jeudi 31 mai 2007

Jean-Claude Brialy quitte la scène (1933-2007)

Le réalisateur, acteur et scénariste français Jean-Claude Brialy est décédé dans sa propriété de Seine-et-Marne le 30 mai 2007 à l'âge de 74 ans des suites d'un cancer. Rendons hommage à l'un des Français les plus sympathiques et les plus élégants de sa génération.
Au cours de sa vie Jean-Claude Brialy a joué près de 200 rôles : il joua dans 151 films, 21 films de télévision et 16 pièces de théâtre. Il réalisa 13 films et fut scénariste de 6 d'entre eux. En 2006, il avait fêté ses 50 ans de carrière. Comment tout cela a-t-il commencé ? Flash-back.
Biographie
Né le 30 mars 1933 à Aumale, en Algérie, fils de colonel, Jean-Claude Brialy y passera son enfance. En 1946, le jeune adolescent émigre en France où sont restés ses grands-parents. Il vit d'abord à La Flèche dans la Sarthe puis à Saint Etienne. A 20 ans, il se révolte contre l'autorité et les violences de son père et le peu d'amour qu'il reçoit de sa mère. Muni de son baccalauréat, il claque la porte du domicile et s'inscrit au Conservatoire de Strasbourg où il obtient un premier prix de comédie, puis au Centre d'art dramatique de l'Est.
Au cours de son service militaire à Baden-Baden, il est affecté au service cinéma des armées, qui lui donne entre autres l'occasion de tourner dans son premier court métrage "Chiffonard et Bon Aloi". Il sympathise aussi à cette époque avec plusieurs comédiens en représentation théâtrale dont Jean Marais, qui l'encouragent dans sa vocation.
Une vie d'artiste
Jean-Claude Brialy monte à Paris en 1954 où il fréquente rapidement "la bande des Cahiers du Cinéma". C'est Jacques Rivette qui l'engage dans son court métrage "Le Coup du berger" en 1956. La même année il apparaît pour la première fois au cinéma dans "Elena et les hommes" de Jean Renoir. Il tourne ensuite "L'Ami de la famille" (1956, Jacques Pinoteau) qu'il considère comme son premier vrai rôle, et joue notamment dans "Ascenseur pour l'échafaud" (1957, Louis Malle).
Sa performance d'acteur sera réellement reconnue du public en 1958 avec les deux premiers films de Claude Chabrol : "Le Beau Serge" et "Les Cousins" qui révèlent un acteur désinvolte et racé. Jean-Claude Brialy devient la coqueluche du tout Paris et une célébrité. Dès lors la Nouvelle Vague ne le lâche plus et Jean-Claude Brialy tourne "Les quatre cents coups" (1959, François Truffaut), "Une femme est une femme" (1960, Jean-Luc Godard), "La Mariée était en noir" (1967, François Truffaut), "Le Genou de Claire" (1969, Eric Rohmer) ou encore "Un meurtre est un meurtre" (1972, Etienne Périer).
Réalisateur, à la télévision et pour le grand écran, en 1971, il réalise son premier film, "Eglantine", une évocation nostalgique de ses souvenirs d'enfance puis "Les volets clos" en 1972. Attaché à cette période de la vie, Jean-Claude Brialy décide de mettre également en images pour la télévision "Les Malheurs de Sophie" (1981) et surtout "Un bon petit diable" (1983), avec Alice Sapritch en marâtre.
Boulimique de travail, tournant plusieurs films par an quand il n'était pas au théâtre, Jean-Claude Brialy touche à tous les genres. Bon copain dans "Christine" (1958, Pierre Gaspard-Huit) ou débordé par les femmes dans "La Chasse à l'homme" (1964, Edouard Molinaro) et "Julie pot de colle" (1977, Philippe de Broca), il sait cultiver une image d'amuseur élégant. Mais la gravité fait tout aussi bien partie de son jeu, qu'il exploite notamment dans les films noirs à la française comme "Mortelle randonnée" (1982, Claude Miller). Il apparaît également dans "Lucas" (1993, Nadine Trintignant) et plus récemment dans "Les rois maudits" (2005, Josée Dayan).
Préférant la retenue à l'extravagance, Jean-Claude Brialy incarna souvent des personnages tendres devenant avec l'âge de plus en plus paternels, voire patriarches, à l'exemple de "L'Effrontée" (1986, Claude Miller) et "La Reine Margot" (1994, Patrice Chéreau).
Directeur de festivals en 2000, parmi ses derniers films il jouera en 2004 dans "People Jet set 2" (2004, Fabien Onteniente), "Quartier VIP" (2005, Laurent Firode), "Dernière enquête" et "Vous êtes de la police ?" (2007, Romuald Beugnon).
Jean-Claude Brialy a également écrit cinq livres : deux biographies, "Le Ruisseau des Singes" (2005, Robert Laffont) et sa suite "J'ai oublié de vous dire..." (2005, Pocket) ainsi que "Les Répliques les plus drôles du cinéma" (2004, Pocket) et "Les Pensées les plus drôles des acteurs" (2006, Le Cherche midi), autant de livres savoureux qui rappelleront à tous les cinéphiles une grande époque du cinéma français. En 2006, il visita l'Algérie de son enfance et publia un livre souvenir "Mon Algérie" chez Timée Editions accompagné d'un DVD.
Jean-Claude Brialy n'a pas eu d'enfant mais il aimait autant les hommes que les femmes, notamment Michèle Morgan, Jeanne Moreau, Isabelle Adjani et Catherine Deneuve. Il fut toujours un "homosexuel naturel" comme il disait, "trouvant l'amour des hommes plus simple". Il était opposé au mariage gay mais défendait le PACS et fut porte-parole du Sidaction.
In memoriam
Bien qu'il ne riait pas souvent et avait plutôt le sourire moqueur et l'humour grinçant, Jean-Claude Brialy était un comédien capable de pratiquer avec éloquance la légereté et la dérision comme les drames et les sujets profonds. D'abord amuseur public, l'homme d'émotion était sensible, talentueux et courageux. Jean-Claude Brialy était aussi une forte personnalité au parlé franc. Mais il avait l'élégance de ne pas parler des gens qu'il n'aimait pas.
Humaniste gourmand, il incarnait l'excellence française. Apprécié de la vie mondaine parisienne, Jean-Claude Brialy était le propriétaire du théâtre "Les Bouffes parisiens" dont il fêta les 150 ans d'existence. Edoniste, il était aussi propriétaire du restaurant gastronomique "L'Orangerie" à Paris.
Image de Alain Aubert / Le FigaroLe comédien à la robuste silhouette, portant l'écharpe et la chevelure blanche inspirait confiance. Son charisme, sa prestance et son élégance ont séduit toutes les générations; les belles-mères voulaient l'avoir comme gendre, les femmes comme mari ou amant et les artistes comme mentor. Avec lui disparaît le dernier Elégant français.
"Les comédiens sont d'étranges animaux", écrivait Molière, "mais ils parlent". On se souviendra de cette remarque de Jean-Claude Brialy en marge de ses "Répliques" : "Le talent essentiel de l'acteur est la voix. Souvent on se souvient, en fermant les yeux, d'une réplique sublimée par les personnages. Elle fait partie de notre vie, de nos souvenirs, pareils à la musique d'un film, les mots jaillissent de notre mémoire et les images dansent en nous." De sa voix grave et veloutée, je l'entends encore nous dire : "Je veux mourir debout comme les arbres". Nous ne t'oublierons pas Jean-Claude. Un grand comédien et humaniste nous manque déjà.

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