Dans un article publié le 16 décembre 2014 dans Science et relayé par la NASA, on apprend que le robot d'exploration martienne Curiosity qui s'est posé sur Mars en 2012 a mesuré un pic de méthane
dix fois supérieur à la valeur normale dans un échantillon de roche baptisé Cumberland.
Le méthane (CH4) ainsi que d'autres molécules organiques ont été détectées
dans un échantillon de roche réduit en poudre recueilli en 2013 par forage par
le laboratoire robotique SAM (Sample Analysis at Mars) embarqué à bord de la
rover martienne.
La rover Curiosity de la NASA explore Mars depuis le 6 août 2012 pour une durée indéterminée. Document NASA/JPL, Caltech. |
"Cette augmentation temporaire du méthane - une forte hausse suivie d'une
baisse - nous dit qu'il doit y avoir une source relativement localisée", a
déclaré Sushil Atreya de l'Université du Michigan à Ann Arbor, membre de
l'équipe scientifique en charge de Curiosity. "Il existe de nombreuses sources
possibles de méthane, biologiques ou non biologiques, tels que l'interaction de
l'eau et de la roche."
En 2005 déjà, du méthane avait été découvert dans l'atmosphère martienne mais son origine minérale était la plus probable du fait de la présence d'olivine
(silicate d'origine basaltique) dans les roches et les météorites martiennes.
Ces émissions de méthane ne résultaient probablement pas d'un métabolisme biologique.
L'échantillon de roche martienne Cumberland
Analyse chimique de l'échantillon de roche martienne "Cumberland" par le laboratoire portatif SAM de la rover Curiosity. Document JPL. |
L'échantillon de Cumberland fut prélevé dans une petite dépression
baptisée "Yellowknife Bay" située au fond de l'ancien lac Sharp qui se forma il
y a plus de 3 milliards d'années.
Le laboratoire portatif SAM a été utilisé une douzaine de fois au cours des 20 derniers mois pour détecter la présence de méthane dans l'atmosphère et dans les roches martiennes.
Le laboratoire portatif SAM a été utilisé une douzaine de fois au cours des 20 derniers mois pour détecter la présence de méthane dans l'atmosphère et dans les roches martiennes.
SAM est principalement équipé de deux appareils d'analyse : un spectromètre de masse à quadripôle développé au centre Goddard de la NASA et un spectromètre laser développé par le JPL.
Pendant 2 mois, entre fin 2013 (cf la NASA) et début 2014, quatre mesures de méthane contenant sept parties par milliard (400 fois moins que dans l'atmosphère terrestre) ont été
relevées alors qu'en temps normal la moyenne des lectures est dix fois
inférieure à cette concentration. Il y a donc bien eu une libération temporaire
de méthane. Reste à identifier la source.
Forage de la rover Curiosity dans la roche baptisée "Cumberband" au cours du 279eme jour martien ou sol le 19 mai 2013. Le trou mesure 1.6 cm de diamètre et 6.6 cm de profondeur. Document JPL. |
La rover Curiosity a également détecté différentes matières organiques dans
les échantillons de Cumberland, notamment du chlorobenzène, ce qui constitue la
première détection confirmée de matière organique dans les matériaux de surface
de Mars.
Néanmoins, ces matières organiques pourraient avoir été déposées sur Mars
par des météorites ou même transportées depuis la Terre par la sonde Curiosity
comme cela est déjà arrivé par le passé.
Trace de chlorobenzène détecté dans l'échantillon de roche "Cumberland" par le laboratoire portatif SAM de la rover Curiosity. Document JPL, |
En effet, même préparées en salle blanche avec les plus grandes précautions
pour éviter toute contamination terrestre, les sondes spatiales emportent malgré
tout quelques microbes et des matières organiques terrestres dans le système
solaire.
Si les molécules organiques découvertes sont les briques de la chimie du
monde vivant, elle peuvent également exister sur une planète stérile.
Les résultats de l'analyse des échantillons de l'atmosphère martienne et de la poudre de roche ne prouvent donc pas que Mars ait un jour abrité des organismes vivants (on pense à des microbes) mais suggèrent jusqu'à preuve du contraire que Mars présente une activité chimique et connut des conditions favorables au développement de la vie.
"Nous allons continuer à travailler sur les énigmes que nous posent ces
résultats", a déclaré John Grotzinger, membre de l'équipe scientifique de
Curiosité et géologue au Caltech de Pasadena.
Les résultats de l'analyse des échantillons de l'atmosphère martienne et de la poudre de roche ne prouvent donc pas que Mars ait un jour abrité des organismes vivants (on pense à des microbes) mais suggèrent jusqu'à preuve du contraire que Mars présente une activité chimique et connut des conditions favorables au développement de la vie.
Les sources possibles de méthane et de puits ou piège à méthane. Document JPL. |
Dans l'immédiat John Grotzinger et ses
collègues géologues et exobiologistes doivent déterminer "quelle activité
chimique a provoqué de telles fluctuations de méthane dans l'atmosphère" et
"dans quelle mesure il serait possible de sélectionner des roches de surface
susceptibles de contenir de la matière organique".
L'identification de composés organiques martiens spécifiques est une tâche
rendue complexe par la présence de minéraux de perchlorate (anions ClO4-) dans les roches et
les sols martiens. A l'image de l'eau de Javel qui est également un chlorate, cette substance est hydrophile et corrosive car elle détruit les substances carbonées.
Ainsi, lorsqu'un échantillon est chauffé dans le four de SAM, les perchlorates modifient la structure des composés organiques, de sorte que l'identité des matières organiques martiennes reste incertaine.
Ainsi, lorsqu'un échantillon est chauffé dans le four de SAM, les perchlorates modifient la structure des composés organiques, de sorte que l'identité des matières organiques martiennes reste incertaine.
L'histoire de Mars dans les isotopes de l'hydrogène
Le laboratoire SAM détecte également les isotopes de l'hydrogène contenus
dans les molécules d'eau qui sont restées prisonnières des échantillons de roche
pendant des milliards d'années et qui sont libérés lorsque SAM les chauffe,
apportant de précieuses informations sur l'histoire de l'eau martienne.
Ainsi, le rapport isotopique de l'hydrogène lourd, le deutérium (H2 ou D), sur
l'isotope de l'hydrogène ordinaire (H1) fournit une signature typique propre à
certaines époques de l'histoire de la planète.
"Il est vraiment intéressant de comprendre comment les mesures des gaz extraits
des roches martiennes par Curiosity peuvent nous parler de la perte de l'eau de
Mars", a déclaré Paul Mahaffy, responsable du laboratoire SAM au Goddard Space
Flight Center de la NASA à Greenbelt, dans le Maryland, et principal auteur d'un
rapport publié en ligne cette semaine dans la revue Science (comme il le fit en
2013 à propos d'autres isotopes).
Afin de remonter dans le temps et comprendre comment le rapport D/H1
de l'eau martienne a été modifié au cours du temps, les chercheurs peuvent se
baser sur le rapport isotopique de la vapeur d'eau contenue de nos jours dans
l'atmosphère martienne et le comparer au même rapport isotopique de l'eau piégée
dans les roches à différents moments de l'histoire de Mars.
L'atome d'hydrogène (1 proton et 1 électron) et l'un de ses deux isotopes stables, le deutérium (1 proton, 1 neutron et 1 électron), le troisième isotope étant le tritium (non illustré). |
Les météorites martiennes découvertes sur Terre peuvent également fournir
quelques informations, mais partiellement seulement. Aucune météorite martienne
connue n'est aussi âgée que les roches étudiées sur Mars, qui se sont formées il
y a environ 3.9 à 4.6 milliards d'années, selon les mesures de Curiosity.
Le rapport isotopique D/H1 mesuré par Curiosity dans l'échantillon de Cumberland représente environ la moitié de la proportion de vapeur d'eau
contenue dans l'atmosphère martienne d'aujourd'hui. Cette quantité suggère que
depuis que cette roche s'est formée, Mars a perdu une grande partie de son
eau.
Toutefois, le rapport mesuré est environ trois fois plus élevé que le
rapport mesuré dans l'eau d'origine martienne (en faisant l'hypothèse que le
rapport isotopique était identique à celui des océans terrestres). Ceci suggère qu'une grande partie de l'eau d'origine martienne fut perdue
avant la formation de cette roche.
Pour plus d'informations
Les résultats de l'enquête sur le méthane et les composés organiques
découverts sur Mars ont été décrits dans un article publié en ligne cette
semaine dans la revue Science par Chris Webster du JPL et ses collègues.
Un
rapport sur la détection des matières organiques dans la roche de Cumberland a été rédigé par Caroline Freissen de la NASA et ses collègues, et est en attente de publication.
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