jeudi 29 octobre 2015

Découverte de galaxies primitives réionisant l'univers

Le 22 octobre 2015 et pour la première fois, une équipe internationale d'astronomes dirigée par Hakim Atek du Laboratoire d'Astrophysique de l'Ecole Polytechnique Fédérale de Lausanne (EPFL) a annoncé la découverte grâce au programme "Frontier Fields" du Télescope Spatial Hubble de plus de 250 galaxies naines impliquées dans le processus de réionisation de l'univers.

L'amas de galaxies Abell 2744 également appelé l'amas de Pandore photographié par les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer. Le champ couvre 2'x3'. Document NASA/ESA/STScI/Spitzer.
Ces galaxies ont été découvertes dans trois amas de galaxies contenant des lentilles gravitationnelles, Abell 2744 (l'amas de Pandore), MACSJ0416.1-24503 et MACSJ0717.5+3745 et les champs associés présentant de hauts redshifts. A ce jour, c'est MACSJ0717 qui présente les plus grandes lentilles gravitationnelles.
Les galaxies étudiées présentent un décalage Doppler compris entre z~6 et z~8, certaines se situant à plus de 13 milliards d'années-lumière. Leur magnitude apparente varie entre +26 et +29 pour une magnitude absolue comprise entre -17 et -20 (fonction de luminosité UV) et ce qui est 20 fois plus brillant qu'une galaxie normale à cette distance.

L'amas de galaxies MACSJ0416.1-24503. Document NASA/ESA/STScI/Spitzer.
Ces galaxies ont la particularité de s'être formées entre 600 et 900 millions d'années après le Big Bang. L'analyse de leur spectre en ultraviolet a révélé qu'elles étaient impliquées dans le processus de réionisation de l'univers qui s'est déroulé entre 400000 ans et 1 milliard d'années après le Big Bang.
Ce processus est encore très mal connu des astronomes car jusqu'à présent, en raison de la taille réduite des instruments, aucun télescope n'était parvenu à observer des galaxies remontant à cette lointaine époque.
Aujourd'hui, grâce à l'effet amplificateur des lentilles gravitationnelles et au télescope infrarouge Spitzer, les astronomes sont en mesure d'observer des galaxies encore un peu plus éloignées, jusque 13.2 milliards d'années-lumière, présentant un décalage Doppler jusque z~12. Au-delà, il faudra patienter jusqu'en 2018 avec le lancement du télescope JWST de 6.5 m qui permettra d'atteindre z=30 et d'observer en détail des galaxies qui se sont formées entre 400000 et 600000 ans après le Big Bang.

L'amas de galaxies MACSJ0717.5+3745. Cet amas comprend les plus grandes lentilles gravitationnelles découvertes à ce jour. Document NASA/ESA/STScI/Spitzer.
La réionisation de l'hydrogène
Pendant la période qu'on appelle les Âges Sombres qui débuta environ 300000 ans après le Big Bang, l'univers était essentiellement constitué d'hydrogène neutre totalement opaque au rayonnement.
Il a fallut attendre que le rayonnement UV des étoiles "chauffe" l'hydrogène neutre dans des régions de plus en plus vastes jusqu'à ioniser totalement le milieu intergalactique constitué de protons (noyaux d'hydrogène) et d'électrons libres. On estime que ce processus se termina au plus tard environ 1 milliard d'années après le Big Bang.
L'espace devenu transparent a ensuite permis à ce rayonnement dit Lyman alpha de se libérer des nuages d'hydrogène ionisé et de parvenir sur Terre. 
C'est ce rayonnement que les astronomes recherchent dans le spectre des galaxies et des quasars les plus éloignés. Vu l'époque à laquelle il fut émis, il est bien entendu fortement décalé vers le rouge, passant d'une longueur au repos de 121.5 nm à plus de 1160 nm pour z=8.

Les étapes clés de l'évolution de l'Univers.
Document S.G.Djorgovski/Caltech Digital Media Center adapté par l'auteur.
Selon les astrophysiciens, les galaxies massives et lumineuses qu'on observe à plus courte distance ne sont pas suffisantes pour expliquer la réionisation de l'univers. Le bilan doit tenir compte d'autres d'autres sources d'énergie comme le vent stellaire émit par les premières étoiles dites de Population III, hypermassives et très chaudes qui vécurent entre 10 millions et 100 millions d'années, les explosions de ces mêmes étoiles en supernovae et sur les nombreuses galaxies naines primitives, d'où l'intérêt de cette étude et d'utiliser les télescopes les plus puissants.
Cette étude a montré que la fin de la réionisation se situe aux alentours de 700 millions d'années après le Big Bang, correspondant à z=7.5, donc un peu plus tôt que prévu, ce que d'autres études avaient déjà indiqué.
Ces travaux furent publiés dans l'Astrophysical Journal sous le titre "The Faint-end of the UV Luminosity Function at z~6 to z~8: Combined Constraints from the Hubble Frontier Fields Clusters and Parallels" dont voici le draft sur ArXiv et un résumé sur site Hubble Space Telescope.
Notons qu'une étude similaire portant également sur l'amas Abell 2744 (Pandore) fut publiée en 2014 par l'équipe dirigée par Masafumi Ishigaki et comprenant notamment Ryota Kawamata dont les travaux sont cités dans le même article et dont voici le draft sur ArXiv.

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire