jeudi 19 juillet 2007

Dopage : les champions rient jaune

Ce 19 juillet, le coureur cycliste allemand Patrik Sinkewitz (T-Mobile) a été contrôlé positif à la testostérone sur le Tour de France. 9eme étape du Tour de France 2007 (Val-d’Isère/Briançon). Durant le Tour, plusieurs concurrents sont chaque fois contrôlés positifs, y compris certains maillots jaunes. Document Letour.fr.
N'importe quel quidam pourra invoquer le fait qu'il est "normal" qu'un homme ait de la testostérone puisqu'il s'agit d'une hormone masculine naturelle, en fait le premier stéroïde anabolisant. Malheureusement, tout médecin sportif sait également qu'un apport externe de testostérone augmente la masse musculaire, diminue la masse graisseuse et stimule le cerveau. Elle est donc interdite dans les compétitions.
Sachant cela, T-Mobile a suspendu Patrik Sinkewitz jusqu'à nouvel ordre. Son avocat a toutefois demandé une contre-expertise car il a mis en doute le protocole de contrôle antidopage.
Suite à cette annonce, les chaînes publiques de télévision allemandes ARD et ZDF ont décidé de mettre un terme à leur retransmission des étapes du Tour de France. Un équipe réduite restera néanmoins sur place. De grands sponsors comme Adidas ont également décidé de ne plus supporter l'équipe T-Mobile.
Le même jour, on apprenait la suspension du Danois Michael Rasmussen, le porteur du Maillot jaune, par la Fédération danoise de cyclisme. Rasmussen a été sanctionné pour ne pas avoir communiqué son emploi du temps durant son programme d'entraînement et avoir ainsi échappé à deux contrôles antidopage inopinés. L'affaire est en cours.
Ces deux événements viennent s'ajouter à une longue série de flagrants délits de dopage survenus sur le Tour et dans d'autres compétitions. Quel crédit peut-on encore donner à ce sport, comme à d'autres, quand ses principaux concurrents se dopent pour remporter des victoires ?
Plus d'un siècle de dopage
Cela fait plus d'un siècle que les sportifs sont victimes du dopage et certains en sont morts, une raison suffisante pour combattre ce fléau. Cela a commencé en 1896 avec le cycliste gallois Arthur Linton qui est mort deux semaines après avoir remporté Bordeaux-Paris suite à une surconsommation de strychnine, un poison (Cf les romans policiers) qui est un stimulant à très faible dose. Dans les années 1920, des dizaines sinon plus de cyclistes ont profité du "pot belge" qui contenait un mélange d'amphétamines, d'antalgiques, d'héroïne, de cocaïne, etc.
Les victimes du dopage
La prise de conscience des risques associés au dopage ne viendra qu'après l'accident mortel du cycliste Tom Simpson le 13 juillet 1967 sur le Tour de France. Taylor Houton s'est dopé et en est mort à 17 ans. Document UNESCO/D.Houton.On découvrit qu'il avait abusé des amphétamines, un stimulant pour le cerveau et un coupe-faim. C'est alors seulement que les fédérations sportives, l'Organisation du Tour de France (ASO) ainsi que le Comité International Olympique (CIO) mirent en place les premiers contrôles antidopage. Mais cela n'a pas suffit car l'hécatombe continua et dans de nombreuses disciplines sportives. Voyez plutôt cette liste nécrologique.
Le joueur de baseball Taylor Houton est mort à 17 ans d'une surconsommation de stéroïdes anabolisants. Le cycliste Marco Pantani est mort à 36 ans d'une overdose de cocaïne. La sprinteuse Florence Joyner est morte à 38 ans d'une crise cardiaque. Le lanceur de poids Ralf Reichenback est mort à 47 ans pour avoir abusé des anabolisants et la joueuse de volley-ball Geneviève Labrie est morte par overdose de stéroïdes. Le problème est donc grave et impose des mesures et des sanctions aussi sévères.
Les champions dopés
Parmi les champions récents qui se sont dopés, citons en 1988, le sprinter Ben Johnson qui fut contrôlé positif aux anabolisants après sa victoire aux 100 mètres lors des Jeux Olympique de Séoul. Il sera radié à vie en 1993. En 1991, le footballeur Diego Maradona fut contrôlé positif à la cocaïne et à l'éphédrine en 1994 et à nouveau à la cocaïne en 1997. Il devra suivre une cure de désintoxication. En 1997, les tennismen Mats Wilander et Karel Novacek ont été suspendus trois mois pour usage de cocaïne. En 2003, on apprit que l'athlète Carl Lewis, comme des centaines d'autres sportifs américains, fut contrôlé positif entre les années 1983 et 1996, mais le Comité Olympique Américain de Contrôle Antidopage a couvert les joueurs. En 2005, on découvrit que le cycliste Lance Armstrong s'était dopé à l'EPO en 1999. Mike Anderson, son assistant personnel, aurait également découvert des boîtes de stéroïdes à son domicile espagnol en 2005, raison pour laquelle il aurait été licencié sans ménagement, etc.
Tous ces incidents ternissent l'image du sport et des fédérations, agacent les journalistes comme le public et finissent par convaincre les sponsors de mettre leur argent dans des causes plus saines.
Prévenir le dopage
L'athlète Carl Lewis s'est dopé dans les années 1980 et 1990.Ainsi que le rappelle le portail de la lutte contre le dopage, tant les joueurs que les médecins doivent être responsables. L'un comme l'autre doivent savoir si les substances qu'ils utilisent sont reprises sur la liste des produits que la législation interdit pour la pratique du sport ou si elles sont autorisées à des fins thérapeutiques.
Si on compend encore qu'un médicament pour combattre l'asthme ou l'hypertension soit autorisé (mais certains sont illicites), il faut être naïf pour imaginer qu'une fédération sportive accepte les stéroïdes anabolisants ou certains stimulants qui, en outre, produisent des effets secondaires indésirables et peuvent même tuer leur consommateur, ainsi que nous l'avons expliqué.
S'il fut un temps où on pouvait encore manipuler les échantillons faisant l'objet d'un contrôle antidopage, aujourd'hui il existe des méthodes plus subtiles que le changement d'éprouvette ou les médicaments et presque indétectables pour se doper, notamment le dopage par voie sanguine pour améliorer le transfert d'oxygène (l'exemple de l'EPO) et le dopage génétique, mais il est rare.
Un dérapage annoncé
Si la prévention et la sensibilisation des sportifs aux risques du dopage se sont grandement améliorés ces dernières années, ces actions sont toujours insuffisantes si on en juge par le nombre de sportifs écartés chaque année des compétitions après un contrôle positif.
Ben Johnson consacré champion olympique aux JO de Séoul en 1988. Contrôlé positif au stéroïde annabolisant Stanozolol, il sera radié à vie des compétitions en 1993. Document Getty images.Sans parler de la préparation aux Jeux Olympiques, où il ne faut se leurrer, beaucoup de participants sont dopés, rien que sur le Tour de France qui nous touche de près, en moyenne, depuis 1978, chaque année 49 coureurs sont contrôlés positifs ! Combien y en aura-t-il encore cette année ? Les organisateurs nous ont promis "un Tour 100% propre"... Connaissant la difficulté de cette course où les coureurs ne pédalent pas à du 24 km/h comme au début du siècle, il paraît impossible d'atteindre cet objectif. C'est bien simple, à mi-course, on comptait déjà au moins 3 cas de dopage suspect ou avéré !
Que conclure devant un constat aussi navrant ? Dans l'état actuel des choses, le Tour ne mérite plus l'attention qu'on lui porte ! Si ça continue, le Tour de France va déraper pour de bon et les télévisions retransmettront des compétitions plus saines !
Pour une éthique du sport
Un sportif doit-il gagner à tout prix ? Certainement pas. Comment s'en sortir ? D'abord en changeant les mentalités des fédérations, des organisations et du CIO, en évitant de pousser les athlètes à bout, au-delà de leurs ressources naturelles, bref, en arrêtant de courir après les records ! Bien sûr, le dopage aura toujours une longueur d'avance sur les contrôles antidopage, mais si on change les règles, le dopage n'aura plus de raison d'être, au bénéfice du véritable sport. Du moins, on peut l'espérer.
Durcir la législation
Pour aller dans ce sens et lutter plus efficacement contre le dopage, pratiquement chaque année les autorités sont contraintes de publier un nouveau décret ou une nouvelle loi concernant les substances interdites ou le code du sport.
Le but de ces réglementations est toujours le même : ce n'est pas pour faire le gendarme que ces lois sont édictées, mais pour lutter contre le dopage et protéger la santé des sportifs.
En effet, quand on connaît les effets de certaines substances dopantes sur l'organisme comme l'EPO qui peut provoquer un arrêt cardiaque durant le sommeil, ou leurs contre-effets ultérieurs lorsque la substance a perdu son activité, il est évident qu'il faut protéger les sportifs contre eux-mêmes et leur envie de s'améliorer artificiellement. Les performances sportives ne valent jamais le prix d'une vie.Le footballeur Diego Maradona s'est dopé en 1994 et 1997.
Quand on voit les résultats étonnants de certains sportifs de petits gabarits comme Michael Rasmussen et d'autres durant les compétitions, il paraît évident qu'ils sont dopés, encore faut-il le démontrer.
Car non seulement les sportifs ont une vie privée durant laquelle ils ne sont pas contrôlés, mais ils peuvent s'administrer des substances masquantes comme la Ventoline (base de salbutamol), qui masque les amphétamines.
Un sportif qui se croit malin dira au contrôle antidopage qu'il s'en sert pour soigner ses crises d'asthme ou pour réduire ses palpitations cardiaques dans le cas d'une hyperkaliémie. Malheureusement, les médecins ne sont pas dupes, et si le sportif n'est pas sujet à ces maladies, un examen clinique permettra rapidement de savoir qu'il s'est dopé.
Bien sûr ce n'est pas parce que certains sportifs se dopent qu'ils trichent tous ! Et heureusement, globalement, de moins en moins de sportifs sont contrôlés positifs mais il y en a toujours trop. Le fait qu'ils savent aujourd'hui que la sanction peut les éloigner à vie de leur passion et de leur métier, devrait les faire changer d'attitude. Espérons que les sportifs comprennent un jour que ces contrôles sont réalisés pour leur bien.
Dopage privé, attention danger
Quant à l'usage privé de ces substances dopantes, les douanes surveillent les colis mais beaucoup de substances sont expédiées depuis la Chine notamment, sous le label de "cosmetic product" ou produit de beauté et passent facilement les contrôles. Seul l'EPO et quelques stéroïdes sont repérés et confisqués. Il y a encore beaucoup de travail à faire pour contrôler ces substances très dangereuses pour la santé. En deux mots, évitez d'en consommer sans un suivi médical strict. Un homme averti en vaut deux.

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