mardi 16 juin 2009

Le pire de la récession est à venir

"Le pire de la récession est à venir" a déclaré Erik Berglof, chef économiste auprès de la Banque européenne de reconstruction et de développement (EBRD), le 15 juin 2009 lors d'une conférence à Gleneagles, en Ecosse, appelant à plus de transparence du système bancaire, notamment en Europe. La 'grande vague' au large de la côte de Kanagawa avec le Mt Fuji à l'arrière-plan. Cette célèbre peinture sur bois a été réalisée entre 1823-1829 par Katsushiba Hokusai. Elle représente le tsunami qui déferla sur le Japon au 18eme siècle. Un phénomène de cette ampleur existe dans la  finance, c'est la 'vague d'Elliott'
Rappelons que sur le plan économique, une récession se définit comme une baisse de la valeur produite, du PIB (à ne pas confondre avec une déflation qui correspond à une baisse de l'indice des prix).
"Je ne pense pas que le pire soit derrière nous", a indiqué Erik Berglof. "Nous n'avons pas encore tout vu […] il semble que nous ne sachions toujours pas ce qu'il y a dans notre système bancaire [européen], et il y a besoin non seulement de le découvrir mais aussi de le rendre public comme on l'a fait aux Etats-Unis". Il a estimé que la méthode américaine était "la référence et avait certainement aidé à stabiliser le système".
Mme Kroes, la commissaire européenne à la Concurrence, a rencontré récemment les représentants du secteur bancaire. Elle a noté que les banquiers se rejetaient la responsabilité des problèmes, et que "beaucoup déniaient ce qui se passait dans leur propre institution".
Analyse
Mme Kroes a correctement identifié la source de nos maux mais elle ne nous dit certainement pas tout ce qu'elle sait ou ce qu'elle aimerait nous dire par peur des réactions diplomatiques.
Si beaucoup de bancassureurs sont encore loin de présenter un bilan positif, certains se remettent doucement de la crise (BNP Paribas, Dexia, HSBC, etc) mais ce n'est pas pour autant qu'elles ne licencieront personne demain. Espérons que je me trompe...
Mais bizarrement, parmi ces banques, certaines comme la KBC vient de voir le cours de son action réajusté par "magie" début mai - cela n'a pas duré -, comme si la garantie de l’Etat représentait un permis de laisser-faire, ou comme si certains investisseurs savaient avant d’autres… Qui sait quoi dans le monde de la finance ? A qui profite la crise ?
Les Conseils d’administrations des grandes banques savent évidemment la vérité sur l’état de santé de leur entreprise, comme les grands argentiers que sont le FMI et la BCE notamment savent dans une certaine mesure qui manipule les cours.
Que cache par exemple la Banque Fédérale américaine quand on apprend qu’elle interviendrait directement sur les marchés et qu’elle refuse d’être auditée ?
Comme cela se fait-il que la crise qui touche certains produits financiers à risques se propage à d'autres sortes de produits considérés comme sûrs (prêts titrisés sur la solvabilité des particuliers et des entreprise comme les cartes de crédit, l'immobilier commercial, etc) ?
Plus près de chez nous, des actions de banques européennes en crise voient leur cours se retourner en quelques heures… Comment expliquer un tel retournement ?
Elus dans le secret des dieux, il est évident que certains gros actionnaires bien placés ont l'occasion d'acheter et de vendre des millions de titres au meilleur moment.
Mais ces délits d’initiés ne sont que l’arbre qui cache la forêt. Car s’ajoute à cela d’autres pratiques malhonnêtes ou mal réglementées.
Si vous questionnez un trader sur l'intérêt des Hedge Funds (fonds spéculatifs), malgré ce qui s'est passé il y a un an, tous restent confiants et repasseraient les mêmes opérations à haut risque prétextant qu'ils ont modifié leur modèle et que la prochaine fois ils seront plus vigilants; leur manager n'a tiré aucune leçon du passé !
Dans un autre domaine, pourquoi autorise-t-on les banques à gagner de l’argent sur le dos des pays dont la monnaie est faible ? Un exemple. Il existe une opération spéculative appelée le "carry-trade". Elle permet à une banque d'emprunter en euros ou en franc suisse et de prêter aux pays d'Europe centrale dans leur devise locale qui s'effondre. Conséquence, la dette augmente dans la monnaie locale !
A plus petite échelle, tout comptable sait qu’en appliquant quelques règles, il peut masquer des pertes et truquer les chiffres d’un bilan.
Dans ce cas, que vaut réellement une société cotée en bourse et le cours de son action ? Cet argent virtuel n’a-t-il plus aucune valeur ? A qui peut-on se fier ?
Pire, la BEI notamment dispose d’outils financiers comme l’effet de levier qui permet de soutenir jusqu’à 50 fois les fonds propres d’une banque !
Et ne parlons même pas des paradis fiscaux où des maires intéressés et des banquiers sans scrupules n’appliquent plus aucune règle tant que l’argent leur profite…
Enfin, sur le plan social, il y a le problème du chômage. Tant aux Etats-Unis qu’en Europe, le chômage connaît son taux le plus élevé depuis la crise de 1929.
Repenser le système financier
On voit donc clairement que c’est tout le système financier qui est en train de pourrir du fait d’un manque chronique de responsabilités, de contrôles, bref de sécurité, et avec lui toutes nos économies et nos moyens de crédits qui se volatilisent.
Comment redresser la barre de ce bateau ivre et stabiliser le système ? Comment croire ces banquiers qui nous prétendent que leur entreprise est saine ou ces économistes qui nous annoncent que la situation s'améliore quand on constate que la situation économique est de plus en plus désastreuse, ce que confirme le Bureau International du Travail (BIT) et les différents observatoires (instituts de statistiques) nationaux : le taux de chômage et le taux de défaillance des emprunteurs n'ont jamais été aussi élevés, les banqueroutes, les faillites, les grêves, les délocalisations, les fraudes, les licenciements, les fermetures d’usines se suivent semaine après semaine…
Ainsi que nous l'avons déjà dit, ce n'est pas une seule tête pensante qui peut résoudre ce problème à la fois économique, financier, social et structurel.
C'est dans une concertation supranationale entre les ministres des finances du G20, des banques centrales, et finalement tout au bout de la chaîne des Présidents et des Premiers ministres d'imposer de nouvelles règles de bonnes gouvernances à l'ensemble des acteurs du système financier.
Fin de la crise en 2015 ?
Sommes-nous sur la bonne voie ? Travaillant dans le secteur financier et dans un pays ultra capitaliste, permettez-moi d'en douter.Un trader de Hedge Funds derrière ses consoles.
La solution passe par de nombreux changements, y compris de mentalité, dont notamment une révision des règles et du plan comptable, la fin des paradis fiscaux et l'application de contrôles plus stricts des services proposés par les différents professionnels du secteur financier.
Reste ensuite à transposer ces idées en lois et à les faire appliquer. Ce n'est pas pour demain. Peut-être pour 2011 ou 2012, au plus tôt.
A quelle échéance peut-on envisager une sortie de crise ? Ajoutée aux autres problèmes financiers et socio-économiques (endettement de l'Etat, des particuliers, des crédits aux entreprises, crise du secteur agricole, de la pêche, de la métallurgie, etc), la récession peut encore durer un an ou deux sinon davantage dans certains secteurs (agriculture, automobile, etc).
Quand verrons-nous la fin de la crise ? Personne ne le sait. Tout va dépendre de l'effet des actions des banques centrales, des politiques des Etats et de la volonté des banques.
Dans un communiqué publié le 3 juin 2009, au niveau mondial, le BIT considère que "la crise de l’emploi et de la protection sociale provoquée par la récession économique pourrait durer de six à huit ans", soit jusqu'en 2015 ou 2017 !
Cela dit, si on se limite à l'Europe, une majorité d'économistes estiment que nous pourrions repasser à une phase d'expansion lente vers 2012. Bref, dans tous les cas, ce n'est pas pour demain.
En attendant, pour bien des employeurs, la crise a bon dos car tous ne la subissent pas, mais tous en profitent. Et ce sont les plus pauvres et les faibles qui trinquent.

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