions tester car elles prédisent de nouvelles particules. Mais la raison fondamentale est juste de voir ce qu'il y a là-bas".
NB. Cet article est un résumé du compte-rendu publié le 12 avril 2009 dans Nature Physics (Vol 5 No 4 par souscription), intitulé "Proton-driven plasma-wakefield acceleration" par Allen Caldwell, Konstantin Lotov, Alexander Pukhov, et Frank Simon.
Pour le lecteur passionné de physique et notamment de physique quantique, ce magazine est par ailleurs des plus intéressants.

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