Pour beaucoup d’entre nous, la violence conjugale est un épiphénomène qui se limite à de la violence physique occasionnelle sans conséquences ou qui ne prend en compte que des situations extrêmes. Or, les innombrables plaintes des victimes et de nombreuses enquêtes scientifiques démontrent qu'elle peut prendre différentes formes banalisées et touche beaucoup de femmes et dans toutes les classes sociales. Loin des préjugés, voici un rapport scientifique sur la question, actualisé de données européennes.
A la demande du Secrétariat d’Etat français à la Santé et aux Handicapés, un groupe d’experts placés sous la présidence du Pr Roger Henrion, a publié en 2001 un rapport sur la violence conjugale. Ce rapport est toujours d'actualité et mérite une deuxième lecture.
La mission des experts était de recenser les données existantes sur la violence à l’encontre des femmes, évaluer l’impact des violences sur la santé physique et mentale des victimes, présenter des propositions visant à améliorer l’information et la formation des médecins à ce problème, et favoriser une prise en charge rapide et efficace des victimes.
Et de fait, cette étude a servi de référence et de point de départ à de nombreuses actions du gouvernement, d'associations privées et d'ONG tant en France, en Belgique qu'ailleurs en Europe.
En 2001, cette étude concluait qu'en France une femmes interrogée sur dix était victime de violences conjugales. Aujourd'hui, cela concerne une femme européenne sur cinq !
En 2001, cette étude concluait qu'en France une femmes interrogée sur dix était victime de violences conjugales. Aujourd'hui, cela concerne une femme européenne sur cinq !
Etat d'un mal de société
Qui n'a pas connu dans son entourage une femme, jeune ou pensionnée, pauvre ou riche, dont le poignet était bandé ou portant des signes d'ecchymoses au visage ou sur le bras et prétendant maladroitement, parfois en présence de son mari, avoir cogné une porte, glissé sur le carrelage ou s'être blessé en jardinant. Quelques mois après, on apprenait qu'elle avait divorcé.
Et de fait, il ne faut pas chercher très loin pour vérifier l'étendue de ce mal de société. Sur cinq femmes âgées de plus de 40 ans vivant dans mon entourage, deux ont été victimes de violences conjugales au cours des dix dernières années. Heureusement pourrait-on dire dans leur cas, les violences n'ont duré que quelques mois, la femme ayant de suite quitté son époux ou inversement. Depuis, elles ont divorcé, mais contraintes et forcées, car elles aimaient leur mari...
D'un autre côté, quel est l'homme énervé par une attitude ou des paroles qui n'a jamais été violent au cours d'une dispute, jetant des objets ou tapant peut-être sur un mur ou sur un divan plutôt que sur sa compagne, ou la secouant pour ne pas la frapper. Au mieux il a pris la porte, au pire, vous connaissez la suite. Ce sont autant de signes annonciateurs de violence conjugale qu'il faut de suite canaliser et maîtriser.
Sans contrôle, cette violence gratuite à des conséquences insoupçonnées. Un tel acte place les victimes dans une situation psychologique stressante et conflictuelle, partagées entre amour et haine, union et séparation, vie de couple et solitude, mari et enfant, etc, à laquelle s'ajoute parfois des problèmes socio-économiques (problèmes de santé, problèmes administratifs, perte de revenu, etc) qui ne rendent pas la décision plus facile.
La victime se pose en effet la question de savoir si elle doit rester et continuer à endurer cette violence et subir ce stress au quotidien pour préserver son couple, ses enfants, son "bien-être" et parfois sa seule ressource financière, ou tout plaquer mais pour se retrouver seule et peut-être à la rue si elle ne travaille pas, avec toutes les tracasseries administratives à la clé.
Notons que le divorce est l'événement le plus redouté des couples après la mort d'un proche, suivi par la perte de son travail.
Sans contrôle, cette violence gratuite à des conséquences insoupçonnées. Un tel acte place les victimes dans une situation psychologique stressante et conflictuelle, partagées entre amour et haine, union et séparation, vie de couple et solitude, mari et enfant, etc, à laquelle s'ajoute parfois des problèmes socio-économiques (problèmes de santé, problèmes administratifs, perte de revenu, etc) qui ne rendent pas la décision plus facile.
La victime se pose en effet la question de savoir si elle doit rester et continuer à endurer cette violence et subir ce stress au quotidien pour préserver son couple, ses enfants, son "bien-être" et parfois sa seule ressource financière, ou tout plaquer mais pour se retrouver seule et peut-être à la rue si elle ne travaille pas, avec toutes les tracasseries administratives à la clé.
Notons que le divorce est l'événement le plus redouté des couples après la mort d'un proche, suivi par la perte de son travail.
La violence conjugale est devenue un problème de société qui est encore trop souvent tabou, raison pour laquelle nous devons en parler pour délier les langues et sensibiliser tous les acteurs, les agresseurs potentiels, les victimes mais également les médecins à cette problématique, afin de les aider à reconnaître les événements pouvant déclencher des violences congugales et les symptômes qui en résultent.
Des séquelles physiques et psychologiques
Des séquelles physiques et psychologiques
La violence physique sur les femmes se traduit régulièrement par des contusions, ecchymoses, hématomes et fractures, le plus souvent dues à des coups portés à main nue et touchant principalement le visage, le crâne, le cou et les extrémités.
Le rapport Henrion souligne aussi que "les violences physiques ne sont jamais isolées. Elles sont accompagnées d’injures, de menaces et précèdent le plus souvent des rapports sexuels forcés". Ainsi, "l’état de tension, peur et angoisse dans lequel les femmes maltraitées sont maintenues par leur agresseur peuvent produire différentes formes de troubles psychiques" : troubles émotionnels, psychosomatiques, dépression, troubles du sommeil, de l’alimentation...
Les enfants aussi sont victimes
Les enfants aussi sont victimes
Dans près de 70 % des cas, ces actes de violence se déroulent devant les enfants, et ils les concernent directement dans 10 % des cas, avec des séquelles physiques et psychologiques comparables à celles observées chez leur mère.
Comme le précisent les rapporteurs, "la violence dont l’enfant est témoin a les mêmes effets sur lui que s’il en était victime [et] ses enfants sont susceptibles de reproduire la violence, seul modèle de communication qu’ils connaissent"...
Et de fait, dans la plupart des cas, un cercle vicieux s'installe d'une génération à l'autre.
Les enfants à naître aussi sont concernés, et les rapporteurs considèrent la grossesse comme une période particulièrement exposée aux violences conjugales.
En effet, parfois le mari ne reconnaît plus sa femme, ne souhaite pas cet enfant ou cette vie de famille, tandis que la femme de son côté, peut également parfois délaisser son mari pour s'occuper un peu plus d'elle-même ou change de caractère ou d'attitude envers lui.
Un enfant qui est issu d'une précédente union peut également être la source de conflits, et d'autant plus s'il est capricieux ou manque d'éducation.
Sans être violentes, ces attitudes parfois inconscientes peuvent déclencher des révoltes chez l'homme qui se sent "piégé", ignoré, rejeté ou est incapable d'assumer la situation, autant de sources de conflits qui peuvent se traduire par des agressions verbales ou physiques.
Profil des hommes agressifs
La majorité des agresseurs sont alcooliques (85 à 95 % des cas selon le rapport Henrion, mais cette statistique tombe de 54 % à 12 % dans d’autres études).
Profil des hommes agressifs
La majorité des agresseurs sont alcooliques (85 à 95 % des cas selon le rapport Henrion, mais cette statistique tombe de 54 % à 12 % dans d’autres études).
Il s’agit pour la plupart d’impulsifs agressifs, de psychopathes ou de pervers (15 à 25 %) ou encore des hommes victimes d’abus durant l’enfance.
Quand ils sont agressifs, ces hommes ne s'en prennent pas seulement à leur femme mais également à leurs enfants.
Plusieurs facteurs favorisent le développement de l'agressivité. "Quelle que soit la personnalité de l’agresseur, certains facteurs sont reconnus comme déclenchants : la jalousie, la séparation, le divorce, la mise au chômage récente du partenaire, la précarité, la grossesse, la naissance d’un enfant", précise le rapport.
Les milieux défavorisés représentent 52 % des cas de violence. Cela signifie également que les classes plus aisées sont pratiquement autant concernées. Cette violence s’observe également chez les cadres, notamment parmi "les hommes autoritaires, investis de fonctions de commandement".
Un manque de dialogue
Un manque de dialogue
De façon générale, comme dans toute vie de couple, la violence ou la rupture du couple trouve souvent son origine dans le passé et la culture des partenaires, le manque de dialogue étant la premier facteur annonciateur de conflits potentiels.
En effet, au lieu d'aplanir les conflits en cherchant une solution et éventuellement un compromis, chacun garde pour soi les griefs ou les remarques qu'il porte à l'encontre de son partenaire de crainte de sa réaction, de le décevoir ou de le perdre.Mais agir ainsi est pire que la franchise. Car en ne s'ouvrant pas à l'autre et en refusant le dialogue, les deux partenaires s'orientent tout droit dans une voie sans issue, le premier observant et analysant de manière critique son partenaire, le second imaginant que tout va bien, jusqu'au jour où le couple éclate.
A l'inverse, faire constamment des remarques désobligeante à son partenaire signifie également qu'ils ne s'accordent pas ensemble et que sans changement d'attitude de part et d'autre, ils ne sont vraisemblablement pas fait pour vivre ensemble. Dans ce cas, autant s'arrêter tout de suite que de subir ou faire subir cette violence déguisée et risquer un affrontement.
Preuve d'une meilleure sensibilisation du public au problème de la violence conjugale, au cours de la période 1990-2000, le nombre de consultations médicales pour violence a triplé et il a doublé entre 2001 et 2007.
Du fait que les jeunes adultes notamment sont mieux informés qu'hier, les femmes se décident de plus en plus tôt à parler, mais certains blocages existent encore, dus notamment aux traditions, à la culture, au manque de formation des médecins et à la peur de porter plainte par crainte des représailles ou par crainte de se retrouver sans ressources lorsqu'elles ne travaillent pas.
Ces blocages ont été pris en considération dans les "dix actions prioritaires à mettre en œuvre rapidement", demandées par les rapporteurs.
Pour plus d'information, consultez le rapport Henrion sur le site du gouvernement français ainsi que les sites Internet SOS Femmes, Violences conjugales , SOS VIOL et FPS notamment. N'hésitez pas non plus à poser vos questions sur les forums de psychologie ou féminins.
Consultez également l'article de sensibilisation rédigé par Amnesty International en 2005.
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