Comment se portent les industries paneuropéennes ? Représentent-elles les fleurons d'une Europe solidaire tournée vers le futur ou affichent-elles les désaccords de leurs intérêts particuliers ? Prenons trois exemples édifiants de programmes paneuropéens dont les résultats financiers ou économiques désastreux font penser que leurs dirigeants ont sous-estimé le marché et mis en place des stratégies irréalistes qui risquent de conduire de nombreux concessionnaires et sous-traitants à la faillite et ridiculiser une fois de plus le modèle européen.
Ces trois programmes européens sont Eurotunnel, l'Airbus A380 et le programme GALILEO, autant de projets emblématiques de la volonté des dirigeants européens d'aller de l'avant, encore faut-il qu'ils sachent où ils mettent les pieds ! Visiblement ce n'est pas dans la réalité...
1. L'échec financier d'Eurotunnel
Nous avons encore tous en tête l'échec financier d'Eurotunnel où les petits actionnaires ont vu depuis 1987 le prix de leurs actions fondre comme neige au Soleil. En 2003, la perte financière du groupe était estimée à 1.9 milliards d’euros, auxquels il fallait ajouter les milliards d'euros accumulés au cours des précédentes années.
A total, grâce à des négociations avec ses financiers, en 2007 Eurotunnel a fait diminuer sa dette de 9 à 4.164 milliards d'euros. Pour éponger le solde, finalement en 2007 le groupe risquait une OPE (Offre Publique d'Echange, la nouvelle entité baptisée Groupe Eurotunnel SA ou GET SA est destinée à remplacer les sociétés française et britannique) dont les financiers estimaient les chances de réussite à 60% seulement !
Ces trois programmes européens sont Eurotunnel, l'Airbus A380 et le programme GALILEO, autant de projets emblématiques de la volonté des dirigeants européens d'aller de l'avant, encore faut-il qu'ils sachent où ils mettent les pieds ! Visiblement ce n'est pas dans la réalité...
1. L'échec financier d'Eurotunnel
Nous avons encore tous en tête l'échec financier d'Eurotunnel où les petits actionnaires ont vu depuis 1987 le prix de leurs actions fondre comme neige au Soleil. En 2003, la perte financière du groupe était estimée à 1.9 milliards d’euros, auxquels il fallait ajouter les milliards d'euros accumulés au cours des précédentes années.
A total, grâce à des négociations avec ses financiers, en 2007 Eurotunnel a fait diminuer sa dette de 9 à 4.164 milliards d'euros. Pour éponger le solde, finalement en 2007 le groupe risquait une OPE (Offre Publique d'Echange, la nouvelle entité baptisée Groupe Eurotunnel SA ou GET SA est destinée à remplacer les sociétés française et britannique) dont les financiers estimaient les chances de réussite à 60% seulement !
Fin mai 2007, on apprenait qu'Eurotunnel avait réussi l'OPE qu'elle avait lancé sur ses actions, ce qui permet aujourd'hui à l'exploitant du tunnel sous la Manche de créer un nouveau groupe moins endetté et d'éviter la faillite. Le groupe va ainsi pouvoir mettre en oeuvre son plan de sauvegarde, avalisé par la justice en janvier 2007 et voir sa dette réduite de moitié. Espérons que les dirigeants de GET SA retiennent la leçon !
2. L'échec commercial de l'Airbus A380Aujourd'hui une autre aventure européenne est dans la turbulence : la commercialisation de l'Airbus A380. En effet, à peine ce grand oiseau blanc était-il né qu'il avait déjà du plomb dans l'aile ! Rappelons les faits et les raisons de cet échec.
Fin 2006 les citoyens européens ont découvert à la stupéfaction générale que des problèmes techniques faisant suite à des intérêts divergents entre les différents concessionnaires du consortium EADS (entre la France et l'Allemagne notamment qui voulaient chacun leur "part du gâteau") ont retardé de plus de plus de 6 mois la commercialisation de l'A380. Au prix du kérozène et de l'heure de vol, la perte était sèche pour de nombreuses compagnies aériennes intéressées par ce nouveau gros-porteur.
Du coup, certaines compagnies comme les Emirates Airlines (ils ont commandé 47 avions A380, c'est le plus grand client d'Airbus) et FedEx se retrouvèrent sans avion et avec un manque à gagner inacceptable dans un marché ultra concurrentiel. De ce fait Airbus a été contraint de mettre à leur disposition des avions d'autres catégories en attendant de leur livrer les A380 promis. Mais n'ayant pas respecté son contrat, Airbus fut obligé de dédommager ces entreprises à hauteur de 223 millions d'euros pour les Emirates Airlines, 30 millions d'euros pour Virgin Atlantic et 60 millions d’euros pour Qantas. Quand on sait l'A380 revient à 230 millions de dollars US (prix catalogue), ce dédommagement non prévu dans le plan financier avait un goût amer.
Finalement si la plupart des compagnies aériennes se sont félicitées que ce retard de livraison ne soit pas directement imputable à des problèmes techniques mais plutôt "administratifs" au sein du groupe (c'est du moins ce qu'on leur a dit), certaines sociétés n'ont pas voulu subir à leurs dépens les contre-effets de la mauvaise stratégie du groupe. FedEx par exemple a annulé sa commande pour acheter des Boeing B-777 de même que d'autres compagnies aériennes réputées.
Actuellement, les pertes financières d'Airbus dues aux retards sont estimées à 2.8 milliards d'euros tandis que la rentabilité ne serait pas atteinte avant 2010. En 2007, Airbus n'avait vendu qu'un seul A380 et n'a reçu que 180 commandes fermes à ce jour alors que dans le même temps Boeing a reçu 677 commandes fermes pour son nouveau Boeing B-787, un record historique ! Chez EADS, l'espoir fait vivre dit-on.
Du coup, certaines compagnies comme les Emirates Airlines (ils ont commandé 47 avions A380, c'est le plus grand client d'Airbus) et FedEx se retrouvèrent sans avion et avec un manque à gagner inacceptable dans un marché ultra concurrentiel. De ce fait Airbus a été contraint de mettre à leur disposition des avions d'autres catégories en attendant de leur livrer les A380 promis. Mais n'ayant pas respecté son contrat, Airbus fut obligé de dédommager ces entreprises à hauteur de 223 millions d'euros pour les Emirates Airlines, 30 millions d'euros pour Virgin Atlantic et 60 millions d’euros pour Qantas. Quand on sait l'A380 revient à 230 millions de dollars US (prix catalogue), ce dédommagement non prévu dans le plan financier avait un goût amer.
Finalement si la plupart des compagnies aériennes se sont félicitées que ce retard de livraison ne soit pas directement imputable à des problèmes techniques mais plutôt "administratifs" au sein du groupe (c'est du moins ce qu'on leur a dit), certaines sociétés n'ont pas voulu subir à leurs dépens les contre-effets de la mauvaise stratégie du groupe. FedEx par exemple a annulé sa commande pour acheter des Boeing B-777 de même que d'autres compagnies aériennes réputées.
Actuellement, les pertes financières d'Airbus dues aux retards sont estimées à 2.8 milliards d'euros tandis que la rentabilité ne serait pas atteinte avant 2010. En 2007, Airbus n'avait vendu qu'un seul A380 et n'a reçu que 180 commandes fermes à ce jour alors que dans le même temps Boeing a reçu 677 commandes fermes pour son nouveau Boeing B-787, un record historique ! Chez EADS, l'espoir fait vivre dit-on.
En attendant, au sein du groupe EADS rien ne va plus. Le bénéfice net a été divisé par 16 en 2006 (99 millions d'euros en 2006 contre 1.68 milliards d'euros en 2005) en raison de la déconfiture financière de sa filiale Airbus (-572 millions en 2006 contre +2.3 milliards de bénéfice opérationnel en 2005), minée par les retards de production de l'A380. En mars 2007, Airbus annonçait un plan de redressement (Power8) prévoyant 10000 suppressions d'emploi en Europe ! En avril 2007 les dirigeants français et allemands d'EADS annoncèrent la perte de 8000 emplois (4300 emplois en France et 3700 emplois en Allemagne) ! Devant cette situation, dirigeants et syndicats d'EADS ont été entendus en mai 2007 par une commission du Sénat français. En mai 2007 le Président Sarkozy rendit visite à son homologue Allemand pour discuter de cette question.
Mais le 13 juin 2007, suite aux retards de livraison, l'action EADS chutait d'environ 30%, le groupe aéronautique perdant ainsi 6.66 milliards d'euros en une matinée ! Après de telles annonces et les mensonges des dirigeants, comment voulez-vous applaudir la commercialisation de l'A380 ?
Jamais un projet européen n'a connu autant de dissensions et de retard. Airbus croyait damer le pion à Boeing en sortant ce monstre volant (570 tonnes en charge, 73 m de longueur, 79.8 m d'envergure et 74 m de hauteur pour 840 passagers maximum) mais il en essuie aujourd'hui amèrement les plâtres face aux performances du B-787. Airbus a été obligé de vendre ses 129 premiers appareils (sur plus de 500 prévus) avec un escompte de 40% sur le prix catalogue ! Même à prix promotionnel, les compagnies aériennes ne se pressent pas au portique. Le constat est clair : l'A380 est un échec européen.
En raison de ce retard de livraison et de problèmes administratifs liés à la taille de l'appareil, plus de la moitié des clients potentiels se sont tournés vers la concurrence et ont acheté des Boeing. Il n'en fallait pas plus que le géant américain s'étende sans se faire prier sur la déconfiture de son concurrent européen.
Selon Boeing, l'A380 est un échec commercial car ses patrons ont vu bien trop grand et n'ont pas adopté la bonne stratégie : contrairement à ce qu'affirme le porte-parole d'Airbus, ce quadri-réacteur n'est tout d'abord pas accrédité pour atterrir sur tous les grands aéroports, notamment à Atlanta qui doit réaménager son site pour le recevoir. En effet, aujourd'hui un avion ne doit pas dépasser les "80" : 80 m de longueur, 80 m d'envergure et 80 pieds, soit 24 m de hauteur s'il ne veut pas entraîner une modification des infrastructures aéroportuaires, notamment des "taxiways" et des zones d'embarquement. Le coût pour Atlanta a été estimé à 4.6 milliards d'euros !
Enfin, selon Boeing le marché n'est pas prêt à utiliser des avions capables de transporter de 500 à 800 passagers. Avec une capacité de 555 passagers en configuration trois classes et jusqu'à 850 en version "charter", l'A380 est contraint de voler sur de grands axes et sur des lignes nécessitant des correspondances au départ comme à l'arrivée. Quand on sait combien les passagers sont vite lassés d'un vol en avion, exiger de leur part qu'ils prennent deux avions et perdent encore quelques heures alors qu'ils pourraient effectuer le même vol sans escale et plus rapidement, on comprend qu'ils aient envie d'aller voir ailleurs... Le vent ne semble pas favorable à ce grand oiseau. Mais les Eurocrates comme les managers du groupe EADS, soi-disant si compétents en leur matière et se ventant d'utiliser les derniers logiciels de simulation et les derniers chiffres de la concurrence, ne pouvaient-ils pas le prévoir ?
3. L'avenir incertain du programme GALILEOAvec l'ESA, l'Europe a également des compétences en astronautique à faire pâlir la NASA, du moins jusqu'à présent. Ainsi que nous l'avons expliqué à propos du système GPS, le programme GALILEO est en passe de connaître le même problème qu'Airbus, sinon pire !
La Commission européenne et l'ESA ont imaginé un système à la fois concurrent et complémentaire du GPS sans se rendre compte qu'il fallait y investir beaucoup d'argent pour qu'il soit rapidement opérationnel et le rendre accessible au plus grand nombre s'ils souhaitaient le rentabiliser.
Le programme GALILEO est en retard sur les prévisions pour la simple raison que le contrat de cession des activités de la Commission européenne et de l'ESA aux concessionnaires (EADS, Inmarsat, Thales, Alcatel, Hispasat, Aena, Finmeccanica et Teleop) n'est toujours pas signé ! Or sans ce contrat il est impossible de déployer le réseau en orbite. On estime que la signature de ce contrat va durer 18 mois (jusqu'en 2008) car tous les concessionnaires n'ont pas le même point de vue sur le partage du travail et des responsabilités ! Une fois de plus les industriels européens se démarquent par leur... indépendance !
Si l'Europe ne réagit pas GALILEO va peut-être sonner le glas de la gestion paneuropéenne. En effet, le système GALILEO ne comporte à ce jour qu'un seul satellite et on estime qu'il faudra investir près de 5 milliards d'euros pour qu'il soit opérationnel en 2012 (mais probablement plus tard). Or apprenant que les services de GALILEO seront facturés aux utilisateurs, les concessionnaires sont déjà moins disposés à investir beaucoup d'argent dans ce projet. Qu'à cela ne tienne, la Commission européenne envisage maintenant de faire appel à l'actionnariat privé qui devrait permettre d'alimenter le projet à concurrence de 90% du budget.
Est-ce un bon investissement ? Selon les calculs de PriceWaterhouseCooper le rapport Bénéfices/Coûts serait de 4.6, supérieur à celui de n'importe quel autre projet européen et offrirait du travail à 150000 personnes. Le marché de services et d'équipement qui en découlera est estimé à environ 9 milliards d'euros par an. De fait, si ce programme se concrétise et tient ses promesses il peut booster l'économie européenne pendant 20 ans, mais à ce jour cela reste un voeux pieux.
Mais le 13 juin 2007, suite aux retards de livraison, l'action EADS chutait d'environ 30%, le groupe aéronautique perdant ainsi 6.66 milliards d'euros en une matinée ! Après de telles annonces et les mensonges des dirigeants, comment voulez-vous applaudir la commercialisation de l'A380 ?
Jamais un projet européen n'a connu autant de dissensions et de retard. Airbus croyait damer le pion à Boeing en sortant ce monstre volant (570 tonnes en charge, 73 m de longueur, 79.8 m d'envergure et 74 m de hauteur pour 840 passagers maximum) mais il en essuie aujourd'hui amèrement les plâtres face aux performances du B-787. Airbus a été obligé de vendre ses 129 premiers appareils (sur plus de 500 prévus) avec un escompte de 40% sur le prix catalogue ! Même à prix promotionnel, les compagnies aériennes ne se pressent pas au portique. Le constat est clair : l'A380 est un échec européen.
En raison de ce retard de livraison et de problèmes administratifs liés à la taille de l'appareil, plus de la moitié des clients potentiels se sont tournés vers la concurrence et ont acheté des Boeing. Il n'en fallait pas plus que le géant américain s'étende sans se faire prier sur la déconfiture de son concurrent européen.
Selon Boeing, l'A380 est un échec commercial car ses patrons ont vu bien trop grand et n'ont pas adopté la bonne stratégie : contrairement à ce qu'affirme le porte-parole d'Airbus, ce quadri-réacteur n'est tout d'abord pas accrédité pour atterrir sur tous les grands aéroports, notamment à Atlanta qui doit réaménager son site pour le recevoir. En effet, aujourd'hui un avion ne doit pas dépasser les "80" : 80 m de longueur, 80 m d'envergure et 80 pieds, soit 24 m de hauteur s'il ne veut pas entraîner une modification des infrastructures aéroportuaires, notamment des "taxiways" et des zones d'embarquement. Le coût pour Atlanta a été estimé à 4.6 milliards d'euros !
Enfin, selon Boeing le marché n'est pas prêt à utiliser des avions capables de transporter de 500 à 800 passagers. Avec une capacité de 555 passagers en configuration trois classes et jusqu'à 850 en version "charter", l'A380 est contraint de voler sur de grands axes et sur des lignes nécessitant des correspondances au départ comme à l'arrivée. Quand on sait combien les passagers sont vite lassés d'un vol en avion, exiger de leur part qu'ils prennent deux avions et perdent encore quelques heures alors qu'ils pourraient effectuer le même vol sans escale et plus rapidement, on comprend qu'ils aient envie d'aller voir ailleurs... Le vent ne semble pas favorable à ce grand oiseau. Mais les Eurocrates comme les managers du groupe EADS, soi-disant si compétents en leur matière et se ventant d'utiliser les derniers logiciels de simulation et les derniers chiffres de la concurrence, ne pouvaient-ils pas le prévoir ?
3. L'avenir incertain du programme GALILEOAvec l'ESA, l'Europe a également des compétences en astronautique à faire pâlir la NASA, du moins jusqu'à présent. Ainsi que nous l'avons expliqué à propos du système GPS, le programme GALILEO est en passe de connaître le même problème qu'Airbus, sinon pire !
La Commission européenne et l'ESA ont imaginé un système à la fois concurrent et complémentaire du GPS sans se rendre compte qu'il fallait y investir beaucoup d'argent pour qu'il soit rapidement opérationnel et le rendre accessible au plus grand nombre s'ils souhaitaient le rentabiliser.
Le programme GALILEO est en retard sur les prévisions pour la simple raison que le contrat de cession des activités de la Commission européenne et de l'ESA aux concessionnaires (EADS, Inmarsat, Thales, Alcatel, Hispasat, Aena, Finmeccanica et Teleop) n'est toujours pas signé ! Or sans ce contrat il est impossible de déployer le réseau en orbite. On estime que la signature de ce contrat va durer 18 mois (jusqu'en 2008) car tous les concessionnaires n'ont pas le même point de vue sur le partage du travail et des responsabilités ! Une fois de plus les industriels européens se démarquent par leur... indépendance !
Si l'Europe ne réagit pas GALILEO va peut-être sonner le glas de la gestion paneuropéenne. En effet, le système GALILEO ne comporte à ce jour qu'un seul satellite et on estime qu'il faudra investir près de 5 milliards d'euros pour qu'il soit opérationnel en 2012 (mais probablement plus tard). Or apprenant que les services de GALILEO seront facturés aux utilisateurs, les concessionnaires sont déjà moins disposés à investir beaucoup d'argent dans ce projet. Qu'à cela ne tienne, la Commission européenne envisage maintenant de faire appel à l'actionnariat privé qui devrait permettre d'alimenter le projet à concurrence de 90% du budget.
Est-ce un bon investissement ? Selon les calculs de PriceWaterhouseCooper le rapport Bénéfices/Coûts serait de 4.6, supérieur à celui de n'importe quel autre projet européen et offrirait du travail à 150000 personnes. Le marché de services et d'équipement qui en découlera est estimé à environ 9 milliards d'euros par an. De fait, si ce programme se concrétise et tient ses promesses il peut booster l'économie européenne pendant 20 ans, mais à ce jour cela reste un voeux pieux.
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