dimanche 17 juin 2007

Jacques Chirac va-t-il échapper au bras de la Justice ?

Depuis le 16 juin 2007 à minuit, soit aujourd'hui, Jacques Chirac a cessé de bénéficier de l’immunité attachée à son ancienne fonction de Président. Depuis 12 ans, Chirac est dans le collimateur de la Justice. Il est cité dans plusieurs affaires judiciaires instruites par des juges à Paris et à Nanterre qui souhaiteraient aujourd’hui l'entendre.
Les dossiers à charge
Jacques Chirac et Dominique de Villepin (alors Premier Ministre) en 2004.Il y a tout d'abord le dossier des emplois fictifs au RPR pour lequel Alain Juppé fut condamné en 2004. Ce dossier remonte à l'époque où Chirac était maire de Paris (1977-1995). Il demanda notamment la promotion d’une employée payée par la Mairie. Ce dossier comprend également l'affaire des faux électeurs du Ve arrondissement. Ensuite, il y a le dossier des chargés de missions de la Ville de Paris; des rémunérations frauduleuses ont été accordées à des cadres du RPR par la Ville de Paris et par des entreprises de BTP dans les années 1990. Ces trois affaires sont antérieures à sa prise de fonction en 1995. Mais ce n'est pas le cas de l'affaire Clearstream (2004) que Chirac qualifie de "dénonciation calomnieuse", qui se situe durant la période de son mandat présidentiel.
Une convocation discrète
Chirac est prêt en revanche à s'expliquer sur les dossiers "antérieurs à sa prise de fonction en 1995". Il sera défendu par Me Jean Veil.
Le quotidien “Aujourd'hui en France - Le Parisien” dénonce que le fait que Chirac a été convoqué "discrètement" par le juge chargé de l'affaire des emplois fictifs du RPR. Selon le quotidien, Chirac n’a pas reçu de convocation écrite au Tribunal de Nanterre (Hauts-de-Seine) mais a simplement négocié une réunion par téléphone. L’entretien aura lieu loin du Palais de justice. La date et le lieu de la convocation ont été fixés mais restent secrets "pour préserver la confidentialité". Les chances que Chirac passe de témoin assisté à mis en examen sont plutôt faibles.
Concernant l’affaire Clearstream, selon Europe 1, plusieurs coups de téléphone auraient été échangés en juin 2007 entre des membres de l'entourage de Jacques Chirac et les juges d'Huy et Pons qui auraient souhaité entendre l'ancien Président dans les derniers jours de juillet. Bien que les magistrats aient fixés plusieurs dates de convocation, Chirac n'accepterait aucun calendrier, pas plus qu'il n'accepterait de répondre à leurs questions dans ce dossier pour des raisons purement légales que nous allons décrire.
L'interprétation des textes
L'affaire Clearstream est beaucoup plus confuse et complexe car son principal corbeau, le général Rondot, ne cesse de se contredire. Dans tous les cas, Jacques Chirac fait pression sur la magistrature en rappellant qu'"aux termes de l'article 67 alinéa 1er de la Constitution de 1958, le Président de la République n'est pas responsable des actes accomplis en cette qualité" et cite également l'article 16 de la "Déclaration des Droits de l'Homme et du citoyen" (traitant de la séparation des pouvoirs) du... 26 août 1789 !
Ces dispositions "excluent qu'un ancien chef de l'Etat puisse être contraint à fournir un témoignage sur des faits accomplis ou connus durant son mandat et dans l'exercice de ses fonctions". Cette position de principe, déjà soutenue par le Président Mitterrand, n'autoriserait pas l'ancien Président Chirac à répondre favorablement à la démarche des juges Jean-Marie d'Huy et Henri Pons, et bien sûr Chirac use de ce droit.
Sur le plan légal, plusieurs constitutionnalistes avaient déjà estimé qu'une convocation de Chirac dans cette affaire était improbable du fait de son statut de chef d'Etat à l’époque des faits.
Mais l'affaire est peut-être plus subtile que ne le pense Chirac. En effet, les avocats de Clearstream interprètent différemment ce texte de loi. Est-ce en tant que Président de la République qu'il ne veut pas entrer dans cette affaire ou du fait qu'il y a des intérêts partisans, politiques ou personnels... ? Bien conscient des enjeux, Jacques Chirac présentait ces derniers jours son visage le plus sombre face à la presse. Mais il avait a priori quelques motifs d'inquiétude en voyant la tournure des événements.
L'affaire Clearstream
En 2004, des listings comptables de la chambre de compensation de l'institution financière luxembourgeoise Clearstream sont envoyés anonymement au juge Renaud van Ruymbeke. Ils reprennent les noms de dizaines de personnalités industrielles et politiques, dont celui de Nicolas Sarkozy, alors ministre de l'Intérieur, qui se portera partie civile en janvier 2006.
Le Journal du Dimanche du 14 mai 2006.
C'est le témoignage du général Philippe Rondot en mars 2006, publié ensuite dans "Le Monde", qui portera le scandale sur la place publique.
Le général Rondot était officier du Renseignement, conseiller de madame Michèle Alliot-Marie, ministre de la Défense (2002-2007), et aurait enquêté à la demande de Dominique de Villepin sur les fameux listings. Rondot avait cité le nom du Président Jacques Chirac comme celui qui aurait donné des "instructions" à Dominique de Villepin, alors ministre des affaires étrangères (2002-2004), sur les vérifications à effectuer sur les listings comptables.
Au cours de sa première audition du 28 mars 2006, Rondot avoua que ces documents comportaient des noms de personnalités du gouvernement ainsi que des magistrats.
Le général Rondot dénonçait également le fait que l’ancien Président Chirac aurait eu un compte au Japon. Une mention manuscrite "affaire japonaise" aurait été trouvée sur une petite fiche de 2003 du général, à côté du nom de Gilbert Flam, un magistrat qui était détaché à la DGSE et aurait enquêté sur le fameux compte japonais deux ans plus tôt. A l'époque, Jacques Chirac soupçonnait un coup-monté de la DGSE pour le compte du Parti Socialiste.
Rondot indiquait également que Dominique de Villepin n’avait pas jugé bon d’arrêter les enquêtes en cours après qu’il lui eut fait part de son sentiment que les listings était un "montage", car Jean-Louis Gergorin, le vice-président du groupe aéronautique EADS, l’aurait persuadé que c’était Sarkozy qui avait transmis les listings falsifiés.
Audition du général Rondot le 22 mai 2006 sous la contrainte. Convoqué une seconde fois devant les juges d’Huy et Pons le 22 mai 2006, Rondot s'y refusa et dût être conduit de force dans leurs bureaux après réquisition du Parquet. Interrogé, Rondot se borna à réclamer le statut de "témoin assisté".
Par la suite Rondot démentit avoir reçu l’ordre d’enquêter sur "Nicolas Sarkozy ou les autres hommes politiques mentionnés sur les listings". Il nia également avoir impliqué de Villepin et blanchit Gergorin.
Depuis les devoirs d’enquêtes menés par la Justice, il s’est avéré que ces documents étaint faux et le "Président Nicolas Sarkozy dément catégoriquement avoir demandé la moindre enquête visant des personnalités politiques dont le nom a pu être mentionné", indique le communiqué publié par le Gouvernement en juin 2007.
Une audition sans précédent
Chirac devrait être convoqué comme témoin assisté le 19 juillet 2007 par le juge Alain Philibeaux du tribunal de grande instance de Nanterre. Cette convocation n'empêche pas une procédure de mise en examen ultérieure, qui entraînerait un procès en correctionnelle. Cette audition constituera un événement sans précédent dans l'histoire politique française.
La France viole les principes de la démocratie
Qui dit vrai qui dit faux, les juges en décideront. Est-ce que toutes ces affaires vont échapper à la Justice parce que monsieur Chirac se considère ou serait un priviliégié du régime ? C'est malheureusement fort à craindre. Si c'est avéré dans les semaines qui viennent, ceci démontrera une fois de plus que le chef d'Etat français se moque bien de respecter les lois ou plutôt les tire à son avantage quand il sent que sa liberté va lui échapper.
Même en politique, la France n'abrite pas que des citoyens au-dessus de tout soupçon. Décidemment la France devient de plus en plus la terre d'asile des despotes et autres profiteurs.
Tout cela est mauvais pour l'image de la démocratie qui prône certes le respect des libertés mais également celle de l'égalité des citoyens devant la Loi. Or dans ce cas d'espèce, les politiciens ont voté habilement des lois qui protègent leurs privilèges et les mettent à l'abri de toute poursuite judiciaire. Et après cela vous voulez me faire croire qu'il y a une justice et que nous sommes tous égaux... Mais si c'est ainsi que l'autorité suprême de la Nation montre l'exemple, il n'est pas étonnant que les escrocs courent les rues ! Mais ne vendons pas encore la peau de l'ours. Affaire à suivre comme l'on dit.
Pour plus d'information sur les textes fondamentaux de la Constitution française, consultez le site de l'Assemblée Nationale ou celui du Ministère de la Justice.

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire