dimanche 8 février 2009

Lucy 2.0 : la fameuse Australopithèque numérisée

Lucy, notre plus vieille ancêtre directe fossile existe aujourd'hui sous forme numérique en trois dimensions.
Le squelette de Lucy découvert en 1974.Un nouveau système de scanner CAT (tomographie calculée) à haute résolution installé à l'Université du Texas a permis de numériser le squelette de Lucy âgé de 3.9 millions d'années. Ce projet vise à faciliter les discussions autour du thème de l'évolution de l'homme.
En effet, cette Lucy virtuelle pourrait s'avérer d'une valeur inestimable pour les scientifiques en leur donnant un premier aperçu de l'intérieur des os fossilisés. Les scanners montrent des détails microscopiques de la structure interne des os et des dents de Lucy donnant des indices sur la manière dont elle se déplaçait et mangeait.
"Ces images scanner permettront aux générations futures de se familiariser avec Lucy", explique Jara Mariam, directeur général de l'autorité d'Ethiopie pour la recherche et la conservation de l'acquis culturel (Authority for Research and Conservation of Cultural Heritage, ARCCH), et de pousuivre, ce projet "représente la contribution de l'Ethiopie à l'étude de l'évolution humaine. La Lucy virtuelle pourra être examinée par toutes les écoles de la planète."
Plusieurs versions de Lucy virtuelle seront par la suite mise à la disposition du public, selon le paléoanthropologue John Kappelman de l'Université du Texas. Un site web disposant d'une version de base permettra aux étudiants d'examiner Lucy et de comparer son squelette à ceux des humains et des singes modernes, tandis que les chercheurs pourront accéder aux informations en haute résolution.
Un squelette fragile
Les fragments du squelette de Lucy furent découverts en Ethiopie en 1974 à l'Est du Rift, dans la dépression des Afar. Reconstitution du crâne de Lucy mettant en évidence le Foramen magnum.Ils représentent les restes les plus complets du plus vieil ancêtre humain adulte ayant marché sur ses deux pieds.
A ce titre, ses fossiles sont aussi précieux que le plus vieux manuscrit car ils représentent le texte original d'un livre ouvert sur notre passé.
Les fossiles originaux étaient exposés au Pacific Science Center de Seattle, à Washington, lorsqu'en 2007 ils furent rapatriés des Etats-Unis en Ethiopie, les autorités éthiopiennes s'inquiétant de leur éventuel endommagement.
Alemu Admassu, le conservateur du Musée National d'Ethiopie a été la seule personne à pouvoir toucher les fossiles de Lucy pendant le procédé de scanning. Des inspections méticuleuses ont été faites avant et après l'opération afin de vérifier que Lucy n'a pas été endommagée pendant le procédé.
A présent que Lucy a été digitalement archivée, les scientifiques et les étudiants peuvent examiner sans danger son squelette en utilisant les outils disponibles sur le web.
Des détails 3D de 5 microns
Les images scannées de Lucy ont été effectués avec un CAT médical qui découpa son squelette en sections transversales ayant 1 à 2 millimètres de résolution. Mais du fait que Lucy n'était pas une patiente vivante, les rayons X de haute énergie ne pouvaient pas être utilisés, au risque de l'endommager.
La tomographie calculée appliquée à Lucy montre des détails internes de l'ordre de 5 à 50 microns, plus petits que la largeur d'un cheveux humain. Ce niveau de détail va apporter de nouveaux renseignements d'ordre biologique et physiologique sur nos ancêtres.
Ainsi, le squelette fossilisé de Lucy avait déjà permis de clarifier les questions clés de l'étude de l'évolution humaine. Les examens précédents ont par exemple indiqué que nos ancêtres ont commencé à marcher sur deux pieds avant qu'ils aient développé de grands cerveaux. La forme du bassin de Lucy, ses pieds, ses genoux ainsi que les jointures de ses hanches indiquent tous que Lucy a marché droit en dépit d'un petit cerveau de la taille de celui du chimpanzé. Mais beaucoup de questions restent sans réponse.

Bien que les paléontologues ne doutent plus que l'espèce à laquelle appartient Lucy, Australopithèque afarensis, ait marché sur ses deux pieds, il est moins évident que ses parents aient également passé beaucoup de temps au sol. En fait ils auraient surtout vécu dans les arbres.
Certains éléments de son squelette - les doigts et les orteils incurvés, l'orientation de l'articulation de son épaule et ses bras relativement longs - suggèrent au moins un style de vie partiellement arboricole. Cependant, d'autres experts affirment que ces éléments ne sont qu'un héritage acquis de ses ancêtres arboricoles.
Lucy montait-elle aux arbres ?
La question de savoir si Lucy et les représentants de son espèce sont réellement montés aux arbres ou ont juste hérités des traits liés à leurs ancêtres grimpeurs est une discussion ouverte de longue date et que les images scanners CAT peuvent aider à résoudre. "Si nous pouvons comparer les éléments structuraux des os des membres, nous pourrions répondre à cette question", a déclaré le paléontologue Christopher Ruff de l'Université John Hopkins.
Puisque la structure des os se renforce quand ils sont intensivement utilisés (un joueur de tennis droitier aura des os plus épais dans son bras droit qu'un écrivain gaucher), ce critère permet de comparer la partie haute de Lucy avec ses membres inférieurs afin de déterminer ceux qu'elle a utilisé le plus souvent. "Vos os répondent comment vous les utilisez", explique le paléobiologiste Brian Richmond de l'Université George Washington. "Nous savons que l'os spongieux est particulièrement sensible aux changements d'activité et d'exercice."
En comparant l'épaisseur et la distribution de l'os spongieux dans le bras avec celui des jambes de Lucy, les chercheurs espèrent déterminer si elle passait beaucoup de temps dans les arbres. Puisque le squelette de Lucy est assez complet - près de 40% de ses restes ont été découverts - elle représente le seul fossile de cette espèce d'hominidé sur lequel un tel essai est possible. Dans tous les autres cas, comparer un os du bras d'un individu avec l'os de la jambe d'un autre individu serait fallacieux.
Le plus dur reste à faire
Notons que l'Université du Texas à Austin a également scanné la boîte crânienne d'un Archaeoptéryx et d'une météorite martienne. Cependant, en raison de son statut de "VIP", avoir Lucy au catalogue fut un nouveau défi. "C'est le premier trésor national que nous avons jamais scanné", a déclaré le géologue Richard Ketcham, directeur du service.

A gauche le scanner CAT, à droite le laboratoire d'analyse d'image de l'Université du Texas à Austin.
A gauche le scanner CAT, à droite le laboratoire d'analyse d'image de l'Université du Texas à Austin.

A présent que le travail le plus délicat de scanning est terminé, le travail pénible consistant à analyser l'immense quantité de données va commencer.
L'équipe de chercheurs passera les prochains mois à essayer d'extraire autant d'information possible de cette Lucy virtuelle. "Par certains côtés", remarqua Ketcham, "le scanning de Lucy représentait la partie la plus facile du projet".
Pour plus d'information sur les origines de l'homme, consultez l'article L'origine et l'avenir de l'homme.

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire