samedi 25 août 2007

Découverte du possible cratère de la Tunguska

Il y a bientôt un siècle, le 30 juin 1908, un mystérieux objet explosa à 10 km au-dessus de la Sibérie orientale, à quelques centaines de kilomètres des villes d'Irkoutsk et de Tomsk, abattant 2000 km2 de forêts et créant un immense incendie dans la région de la Tunguska (Toungouska). Récemment, et pour la première fois, des chercheurs italiens auraient identifié l'éventuel cratère d'impact.Reconstruction du cratère du lac Cheko à partir des données topométriques et bathymétriques. Le niveau du lac a été abaissé de 40 mètres pour mettre en évidence la forme en entonnoir atypique de la formation. Document Gasperini et al., U.Bologne.
La formation a été découverte grâce à des moyens d'imagerie acoustique sous le lac Cheko, proche de la rivière Podkamennaya Tunguska (la Tunguska de pierre ou Tunguska supérieure), à 8 km de l' épicentre présumé.
"Lorsque notre expédition fut à Tunguska, nous n'avions aucun indice laissant supposer que le lac Cheko avait rempli un ancien cratère", a déclaré Luca Gasperini, géologue de l'Institut des Sciences Marines de l'Université de Bologne qui a conduit cette étude. "Nous recherchions au fond du lac des particules extraterrestres piégées dans la vase. Nous avons cartographié le bassin et prélevé des échantillons. Et lorsque nous avons analysé les données, nous ne pouvions pas croire ce qu'elles suggéraient. La forme en entonnoir du bassin et les échantillons des dépôts sédimentaires indiquent que le lac a comblé un cratère d'impact", explique Gasperini.
Un crash en douceur
Un cratère d’impact mesure théoriquement 24 fois la taille de la météorite qui lui donna naissance mais certains cratères peuvent atteindre une dimension supérieure à 30 fois le diamètre de la météorite.
La structure la plus simple, valable pour tous les cratères d'impact jusque 4 km de diamètre, est une dépression en forme de bol partiellement remplie de brèches entourée d'un rebord ou une zone d'éjecta composée de roches soulevées au moment de l'impact. Le rapport diamètre-profondeur est d'environ 5:1.
Le bassin du lac Cheko n'est pas circulaire, ni profond ni pentu comme un cratère d'impact typique. Celui-ci est allongé et peu profond, mesurant environ 500 mètres de long pour une profondeur maximale de 50 mètres seulement (10:1). Il ne présente pas non plus de zone d'éjecta comme on en trouve habituellement autour des cratères d'impacts, comme celui du "Meteor Crater" en Arizona.
Selon Gasperini et son équipe, la forme inhabituelle du bassin est le résultat d'un fragment éjecté par l'explosion de la Tunguska et qui s'enfonça dans le sol, laissant une dépression ressemblant à une longue tranchée. "Nous pensons qu'un fragment de 10 mètres de diamètre s'est séparé de l'objet au moment de l'explosion et conserva la même trajectoire. Il était relativement lent, se déplaçant à environ 1 km/s", explique Gasperini. Reconstruction 3D du lac Cheko à partir de données topographiques et de photos aériennes. Le catamaran est le bateau utilisé par les géologues italiens. Le cercle dans l'insert est une émission sous-marine de gaz. Document Gasperini et al., U.Bologne.
Le lac est situé le long de l'axe le plus probable de la trajectoire d'entrée de l'astre cosmique, explique l'auteur, l'objet ayant probablement fait un "crash en douceur" dans un terrain marécageux, typique de la taïga. "Il atterrit en douceur, dans un terrain marécageux, faisant fondre la couche inférieure de permafrost, libérant du gaz carbonique, de la vapeur d'eau et du méthane qui ont élargi le cratère, d'où la forme et la dimension du bassin, inhabituels pour un cratère d'impact. [...] Notre hypothèse est la seule qui tienne compte de la morphologie en entonnoir du bassin du lac Cheko", ajoute-t-il.
Au cours d'une précédente expédition dans la région, les chercheurs russes avaient étudié le lac Cheko et conclu qu'il s'était formé avant 1908, et donc antérieurement à l'événement de la Tunguska. L'équipe avait mesuré l'épaisseur des sédiments présents au fond du lac et avait déterminé que les dépôts s'étaient accumulés à raison d'environ 1 cm par an. Ceci suggérait que le lac Cheko était âgé de plusieurs siècles.
Mais l'équipe de Gasperini prétend que les vieux dépôts trouvés par les Russes existaient déjà lorsque l'explosion s'est produite. "Nous avons trouvé des indices selon lesquels la couche de débris la plus récente et donc la plus élevée, le dernier mètre, provenait des alluvions de la rivière", explique Gasperini. "Les sédiments plus profonds sont antérieurs à 1908. Ils ont été recouverts par ceux de l'impact, si bien que le lac Cheko n'est âgé que d'un siècle."
Astéroïde ou comète ?
William Hartmann, chercheur au Planetary Science Institute (PSI) de Tucson, en Arizona, considère que les nouvelles découvertes sont intéressantes mais ne répondent pas à toutes les questions que soulève cet événement. "C'est un résultat passionnant qui pourrait apporter une nouvelle lumière sur l'explosion de la Tunguska. Il justifie de nouvelles études dans la région. Mais il soulève une question dans mon esprit : si un grand fragment a frappé le sol, nous devrions normalement nous attendre à ce que des milliers de fragments plus petits aient également frappé le sol tout le long de la trajectoire, or de nombreuses recherches n'ont pas permis de découvrir ces fragments de météorites. Pourquoi n'en retrouve-t-on pas ?"Une partie du site d'impact tel qu'il était en 1990. Les arbres abattus en 1908 sont toujours présents. Document U.Bologne.
En effet, la découverte de fragments ou de brèches résultants de l'explosion serait la clé permettant de déterminer quel genre d'objet est à l'origine de cet impact. En raison de sa densité généralement élevée, un astéroïde aurait probablement laissé quelques traces alors qu'une comète aurait pu être annihiliée dans l'explosion, explique Hartmann.
"Notre hypothèse du cratère est compatible avec les deux possibilités", déclare Gasperini. "Si l'impacteur fut un astéroïde, un fragment a pu survivre enterré sous le lac. S'il s'agit d'une comète, sa signature chimique devrait être trouvée dans les couches sédimenaires les plus profondes."
Gasperini et ses collègues envisagent de retourner en Sibérie en 2008 avec la mission de trouver de nouveaux indices plus convaincants pour compléter leur puzzle vieux d'un siècle et toujours inachevé. "Nous aimerions creuser profondément sous le lac pour tester définitivement notre hypothèse et essayer de résoudre le mystère de la Tunguska", a-t-il annoncé.
Les découvertes des chercheurs italiens sont basées sur l'expédition de 1999 dans la Tunguska (Equipe Tunguska99) et ont été publiées dans l'édition du mois d'août du journal Terra Nova, Vol.19, Issue 4, Page 245-251.
Pour plus d'information, consultez l'article L'événement de la Tunguska,1908 et celui sur les Histoires d'impacts.

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