lundi 2 juillet 2007

Gravity Probe B a confirmé la Relativité générale

Selon la théorie de la Relativité générale d'Einstein publiée en 1915, la masse d'un corps comme la Terre serait capable de recourber le continuum espace-temps, forçant le "tissu" de l'univers à se déformer en fonction de la densité de matière, comme une boule de billard posée sur un trampoline déforme le tissu flexible. Déformation de l'espace-temps sous l'influence d'un corps massif (son champ gravitationnel).
En 1919, au cours d'une éclipse totale de Soleil, les astronomes avaient démontré que la lumière des étoiles était déviée près du Soleil. Cette valeur mesurée in situ était deux fois plus importante que la déviation prédite par Newton et confirma avec éclat la validité de la théorie d’Einstein. Depuis, des milliers d'expériences ont prouvé l'exactitude du principe d'équivalence entre masse et gravitation ainsi que de la relativité du temps écoulé en fonction de la vitesse du référentiel.
La mission Gravity Probe B
Voici bientôt 3 ans, la NASA a investi 750 millions de dollars dans la mission spatiale Gravity Probe B afin de vérifier les prédictions d'Einstein à propos de l'orbite terrestre. Les expériences visaient à détecter les déformations de l’espace-temps à 642 km d’altitude au-dessus de la Terre. C’était la première expérience de ce genre conduite par les scientifiques.
La mission Gravity Probe B.Deux expériences ont été développées : la mesure du principe d'équivalence (entre masse et gravité) et la mesure de l'effet géodétique.
Quatre gyroscopes, chacun de la taille d'une balle de ping-pong, forment le coeur de cette expérience. Les gyroscopes sont les objets sphériques les plus parfaits que l'homme puisse fabriquer; s'ils étaient agrandis aux dimensions de la Terre, leurs déformations mesureraient à peine 2.5 m de hauteur. Pour l'anecdote, leur forme quasi parfaite leur a valut d'être repris dans le "Livre Guiness des Records".
Au début de l'expérience, l'axe de rotation des gyroscopes était pointé en direction de l'étoile IM Pegasi (HR 8703) servant de repère. A mesure que la sonde spatiale tournait autour de la Terre, pendant près d'une année les chercheurs ont mesuré précisément la position des axes des gyroscopes par rapport à cette étoile.
La théorie d'Einstein prédit que sous l'influence des champs gravitationnels, les axes des gyroscopes doivent se décaler très légèrement, modifiant l’attitude du satellite par rapport à l’étoile servant de repère. L’effet géodétique devrait déplacer l’axe des gyroscopes (l'équivalent de l'axe vertical) d’environ 6.6"/an, soit 0.0018° par an, le cadre de référence à hauteur du satellite (l'équivalent de l'axe horizontal) devant se déplacer de 0.041"/an, soit 0.000011° par an. Ce décalage devrait être mesuré après une précision de 1%.
Les résultats
Au début de cette année, au cours de la conférence de l'American Physics Society, Francis Everitt, de l'Université de Stanford et responsable scientifique du projet, a présenté les premiers résultats de cette mission.
Les gyroscopes de la sonde Gravity Probe B. Document U.Stanford.Après 18 mois d'analyses, Everitt et ses collègues ont mesuré cet effet géodétique avec une précision correspondant effectivement aux prédictions d'Einstein : la déviation est de 6.6" par an, soit 0.0018° par an, avec une erreur inférieure à 1%, c'est tout à fait exceptionnel.
Il est vraiment extraordinaire de constater ce résultat et d'imaginer Einstein jeter un regard par dessus son épaule et nous dire, "vous voyez, j'avais raison, cette théorie est inscrite dans l'univers". Cette mesure est sans précédent en Relativité générale.
En complément, Einstein prétendait que tout corps en rotation devait "tirer derrière lui" le continuum espace-temps, comme une toupie prise dans un tissu, créant une distorsion locale du continuum. Le résultat de cette mesure devrait être annoncé plus tard cette année.
Quand la théorie prédit ce qui doit être observé
Le projet Gravity Probe B remonte à 1959 mais la NASA a annulé plusieurs fois la mission. Les critiques prétendaient que la précision recherchée ne valait pas son prix ou la perte de temps. Pour une fois, la science a gagné face aux arguments politiques.
Comme le dit Everitt, "N'est-il pas génial de constater combien Einstein avait raison ?", lui qui inventa une théorie sans même regarder dans un télescope et sans utiliser un accélérateur de particule ! Einstein nous aurait sans doute répondu comme en 1919, dans sa lettre à l'astronome Arthur Eddington, "s’il avait été prouvé que l’effet ne devait pas existé dans la nature, alors toute la théorie aurait dû être abandonnée". Cette expression sera citée par Karl Popper pour expliquer l’origine de son célèbre critère de falsification.
Ce côté prédictif et quelque part magique des mathématiques est fascinant et soulève bien des questions sur le plan philosophique. Ce n'est pas faire preuve d'anthropocentrisme mais d'un profond sens des réalités que de se dire que les équations en savent finalement plus que nous sur le monde. Il y a là une véritable énigme métaphysique.
Pour plus d'information, consultez le dossier éducatif sur la Relativité et le dossier sur la philosophie des sciences.

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