mardi 27 avril 2010

Goldman Sachs accusé d'avoir trompé ses clients

On apprend dans le "New York Times" qu'à la demande de plusieurs sénateurs démocrates américains, la SEC (Securities and Exchange Commission, la police de Wall Street) a accusé la direction de la banque d'affaire Goldman Sachs (GS) d'avoir manqué à ses obligations.
Goldman Sachs est notamment accusée d'avoir tiré des profits frauduleux, d'avoir fraudé le fisc suite à la vente de titres, de "parier" en bourse plutôt que de gérer son patrimoine en "bon père de famille", et de mener une série d'opérations impliquant des crédits subprimes (produits dérivés d’hypothèques résidentielles), qui ont accéléré la crise financière.
Le milliardaire John Paulson, principal bénéficiaire de cette fraude présumée, prétend que ses paris étaient publics.
Deux clients portent également plainte du fait que pendant trois ans et demi, GS n'aurait pas contrôlé les placements à risque Abacus (Abacus 2007-AC1).
Parmi les victimes, l'American International Group a perdu 2 milliards de dollars en investissant dans les fonds Abacus.
Les victimes prétendent que GS n'a pas prévenu ses clients qu'ils étaient en "short position" (que leurs titres allaient baisser) et couverts par des hedge funds. Ainsi, en pariant sur l’effondrement du marché des créances immobilières, GS aurait gagné 3.7 milliards de dollars sur le dos de ses clients !
Audition des responsables de GS devant les sénateurs
Actuellement, la Commission Levin du Sénat américain entend les explications (plutôt confuses) de sept hauts dirigeants de GS.

Confiants et calmes, les banquiers Daniel Sparks et Michaël Swenson ont feind de ne pas comprendre les questions des sénateurs ou leur ont répondu évasivement, mettant parfois en doute les méthodes de calculs des comptables ou des analystes.
Selon le sénateur Levin, GS avait bel et bien décidé fin 2006 d'abandonner ses fonds "toxiques" liés aux subprimes. Mais pour limiter les risques, GS aurait revendu ses titres à des investisseurs choisis pour leur naïveté et leur crédulité.
Lloyd Blankfein, directeur de GS dément les accusations. "Nous n’avons pas été systématiquement et significativement en “short position” sur les subprimes en 2007 et 2008. [..] Nous n’avons pas spéculé massivement à la baisse sur le marché immobilier et nous n’avons certainement pas parié contre nos clients", a rétorqué Blankfein, affirmant même que sur le marché des créances immobilières, Goldman Sachs avait perdu environ 1.2 milliards de dollars entre 2007-2008. Mais il oublie aussi de dire que certains traders ont gagné des bonus à 8 chiffres... Blankfein a toutefois fini par avouer que "clairement, le monde à besoin de plus régulation".
Un enjeu politique
En marge de cette audition, il y a un enjeu politique. En effet, la minorité républicaine veut prendre son temps pour analyser l'affaire Goldman Sachs, alors que les Démocrates veulent profiter de ce scandale pour mieux contrôler les banques, et interdire par exemple à celles qui ont accès au guichet de l’escompte de la Fed de spéculer pour leur compte propre.
Sur le plan financier, l'action GS a perdu 21% en deux semaines. La confiance des investisseurs dans les activités du géant de Wall Street a été ébranlée. Bien que le cours de l'action se soit légèrement redressé, sa tendance reste à la baisse car le plus grand risque pour GS n'est pas tant de perdre de l'argent mais de voir son image, sa réputation ternie.
Que les investisseurs qui disposent de fonds Abacus et autres hedge funds tirent au moins la leçon : les banquiers ne font pas oeuvre philantropique et sans vous l'avouer, jouent parfois contre vous. Autant savoir.
Dernières nouvelles
7 mai 2010 : Lloyd Blankfein a annoncé au cours de l'assemblée générale annuelle de GS que sa banque allait procéder à un "auto-examen rigoureux" de ses pratiques : "Il n'y a pas de plus grande priorité pour notre conseil d'administration et notre direction que d'entreprendre un passage en revue exhaustif de l'ensemble de nos pratiques de gestion", a-t-il déclaré aux actionnaires.
GS va également créer un comité des normes de gestion qui sera chargé "de faire des propositions à la direction en matière de normes internes et de transparence", a-t-il ajouté.
C'est inimaginable ! Il aura fallu des plaintes d'actionnaires et l'intervention de la SEC pour que ce major du secteur financier envisage d'appliquer des règles de bonne gouvernance et d'éthique !
Et on ne voit encore que le sommet de l'iceberg, ce que GS accepte de nous dévoiler. Qui sait quelles pratiques peu scrupuleuses nous cache encore ce banquier...
Notons que la veille, la banque a également engagé des discussions avec la SEC en vue d'un règlement amiable de ce dossier. Reste à voir si le monde politique acceptera cet arrangement.

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