lundi 20 août 2007

Attention au manque de crédibilité d'Internet

Si la crédibilité des informations publiées sur les blogs est en hausse, occupant la troisième position en terme de confiance, derrière le site Internet traditionnel et les articles de journaux, paradoxalement, le nombre d'articles farfelus et pseudoscientifiques augmente également, ce qui ne renforce pas le sens critique des internautes. Comment expliquer cet anachronisme ?Document T.Lombry.
Le manque de sens critique
En fait beaucoup d'internautes n'ont plus suffisamment l'esprit critique alors que d'autres cherchent à polémiquer ou à désinformer pour défendre une cause ou par simple plaisir de nuire. Par réaction, ce phénomène laisse la porte ouverte à tous les abus.
Si chacun l'entend évidemment comme il veut, cette passivité des internautes alliée à la mode des blogs conduisent à la prolifération d'articles pseudoscientifiques, xénophobes ou d'informations qui ne sont jamais validées ni remises en question. On en retrouve les traces sur toute la toile, dans les sites comme dans les forums, y compris sur Wikipédia qui s'est donné en septembre 2007 un objectif qualité.
Deux phénomènes s'allient ici contre l'internaute. D'une part beaucoup d'internautes ont lâché le train du progrès, dépassés par les événements, désintéressés ou déçus par la société. De ce fait, ils n'ont pas la culture et le sens critique nécessaires pour analyser correctement les informations qu'ils recoivent. C'est le cas de certaines personnes qui "croient" en la science comme en Dieu sans critiquer les fondements de la théorie, ou de celles qui continuent par exemple d'accorder leur confiance à un ministre soupçonné de détournement d'argent du seul fait de son titre : "mais c'est un ministre, vous savez..." Cela en dit long sur leur jugement !
D'autres vont accepter une explication du seul fait qu'elle émane d'un professionnel ou d'un homme politique, son diplôme lui garantissant une confiance aveugle d'une certaine partie de la population. Or nous savons de tristes expériences que les erreurs, la supercherie, le mensonge et les abus existent à tous les niveaux de pouvoir.
Enfin, certains croient simplement ce qu'ils lisent ou entendent parce que l'information a été diffusée sur un site réputé, par un grand quotidien ou à la télévision, sans même s'interroger sur son exactitude. Il est donc impératif de contrôler l'information et de s'interroger sur sa vraisemblance.
Critique d'Internet. D'autre part, les internautes qui suivent l'actualité et l'évolution de la société ne sont pas omniscients et bien peu sont des génies. La plupart des rédacteurs ont une connaissance superficielle, parfois biaisée par leur culture, et rarement académique des sujets qu'ils traitent.
C'est bien simple, le rédacteur idéal devrait avoir suivi un cursus universitaire de plus de 25 ans sans connaître d'échec pour prétendre connaître un peu les sujets scientifiques, politiques ou socio-économiques qu'il traite. Il devrait ensuite rester au courant de l'actualité, un boulot qui ne se suffirait pas des 24 heures de la journée. Seul inconvénient, ce genre de personnage travaille sur des projets plus valorisants que la rédaction d'articles !
A défaut d'avoir ces connaissances, le rédacteur doit disposer d'autres atouts, comme une bonne maîtrise de la langue, une bonne plume, une culture générale étendue, une curiosité exacerbée, une méthode de travail, respecter un code de déontologie et des procédures d'auto-contrôle, autant de critères qui peuvent l'aider à rédiger son article sans commettre d'erreur. Et c'est ici que faute d'encadrement et de discipline, certains rédacteurs se fourvoient lamentablement dans un discours pseudoscientifique.
Deux cas sont révélateurs : la transcription des dépêches et les sites de vulgarisation scientifique.
La transcription des dépêches
Bien involontairement, les journalistes participent à ce jeu quand ils publient des dépêches brutes, sans commentaire ni possibilité d'y répondre, laissant l'internaute juger seul de sa crédibilité. Or ce dernier dispose rarement des compétences pour en juger et ignore totalement qui est à l'origine de l'information. Comme le texte de la Bible, s'il n'exerce pas son sens critique, il va donc en conclure que l'information est exacte. Toutefois, on ne peut faire confiance aveuglément à l'information publiée sur Internet car, mis à part certaines sources officielles fiables (notamment les instituts de recherches et certaines institutions publiques et agences de presse mais certainement pas toutes), rien n'oblige l'auteur d'un site Internet ou d'un blog à respecter un code de déontologie, à faire son auto-critique ou à dire la vérité, rendant les articles de certains d'entre eux peu crédibles.
Beaucoup d'amateurs par exemple reprennent des informations pêchées ci et là et ne prennent même pas la peine de recouper l'information, de remonter jusqu'à sa source pour s'assurer de la traduction ou de la validité de la théorie par exemple avant de la publier.
C'est encore trop souvent le cas chez les rédacteurs travaillant pour des sites d'actualités en ligne qui publient les dépêches des agences de presse sans faire preuve d'aucune initiative. Beaucoup de rédacteurs ne connaissant pas leur sujet, assument que les contrôles ont déjà été effectués en amont, notamment par l'agence de presse, et de ce fait cautionnent l'information a priori, sans autre forme de procès. Malheureusement, on se s'invente pas reporter, critique politique ou journaliste scientifique.
Chacun sait ou devrait également savoir que certaines agences de presse (TASS, Le Quotidien du Peuple, etc) et les sites de certains activistes publient autant de propagande que d'information, quand il ne s'agit pas de désinformation pour le simple plaisir d'entretenir la polémique.
Quand la rédactrice d'un webzine francophone d'actualité vous répond "je ne veux pas polémiquer" et ne publie aucune correction quand vous lui soumettez une erreur, cela en dit long sur la déontologie et le sens critique de cette pseudo-journaliste !
Encore moins de rédacteurs cherchent à contacter les auteurs des articles pour éclaircir un détail ou se documentent pour obtenir des informations complémentaires sur les termes techniques. De ce fait, très peu de rédacteurs font preuve d'initiative, la plupart recopient la même dépêche sans faire preuve d'imagination, y compris les éventuelles erreurs de traduction ou scientifiques, jusqu'à ce qu'un bon Samaritain se décide à dénoncer l'erreur sur un forum ou à la rédaction du site concerné.
Ainsi en août 2007, plusieurs sites amateur ont repris la dépêche d'une agence de presse en écrivant à propos du fonctionnement d'un nouveau baladeur inventé par Sony, "grâce à un catalyseur, les enzymes du sucre...", mais le sucre ne contient pas d'enzyme, l'enzyme est le catalyseur ! Bref, ces rédacteurs ont déformé l'information originale parce qu'ils n'avaient aucune connaissance en chimie. Or ces amateurs prétendaient informer les gens ! En attendant la rumeur s'est propagée.
En revanche, il arrive qu'un rédacteur utilise une expression courante ou à la mode même si elle est scientifiquement ou technologiquement fausse. Il n'y a pas faute si d'une part le public reconnaît une expression à la mode (que l'auteur place parfois entre guillemets) et si d'autre part l'article rétablit la vérité. C'est toutefois une figure de style à éviter car certains lecteurs ne lisent que les titres.
En fait, tout indique que beaucoup de rédacteurs ne comprennent même pas ce qu'ils écrivent, recopiant bêtement des mots et des phrases sans en comprendre le sens ! D'où la prolifération de théories et d'interprétations farfelues ainsi que d'erreurs scientifiques flagrantes sur beaucoup de sites Internet et de blogs de vulgarisation scientifique.
En principe, aucune phrase ne devrait être écrite sans que le rédacteur n'excerce son sens critique et ne s'interroge notamment sur l'exactitude de chaque mot qu'il utilise et de son interprétation éventuelle par le lecteur.
Articles pseudoscientifiques
Prenons par exemple un site comme "Scientists of America" dont un journaliste belge a révélé le contenu douteux ce 20 août dans les pages des quotidiens belges du groupe "Vers l'Avenir", citant notamment la critique faite sur ce blog. Rien que le nom du site inspire confiance, n'est-ce pas. Mais détrompez-vous ! L'air ne fait pas la chanson... Sous des abords sérieux se cache une parodie de vulgarisation scientifique !Le site Scientists of America mis en ligne en juin 2007, où comment des pseudoscientifiques se payent la tête de la science à coup de statistiques et de corrélations bidons.
Ce site créé par le français Jean-Noël Lafargue et mis en ligne en juin 2007 rassemble tous les critères pseudoscientifiques : confusion des genres, sens critique émoussé, références bidons, supercherie, etc.
On y lit par exemple "La pratique du sport participe au réchauffement global", "En Bretagne il ne pleut que sur les Parisiens" ou encore "Le taux de réussite aux examens est proportionel à l'intérêt du tournoi de Roland-Garros".
Moyennant 5 €, les auteurs de ce site pseudoscientifique vous "pondent" une théorie tout à fait farfelue sur n'importe quel sujet, auxquelles certains lecteurs peu critiques accorderont toute leur confiance.
En effet, pour crédibiliser leurs supercheries, les auteurs truffent leurs études de termes scientifiques, d'intervention de chercheurs d'universités, de statistiques, de corrélations bidons et d'indices qui apparaissent normalement dans les travaux plus sérieux, histoire de brouiller les pistes et se donner des airs de scientifiques !
D'autres noient le lecteur dans un discours dense et compliqué sans démontrer quoi que ce soit ni apporter la moindre preuve de leur théorie.
Par ailleurs, rien n'est plus facile que de faire de la pseudoscience. Comme l'astrologue, le pseudoscientifique n'est compétent en rien si ce n'est pour exploiter la naïveté des autres. Son discours n'est jamais pris en défaut car non seulement il va jouer sur le sens des mots mais tout dépend de l'interprétation des résultats. Ainsi, même avec 30% seulement de résultats positifs, il peut encore avoir raison : 10% des résultats ne sont pas exploitables, 30% sont négatifs et les 30% restants sont indéterminés. Voilà comment procède la pseudoscience !
M.Lafargue a créé ce site prétextant la mauvaise qualité de la vulgarisation scientifique dans les médias. "Quand une étude très pointue établit que, peut-être, dans quelques cas, certains cancers sont favorisés ou non par tel aliment, un magazine grand public titre "La tomate évite le cancer"", explique-t-il au quotidien Libération.
D'abord sur quels sites M.Lafargue fonde-t-il son jugement et sont-ils représentatifs d'Internet ou de la blogosphère ? Il ne le précise pas. Mais est-ce une raison pour accentuer la désinformation et décrédibiliser la Science ? M.Lafargue aurait oeuvré de manière plus intelligente et utile en choisissant plutôt de sensibiliser les internautes à l'oeuvre de la Science, comme le fait par exemple admirablement bien un portail comme "Futura-Sciences".
Comme le disait déjà un Marbod de Rennes au XVIIeme siècle, la "pseudoscience [est] aussi fragile que dangereuse" et M.Lafargue renforce son oeuvre à travers de tels sites qui se paient la tête de la Science.
Bien sûr pour faire de la vulgarisation scientifique, il faut déjà disposer soi-même d'une certaine culture scientifique et d'un esprit très critique, deux qualités fondamentales qui semblent échapper à M.Lafargue. Sinon rien n'explique qu'un esprit soi-disant scientifique perde son temps à faire de la pseudoscience. L'autre raison est peut être d'ordre personnel, M.Lafargue ayant éventuellement un intérêt financier à publier ces articles bidons, mais rien ne le confirme.
La même situation se répète avec l'encyclopédie libre "Wikipédia", également administrée par Jean-Noël Lafargue, où un défaut de style est plus vite détecté qu'une erreur de fond ! D'où l'existence d'autres encyclopédies participatives de désinformation comme "Désencyclopédie" ou "Uncyclopedia" dans sa version anglo-saxonne.
Toute la "science" qui circule sur le web, même parée de diplômes, n'est donc pas toujours sérieuse, et Jean-Noël Lafargue le reconnaît, encore devrait-il vouloir y remédier, ce qui n'est pas cas actuellement.
Si les internautes ne comprennent pas ce qu'ils lisent et ne développent pas leur sens critique, les pseudosciences ont encore de beaux jours devant elles !
Ceci dit on peut seulement espérer que les sites Internet et les blogs rédigés par des professionnels de la communication ou des scientifiques sont plus près de la vérité que les sites amateurs, quoique cela ne soit pas une garantie.
Pour plus d'information, consultez également l'article Les yeux bleus dénoteraient un signe d'intelligence, où je critique une étude pseudoscience publiée récemment dans la presse, ainsi que l'article "Comment évaluer de manière critique les ressources issues de l'Internet ?" rédigé par la Commission du français et de l'Informatique de la FESeC.
Un extrait de cet article fut publié dans le quotidien belge "Vers l'Avenir" le 20 août 2007.

1 commentaire :

  1. Bonjour. Je suis l'affreux créateur du site "scientists of america". Vos critiques m'étonnent, de nombreux scientifiques m'ont félicité pour mon travail (et trois ont souhaité s'y associer) qui leur semblait tout à fait salutaire. Je pense pour ma part que la science n'a rien de sérieux si elle n'accepte pas d'être éprouvée, y compris par l'absurde. Les articles présents sur le site ne sont crédibles que si on ne les lit pas, et les ficelles du site (les articles peuvent être commandés) y sont clairement connues par le lecteur qui se donne la peine de lire un peu. Une précision sur Wikipédia : mes activités sur les deux sites entretiennent un rapport mais sont tout à fait opposées car je m'efforce de donner du sérieux à wikipédia, et à distraire le public de scientists of america. Mais c'est effectivement Wikipédia qui m'a appris que les gens croyaient plus à l'apparence de la vérité scientifique qu'aux faits eux-mêmes, de même que les gens croient plus facilement le Journal télévisé et son format rassurant qu'ils ne croient quelqu'un qui leur annonce une nouvelle difficile à croire, à moins que ce quelqu'un ne dise "je l'ai vu au JT". Enfin, pour ce qui est de l'argent, je vous rassure, sachez que Scientists of America n'est pas un site lucratif : le paiement des articles ne sert qu'à responsabiliser les commanditaires (le public ayant une sorte de mépris pour ce qu'il ne paie pas, je suppose qu'un psychologue l'expliquerait, je me contente de constater) et les publicités google ne servent qu'à donner au site un aspect institutionnel. Malgré un énorme succès dans la presse, S. of A. coûte plus qu'il ne rapporte. Enfin, toujours pour vous rassurer quand à la pureté de mes intentions, sachez que j'aime profondément la science et que je n'accepte pas n'importe quel sujet.

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