lundi 6 août 2007

Fièvre aphteuse : Embargo sur la viande britannique

Bruxelles en étroite coordination avec Londres a décidé d'interdire toute exportation dans l'Union européenne de bétail vivant (bovin, porcin, ovin, caprin), de viande, de produits laitiers et dérivés issus de Grande-Bretagne, classée lundi "zone à haut risque" pour la fièvre aphteuse, suite à la découverte d'un foyer dans une exploitation agricole. Irlande du Nord est exclue de cette zone. Embargo sur l'exportation du cheptel britannique et ses produits dérivés.
L'application de ce principe de précaution maximal vise à "éviter la propagation du virus", a indiqué devant la presse Philip Tod, un porte-parole de la Commission européenne chargé des questions sanitaires.
Les autorités douanières britanniques devront notamment s'assurer que les pneus des véhicules quittant le pays sont désinfectés de manière adéquate.
Les experts vétérinaires des 27, qui se réuniront le 8 août après-midi à Bruxelles, pourraient toutefois alléger ce dispositif de précaution.
La Grande-Bretagne, en contact constant avec les autorités sanitaires européennes, avait déjà pris des mesures dès le 4 août, au surlendemain de la découverte d'un foyer suspect, en suspendant toutes les licences d'exportations. "Nous sommes satisfaits de la rapidité avec laquelle les autorités britanniques ont identifié la souche du virus", a expliqué lundi M.Tod.
On peut en effet applaudir la réactivité des vétérinaires et des autorités britanniques qui ont appris les leçons du passé. On y reviendra.
Découverte du foyer
Le virus de la fièvre aphteuse (Aphtae epizooticae) été identifié le 2 août par les services vétérinaires britanniques dans une exploitation agricole située près du village de Normandy, dans le Surrey, à une cinquantaine de kilomètres au sud-ouest de Londres. Les 60 bovins qui se trouvaient sur l’exploitation contaminée ont été abattus le 4 août, ainsi que ceux d’une ferme proche qui avaient eu un contact dangereux avec le troupeau infecté et qui ont été éliminés par précaution.
Immédiatement, le Premier ministre a assuré que les autorités britanniques faisaient " tout ce qui est en leur pouvoir" et ont suspendu les exportations des viandes à risque. "Nous faisons tout ce qui est en notre pouvoir pour examiner les éléments scientifiques et pour découvrir ce qu'il s'est passé et pour éradiquer la maladie", a déclaré Gordon Brown à l'issue de la seconde réunion du comité COBRA, la cellule de crise du gouvernement.
Identification de la source du virus
Les experts sanitaires à Bruxelles précisent que le virus de la fièvre aphteuse s'est déjà échappé "à plusieurs reprises dans les années 80" de laboratoires spécialisés. Ces laboratoires sont les premiers suspects dans cette affaire. "C’est une piste prometteuse mais nous ne sommes pas sûrs", a déclaré le 4 août sur BBC News24, Hilary Benn, ministre de l’Environnement, de l’Alimentation et des Affaires rurales (DEFRA).
Le site de Merial en Angleterre, d'où le virus s'est probablement échappé.Le DEFRA a annoncé le soir même que la souche du virus était "très semblable" à strain 01/BFS, une souche isolée en 1967 par l'Institut IAH de Pirbright, situé à seulement 5 km de l'exploitation agricole contaminée. "Cette souche se trouve à l’IAH et a été utilisée dans une préparation [de vaccin] fabriquée en juillet 2007 par le laboratoire de Merial", avait-il ajouté.
Pirbright abrite l'Institute for Animal Health (IAH), un organisme public de réputation internationale chargé de toutes les questions de santé animale, qui s'avère être "le laboratoire de référence de l'Union européenne pour la fièvre aphteuse", a précisé le porte-parole. S'y trouve également Merial Animal Health, dont on voit une photographie ci-dessus, un laboratoire privé pharmaceutique spécialisé dans les maladies animales. Il s'agit de l'un des quatre laboratoires autorisés par l'Union européenne "à manipuler le virus aphteux vivant pour la production de vaccins."
Merial emploie plus de 5000 personnes dans 150 pays. La société, qui est basée en Géorgie, aux Etats-Unis, est très rentable et a présenté un chiffre d'affaire de 1 milliard d'euros (700 millions de livres) au second trimestre 2007.
Immédiatement, Merial a annoncé qu'il suspendait par précaution la préparation de vaccins tandis que les autorités ont élargi la zone de protection autour du site infecté pour y inclure le site de Pirbright, avec une zone de surveillance de 10 km alentour. Dans les jours qui suivirent la zone interdite d'accès a été limitée à un rayon de 3 km autour du foyer.
Savoir que le virus n'est probablement pas arrivé dans la ferme par la voie des airs est quelque part une bonne nouvelle, car ce n'est plus le fait du hasard et d'un phénomène incontrôlable. En revanche, il peut s'agir d'une erreur de manipulation ou, pire, d'un acte criminel. Interrogé sur un éventuel acte de sabotage ou de terrorisme, Hilary Benn a déclaré : "nous ne savons tout simplement pas et c’est pourquoi ces enquêtes urgentes sont menées dans les deux infrastructures du site" de Pirbright. Affaire à suivre.
La fièvre aphteuse
La maladie de la fièvre aphteuse a été identifiée en 1910 par le chercheur allemand Friedrich Loeffler, dont les travaux avaient provoqué une épidémie dans les fermes voisines. Face à la colère des paysans, il avait dû se réfugier avec ses fioles sur une île en mer Baltique, à l'accès interdit !
Les effets du virus de la fièvre aphteuse (Coxsack) chez l'homme. Document U.Iowa.Ce virus particulièrement contagieux n'est pas dangereux pour l'homme. La fièvre aphteuse est une maladie commune chez les nourrissons et les enfants. Elle provoque de la fièvre, accompagnée d'inflammations cutanées et des cloches sur la paume des mains ou la plante des pieds ainsi que des ulcères de la gorge et des amygdales. C'est surtout chez l'animal que ses effets sont sévères (rupture de vésicules sur la langue, la gencive, le pis, cloches aux pattes, etc) et occasionnent des souffrances. Elle peut être fatale pour le bétail et les porcins.
Indirectement, cette épidémie génère des pertes économiques potentiellement désastreuses pour les éleveurs concernés. En effet, lors d’une épizoodie, la Commission européenne offre bien une compensation mais jusqu’à hauteur de 60% seulement des coûts d’élimination des animaux, de désinfection, etc.
Le virus
Quelles sont les caractéristiques de ce virus ? Il appartient au Groupe IV, c'est-à-dire des virus de nature ARN; il possède un acide ribonucléique (ARN) polarisé positivement. Il peut donc assurer directement la réplication de son patrimoine génétique sans passer par l'intermédiaire de l'ADN. Le virus de la fièvre aphteuse. Document David Stuart & Liz Fry, Université d'Oxford.
Ce virus appartient à la famille des Picornaviridés, du genre Aphthovirus. Il existe en 7 sérotypes immunologiques distincts.
Le virus a une forme sphérique et est protégé par une membrane de protéine.
Sa période d'incubation varie entre 2 et 14 jours. Il se transmet par contact direct ou indirect (gouttelettes), par un vecteur vivant (animal, humain, ...) ou inanimé (véhicule, outil, ...), y compris par voie aérienne, notamment dans les zones tempérées. Grâce au vent, il peut se propager jusqu'à 60 km sur la terre et 300 km en mer.
La fièvre aphteuse est endémique dans certaines parties de l'Asie, de l'Afrique, du Moyen-Orient et de l'Amérique du Sud (foyers sporadiques dans les zones indemnes). Des souches existent évidemment dans les laboratoires de virologie occidentaux.
Prévention et traitement
Il existe un vaccin préparé avec un virus inactivé, contenant un adjuvant. Son immunité commence 6 mois après les deux premières vaccinations pratiquées à un mois d'intervalle (variable selon la relation antigénique qui existe entre la souche vaccinale et la souche responsable du foyer).
Incinération du bétail contaminé en 2003.Pour éviter et prévenir cette maladie, il faut protéger les zones indemnes en contrôlant et en surveillant les déplacements des animaux ou en nettoyant les objets se trouvant en limite des zones contaminées. Il faut abattre tous les animaux infectés ainsi que des animaux susceptibles d'avoir été en contact avec des sujets infectés. Il faut procéder à la désinfection des locaux et de tout le matériel infecté (outils, voitures, vêtements, etc.), procéder à la destruction des cadavres, des litières et des produits issus d'animaux sensibles dans la zone infectée. Enfin, il faut prendre des mesures de quarantaine.
Réaction européenne
La dernière épidémie (épizootie) de fièvre aphteuse dura de février à septembre 2001. C'était la première depuis 30 ans. Elle toucha également l'Irlande, les Pays-Bas et la France, les autres pays, de l'Espagne à la Russie, ayant pris des mesures préventives très rapidement pour ne pas être contaminés.
Cette épizootie, qui avait été provoquée par la souche de Type O pan Asia, avait traumatisé la Grande-Bretagne : 2030 cas furent identifiés dans tout le pays et entre 6.5 et 10 millions d'animaux furent abattus, puis incinérés. Imaginez la mise à mort de centaines d'animaux dans chaque ferme et ces bûchers géants qui n'en finissaient pas de brûler; cela a profondément attristé les fermiers et choqué toute la population.
Brûlage de carcasses de bovins contaminés en 2001 dans une ferme de Kirkbride en Angleterre. Document Simon Ledingham.Pour ne plus qu'une épizootie de cette ampleur ne se reproduise, en septembre 2003, l'Union européenne a profondément révisé sa législation (directive du Conseil 2003/85/CE) en matière de lutte contre la fièvre aphteuse, réduisant notamment le nombre de laboratoires agréés à manipuler le virus vivant et les vaccins.
Une interdiction d'exportations dans l'Union européenne avait été prise à l'époque dès le deuxième jour après la découverte de 27 cochons contaminés dans un abattoir anglais. Malgré cette précaution, plusieurs foyers de fièvre aphteuse avaient été enregistrés dès le mois suivant en République d'Irlande (1), en France (2), et aux Pays-Bas (26).
Aujourd'hui, les foyers ont été identifiés dans deux fermes de Grande-Bretagne mais l'Europe a appris la leçon et a tout mis en oeuvre pour arrêter l'épizootie le plus tôt et le plus rapidement possible, d'où l'embargo actuel et l'enquête en cours.
Pour plus d'information sur cette maladie, consultez le site des laboratoires anglais, le magazine Santé animale mondiale et le Bulletin de l'OIE, l'Organisation Mondiale de la Santé Animale.

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