lundi 25 juin 2007

Des lobbies dans le quartier européen

Un lobby est un groupe de pression, un groupe d'intérêt comme l'on dit. Mais allez expliquer la définition de ces termes à des Eurocrates qui ne respectent même pas leurs principes éthiques, dont les bureaux de Bruxelles et de Strasbourg sont envahis en permanence par des représentants industriels et des lobbyistes de toutes sortes, représentant l'industrie pharmaceutique, pétrolière, les cigarettiers, l'agro-alimentaire, les fabricants d'armes, etc.
Le rôle des Eurocrates
Le quartier européen à Bruxelles.Les décisions nationales en matière de consommation par exemple ne se prennent pas uniquement au niveau national. L'Europe édicte également des normes à respecter sous peine d'amende et approuve ou nom la commercialisation de certains produits.
Au Parlement européen travaillent 585 députés qui discutent et votent des lois concernant les normes et les prix des produits utilisés près d'un demi-milliard d'Européens. On comprend aisément que leurs décisions suscite l'intérêt des fabricants et des groupes de pression.
Ainsi, autour du rond-point Schuman, à quelque 25 m de la Commission européenne et du Conseil de l'Union européenne notamment, on découvre les bureaux d'Airbus, Boing, British Petroleum, General Electric, Philip Morris,... 350 sociétés importantes ! Que font-ils ?
Le rôle des lobbies
Prenons l'un de ces lobbyistes, le Conseil des Communes et Régions d'Europe (CCRE). Ce n'est pas un organisme public mais un groupe de pression relativement ouvert aux médias installé à deux pas du Parlement européen. Ses membres sont des villes ou des régions européennes. Son rôle est de surveiller et d'influencer les décisions des députés européens *avant* qu'ils ne votent de nouvelles lois et directives. Pour cela il dispose d'un budget de 1.2 millions d'euros qu'il utilise pour organiser des réunions et autres cocktails avec les députés qui n'ont pas le temps de recevoir chaque personne individuellement.
Ainsi, 15000 lobbyistes sont payés par des groupes de pression et arpentent quotidiennement le quartier européen de Bruxelles et échangent leur carte de visite avec les députés ! Bruxelles est la 2eme capitale du lobbyisme derrière Washington !
Les méthodes des lobbyistes
En théorie les lobbyistes ont une éthique. Ils doivent par exemple déclarer les intérêts commerciaux qu'ils représentent ou ne pas chercher à soudoyer les députés. Ces derniers d'ailleurs ont l'interdiction d'accepter tout cadeau valant plus de 50 euros.
En fait les lobbyistes profitent des failles du système. Les Eurocrates ne connaissant en théorie par les produits qu'ils doivent normaliser ou accepter, les rapports d'expertises sont écrits par des lobbyistes et seront remis aux députés européens qui jugeront "impartialement". Le document est bien entendu remis sans le logo de la société, quoique...
Le projet REACH
Les lobbyistes sont très très puissants. Il y a un célèbre cas d'école : le projet de réglementation européen pour le contrôle des substances chimiques, REACH en abrégé. Ce projet de loi vise à renforcer le contrôle des substances toxiques dans les aliments.
L'hémicycle du Parlement Européen à Bruxelles.
Les lobbyistes du secteur chimique ne parvenant pas à influencer les députés européens assez rapidement, ils se sont mis à publier dans les médias des centaines de documents techniques invalidant les effets toxiques des substances incriminées et à faire du chantage à l'emploi. La technique utilisée est connue sous le nom de "l'avion de combat" : le lobby menaça les députés et les commissaires de licenciements massifs en Europe... 3 millions de licenciements s'ils n'acceptaient pas de changer la loi ! Comme par hasard, en 2006 la loi fut modifiée et le nombre de substances à contrôler a été réduit de... deux-tiers ! Le projet REACH est réduit à une farce qui scandalisa bon nombre d'ONG et de partis politiques ! Voyez ce rapport de synthèse de Greenpeace.
Morale de l'histoire, si les députés ne peuvent pas accepter de cadeaux, en revanche les lobbyistes peuvent leur mentir. Les industriels concernés n'ont jamais licencié les 3 millions de personnes prévues. Ceci dit, si résister aux lobbies est un jeu dangereux sur le plan social, il en vaut la peine si nous voulons sauver la démocratie.
Changement de cap
Aujourd'hui un vent de changement semble souffler sur Bruxelles. Le Commissaire européen chargé de la lutte anti-fraude veut redorer l'image de l'Europe. Ainsi, le Corporate Europe Observatory (CEO), un organisme de surveillance des lobbies, a découvert voici quelques temps qu'un conseillé européen contractuel avait deux casquettes : celle d'un expert européen et celle d'un lobbyiste, d'où un conflit d'intérêt. Après enquête et pour ne pas ternir encore un peu plus l'image de l'Europe, le commissaire décida de licencier l'indélicat et le remplaça par une personne digne de confiance.
En guise de conclusion
Pour vous rendre compte de l'ampleur du phénomène des lobbies, je vous invite à visiter les centres de presse et autre bureaux de relation publique de Bruxelles où la Commission comme le Parlement européens ont leur siège. Les lobbyistes y sont actifs en permanence sur toutes les passerelles, dans tous les couloirs et tous les bureaux jusqu'à la cafeteriat, les uns représentés par des cols blancs les autres par de charmantes jeunes femmes, histoire de tromper sur la nature de leurs véritables démarches !
Personnellement, je ne vois pas trop le rapport entre le travail d'une institution publique censée être démocratique et impartiale et l'action de ces lobbies. Mais ces derniers savent très bien pourquoi ils tissent leur réseau de relations dans les hautes sphères européennes.
Ceux qui décident à notre place dans le confort des bureaux feutrés du "Camembert" (le Parlement européen), du Berlaymont et du rond-point Schuman, loin de la réalité du terrain, se voient expliquer par des margoulins les avantages de produits à base d'édulcorants artificiels, de graisse pour remplacer le chocolat, des aliments à base d'OGM, de l'intérêt des produits asiatiques bon marché, d'importer des fourrures de Chine où les animaux sont maltraités, des médicaments américains douteux, d'augmenter la puissance des antennes GSM, de décentraliser dans les nouveaux pays de l'Est européen ou des économies d'échelle qu'ils peuvent retirer à se chauffer au nucléaire ! La démocratie n'est plus ce qu'elle était...
PS. Comme à Bruxelles ou Washington, rappelons que l'entourage de l'Elysée en France n'est pas non plus à l'abri des lobbyistes. Ainsi que nous l'expliquerons dans un autre article, ils sont présents à l'Assemblée Nationale et même au Parlement. Mais silence, officiellement cela n'existe pas !

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