lundi 7 juin 2010

Bhopal : un verdict injuste après 26 ans de procédure

Après 26 ans de procédure pénale, les 7 principaux dirigeants indiens d'Union Carbide (Down Chemicals) ont été condamnés ce lundi 7 juin 2010 à une peine de deux ans de prison et à une amende de 100000 roupies (2100$). Le 8e dirigeant est déjà décédé.
Les installations corrodées d'Union Carbide abandonnées à Bhopal après l'accident. Document Raghu Rai/Greenpeace. L'ancien président d'Union Carbide India, Keshub Mahindra, aujourd'hui directeur général du constructeur de véhicules utilitaires Mahindra & Mahindra, a écopé d'une amende de 500000 roupies (10600$) pour négligence.
Depuis 1985, Union Carbide a versé 500 millions de dollars d'indemnités à la justice indienne mais pas une roupie aux victimes (à part 75€ à quelques plaignants). Le patron américain de la société ne s'est jamais présenté devant la justice indienne.
Sur le plan écologique, l'usine de Bhopal n'a jamais été démantelée et le site n'a jamais été assaini par Union Carbide qui a simplement abandonné ses installations et ses containers toxiques au milieu de la ville.
26 ans d'immunité et un déni de justice
Les avocats des victimes ainsi que les ONG de défense de l'environnement considèrent que ce verdict est trop clément et arrive trop tard.
En effet, oser condamner des gens aussi irresponsables à une peine aussi légère après un délai aussi long, l'un d'entre eux étant déjà décédé, est un véritable affront et une parodie de justice. On s'attendait au minimum à une condamnation pour homicide involontaire... C'est dans de telles situations qu'on se rend compte de la toute puissance des sociétés multinationales !
"Il ne s'agit pas de sanctions exemplaires susceptibles de dissuader les grandes entreprises de provoquer une nouvelle catastrophe de cette envergure", a déclaré un militant local, Rachna Dhingra. "Il n'y a vraiment pas de quoi se réjouir".
Bhopal, 1984Dans la nuit du 2 au 3 décembre 1984, un gaz toxique blanc, le MIC (isocyanate de méthyle) utilisé pour fabriquer des pesticides s'échappa de l'usine d'Union Carbide de Bhopal.Un enfant victime du MIC à Bhopal en 1984. Document Raghu Rai/Greenpeace. Cet accident tua officiellement 3500 personnes. Mais officieusement (selon les ONG) il fit plus de 25000 morts et laissa plus de 50000 personnes handicapées (borgnes, aveugles, brûlées ou victime de déformations congénitales), un vrai désastre humanitaire.
Aujourd'hui, les victimes ayant survécu à cet accident demandent vengeance : "La pendaison pour les coupables !", a-t-on entendu dans les rues après l'annonce du verdict.
Les manifestants ont tenté de pénétrer de force dans l'enceinte du Palais de justice mais les forces de police les en ont empêchés : "Laissez-nous entrer. Ils ont peut-être été sanctionnés, mais qu'en est-il de nous ? Nous sommes si nombreux ici à n'avoir reçu aucune indemnisation", s'est exclamé une victime de la catastrophe, Shanta bai.
Pour Ram Prasad, un villageois âgé de 75 ans, "ces sanctions ne vont pas assez loin. J'ai perdu mon fils, mon frère cadet et mon père, et la nuit, je fais encore des cauchemars".
Si le procès est terminé, le dossier reste ouvert. Les condamnés peuvent encore faire appel de la décision, une procédure qui prendra toutefois plusieurs années en Inde.
Comme si l'affront n'était pas suffisant, les 8 condamnés ont bénéficié d'une mesure de mise en liberté provisoire après versement d'une caution de 25000 roupies (530$) chacun. De qui se moque-t-on ?
Pollution et risques d'accidents
Le MIC existe toujours et est notamment stocké chez Bayer en quantité deux fois plus importante qu'à Bhopal. Deux accidents se sont récemment produits chez Bayer, le premier aux Etats-Unis en 2008, le second en Inde en 2010.
Chaque fois l'accident causa la mort d'un ou plusieurs employés et concernait des gaz extrêmement toxiques, de classe 1.
Les conclusions des experts sont toujours les mêmes : les mesures de sécurité de ces installations ne sont pas suffisantes, augmentant le risque de fuite ou d'incendie.
Que font l'Europe et les états pour réglementer l'utilisation et le stockage de ces substances ? Je n'entends que le silence... Allons-nous attendre un nouvel accident majeur pour réagir ?
A consulter : La liste des 10 villes les plus polluées de la planète ainsi que l'article Safety forecast for the 21st century qui comprend quelques tableaux très instructifs.

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