jeudi 6 février 2014

Fireball XL5 de Gerry Anderson

Les lecteurs nés vers 1960 et les plus âgés se rappellent peut-être d'une série TV destinée aux enfants intitulée "Fireball XL5". L'ayant récemment retrouvée sous forme vidéo en naviguant sur le web et étant donné qu'il y a peu de littérature en français sur le sujet, voici ma participation à sa documentation.



Scénario
"Fireball XL5" était une série de science-fiction réalisée par Gerry Anderson avec des maquettes et des marionnettes animées électroniquement. Sa femme Sylvia Anderson participa aux dialogues.
Notez l'absence de
combinaison spatiale !
Le scénario de "Fireball XL5" raconte les aventures interplanétaires de l'équipage du vaisseau spatial Fireball XL5 patrouillant dans le Secteur 25 de la Galaxie en 2062 et 2063. Leur QG se situe à Space City d'où décolle la fusée XL5.
L'équipage visite pas moins de 22 planètes (Amazonia, Conva, Granatoid, Magneton, Planet 46, etc) parfois colonisées ou inhabitables, hostiles, chaudes, glacées, transformées en prison, riches en minerais ou abritant une faune ou une flore extraterrestre.
L'équipage se compose du Colonel Steve Zodiac de la Patrouille Spatiale Mondiale; de la jolie Docteur Vénus, spécialisée en médecine spatiale; d'un navigateur et ingénieur d'âge moyen, le professeur Matthew "Matt" Matic a l'accent prononcé et du copilote Robert le robot, anthropomorphique et transparent.
Le Commandant Wilbur Zéro (Général dans la version française) apparaît dans certains épisodes ainsi que Jock Campbell (Jacques), un Ecossais chef ingénieur de la cité spatiale.
La Dr. Vénus est parfois accompagnée d'un lazoon, un animal semi-télépatique baptisé Zoonie (Zazou en français) qui s'empêtre partout et énerve le supérieur du Colonel Zodiac...
D'autres personnages apparaîtront par la suite comme le Capitaine Dix, le Lieutenant Ninety, le Fuel controller Lane, l'opérateur radio Shute, Eleanor Zéro (la femme du Commandant), son fils Jonathan Zéro qui profita de la fusée XL5 pour son voyage de noce (album de 1964), sans oublier quelques vilains.
Robert est le seul personnage des séries d'Anderson auquel Gerry a prêté sa propre voix, il est vrai modifiée grâce à un larynx artificiel (le même qu'on utilise en médecine).
Bien entendu tous ces héros sont célibataires mais pas pour autant disponibles. Ainsi, on remarque de temps en temps que la Dr. Vénus drague le Colonel Zodiac mais celui-ci n'y voit que du feu.
De son côté, le professeur Matic passe son temps à fabriquer des gadgets en frappant du métal avec un petit marteau et le Robert le robot clame régulièrement "On our way home" (sur le chemin du retour) !
Tournage et production
La série "Fireball XL5" comprenait 39 épisodes d'environ 25 minutes filmés en noir et blanc sur une pellicule de 35 mm avec une seule caméra et en son mono.
Le projet nécessita la collaboration de 16 personnes. Reg Hill était producteur associé et cinq personnes assuraient la direction de la production : Gerry Anderson, Alan Pattillo, David Elliott, Bill Harris et John Kelly.
La supervision fut assurée par David Elliott. La direction de la photographie fut prise en charge par John Read et Ian Struthers, la direction artistique par Bob Bell.
Les effets spéciaux furent réglés par Derek Meddings qui réalisa également certains dessins du synoptique, le décor musical fut composé, arrangé et dirigé par Barry Gray, le thème musical (titre) fut arrangé par Charles Blackwell.
Les voix furent assurées par Paul Maxwell, Sylvia Anderson, David Graham (qui dessina également quelques bandes dessinées), John Bluthal et Gerry Anderson.
Les animations furent réglées par le procédé Supermarionation inventé par Anderson et Provis (voir plus bas) et le décor sonore comme les prises de vue furent soignés jusqu'à chaque plan.
Vu l'intérêt d'Anderson pour la science-fiction, le titre originel de la série était "Century 21". Estimant qu'il ne sonnait pas bien commercialement, il fut changé en "Nova X 100" en préproduction. Comme cela ne convenait toujours pas, inspiré par la marque "Castrol XL", Anderson décida de l'appeler "Fireball XL". Mais de nouveau, le titre n'était pas assez convaincant à l'écran si bien qu'on lui ajouta "-5" qui devint finalement "Fireball XL5" lorsqu'il passa en production.
Le tournage commença en avril 1962. En parallèle, Anderson et son équipe préparèrent les bandes dessinées, le merchandising et Anderson essaya de vendre sa série à l'étranger.
Sur le plan financier, sachant que trois ans auparavant, Twizzle (voir plus bas) coûta 27000£ et utilisa peu d'effets spéciaux, on peut estimer que le budget de "Fireball XL5" s'éleva à plus de 40000£ soit plus de 120000€ actualisés. Pour information, à l'époque le salaire moyen d'un homme était de 200£ par an.
Distribution
La série "Fireball XL5" fut produite en association avec la chaîne britannique ATV et distribuée par ITC Entertainment (qui cessa ses activités en 1998 après le décès de son fondateur, Lew Grade).
Le premier épisode "Planet 46" fut diffusé sur ATV le 28 octobre 1962. La série sera diffusée durant 39 semaines. Le dernier épisode "Space Magnet" sera diffusé le 27 octobre 1963.
La série traversa difficilement l'Atlantique où elle ne fut diffusée aux Etats-Unis que sur une seule chaîne, NBC, entre 1963 et 1965, qui ne s'attendait pas à un tel succès. Elle fut ensuite adaptée en espagnol et en français.
Gerry Anderson tira également profit du merchandising. "Fireball XL5" sera proposée sous forme de jouets dont le "Space City Set", de poupées, de cahiers à colorier, de découpages et même d'un jeu (Fireball XL5 Space Race) proposé à l'occasion des fêtes.

La boîte de jouets “Fireball XL5 Space City Set” comprenant une fusée XL5 de 21", 
les fusées portatives, les jetmobiles et les figurines de Steve et ses amis. Aujourd'hui, 
selon sa qualité ce collector se négocie entre 200$ et 800$, certains
proposant même plus de 2000$ pour un kit complet.
A l'époque des dizaines de magazines présentaient les séries TV sous forme de bandes dessinées ou "Comic strips". Anderson profita de ce canal de distribution, vendant des licences à différents éditeurs.
Etant une adaptation de la série TV, le récit des bandes dessinées fut écrit par le scénariste Alan Fennell et les panneaux furent dessinés par Neville Main, puis Graham Coton et Mike Noble (qu'on retrouvera dans les bandes dessinées de Star Trek).


Pour la première édition, les planches ayant dû être déposées chez l'éditeur avant le tournage du premier film, la première BD fait encore référence à la fusée "C-21", certains détails des appareils sont approximatifs et les couleurs des costumes sont basées sur les concepts de préproduction. Ils seront conformes à la série TV dans les publications suivantes.

Ci-dessus, le dessin de préproduction de la fusée "C-21" proposé par Derek Meddings
en 1962 et la version finalement acceptée "XL5"

"Fireball XL5" sera proposée sous la forme d'une bande dessinée de 4 pages publiée chaque semaine dans le magazine "TV Comic" en commençant par le N°565 du 13 octobre 1962, jusqu'en 1964. 
Elle sera ensuite publiée dans le magazine "TV21" (anciennement "TV Century 21") entre 1965 et 1967. Il y eu une dernière publication dans le magazine "Countdown" en 1971.
Quatre albums annuels (les "annuals") de 92 pages comprenant 4 bandes dessinées en couleurs, 7 histoires sous forme de textes et 6 ou 7 jeux et puzzles seront également publiés entre 1962 et 1966 plus un album publié par TV21 en 1966 comprenant un écorché de la fusée en double page.


Les scénarii comme les textes de ces cinq albums ne respectent pas exactement la séries TV mais l'esprit y est. Seuls les textes de l'album de 1964 ont été écrits par Alan Fennel, tous les autres furent écrits et dessinés par de nouveaux talents.
Parmi ces dessinateurs il y eut Eric Eden, Eddie Paul, Gerry Embleto, Gerry Wood, B.Walduck, R.Hamilton, T.Hurst et H.Turner.


En 1963, le thème du générique "Fireball" (dont voici les paroles et la version longue) chanté par Don Spencer fit l'objet d'un single qui resta 12 semaines dans les charts anglais, atteignant la 32eme place.
La série TV sera diffusée sur certaines chaînes francophones sous le titre "Fusée XL5", de mémoire vers 1966, à confirmer.
En tous cas je me rappelle que je la suivais assidûment étant petit, me rappelant très bien du titre "XL5". J'étais frappé par l'effet de ralenti que donnaient les évolutions dans le vide et par la texture des paysages planétaires....
Etant donné que c'est l'un des premiers souvenirs que j'ai de l'astronautique et de l'astronomie, il est probable que cette série a contribué à ma passion pour ces disciplines. Cela valait donc la peine que je la retrouve !
Vu les difficultés que j'ai eu pour l'identifier avec mes souvenirs, je peux imaginer que d'autres amateurs prendront également plaisir à la revoir et de connaître l'histoire derrière la série.
Voici donc un échantillon de "Fireball XL5" pour les fans de Gerry Anderson et les nostalgiques des sixtees suivi d'une biographie de Gerry Anderson, probablement l'une des rares rédigées en français.



Biographie
Gerry Anderson est né le 14 avril 1929 au Royaume-Uni. Il travailla comme photographe puis dans un studio de cinéma. Durant la Seconde guerre mondiale, il travailla comme opérateur radio dans la RAF. Après la guerre, il entra aux Pinewood Studios. C'est à cette époque qu'il rencontra Lynda, sa première épouse. Ils auront deux enfants.
En 1955, il entra chez Polytechnic Films, une petite maison de production qui proposait des programmes pour la télévision. C'est à cette occasion qu'il fit la connaissance du caméraman Arthur Provis. La maison de production tomba rapidement en faillite.
Gerry Anderson et Arthur Provis décidèrent alors de fonder leur propre entreprise, Pentagon Films. Ils engagèrent trois anciens employés de Polytechnic Films dont une secrétaire nommée Sylvia que Gerry épousera un peu plus tard.
Mais après avoir réalisé quelques publicités, leur société fit également faillite. Anderson et Provis fondèrent alors AP Films, alias APF. Ils louèrent un manoir edwardien à Maidenhead, dans le Berkshire, à quelques kilomètres de la Tamise, connu sous le nom d'Islet Park.
Ils installèrent un téléphone en espérant recevoir rapidement leur première commande. Ils attendirent ainsi pendant 6 mois.
Pratiquement à court d'argent, ils reçurent un appel de Roberta Leigh, une auteur qui écrivait des romans pour les enfants et de sa collègue Suzanne Warner qui travaillait pour la chaîne Associated Rediffusion Television Company. Leigh cherchait une maison de production pour son personnage "Twizzle" qu'il fallait animer; c'était une marionnette.


Ce n'était pas la première expérience d'Anderson et Provis avec des marionnettes. Quand ils travaillaient pour Pentagon Films, ils avaient eu l'occasion de réaliser une courte publicité pour Kellogg's Corn Flakes, toujours très proche des enfants,  avec un petit personnage baptisé Noddy, qui était apparu à la télévision dans la série Noddy en 1955 (Noddy, personnage créé par Enid Blyton en 1949 est très connu des enfants Anglo-Saxons qui suivent encore ses aventures aujourd'hui).
Bien qu'Anderson et Provis étaient plutôt prêts à réaliser "Les Dix Commandements" et bien que le budget n'était pas élevé, 450£ par épisode, environ 1300€ actualisés, l'idée de la marionnette leur plut et ils signèrent le contrat.
Pour éviter que le personnage ne paraisse grotesque à la télévision, ils développèrent de nouvelles techniques de film (zoom, close-up, travelling, contrechamp, effets spéciaux) et de postproduction, quitte à couper des plans ou effectuer des truquages.
"The Adventures of Twizzle" fut diffusée le 13 novembre 1957 à 16h30. La série reçut une bonne critique. AP Films recevra une nouvelle commande pour 26 épisodes d'une nouvelle série basée sur une fiction écrite par Leigh baptisée "Torchy the Battery Boy". Cette fois ils disposaient d'un budget de 27000£.
Ils recevront ensuite la commande de la série "Space Patrol" puis d'une troisième série intitulée "Four Feather Falls" en 1960 comprenant 39 épisodes de 13 minutes.
Supermarionation
C'est pour la série 'Four Feather Falls" en particulier qu'Anderson et Provis inventèrent le procédé qui sera plus tard baptisé "Supermarionation". Ils ajoutèrent aux marionnettes mécaniques des systèmes électroniques afin d'obtenir une synchronisation aussi précise que possible, notamment entre les mouvements de la bouche des marionnettes et la parole ainsi qu'entre les déplacements des objets et le déclenchement des effets spéciaux (éboulements, explosions, effets lumineux, etc). Selon Anderson, cette technique fonctionnait dans 90% des cas.
Complété par de nouveaux effets spéciaux et pyrotechniques, le procédé Supermarionation assoira définitivement la réputation du studio d'Anderson et Provis qui deviendra une référence pour tous les amateurs, et professionnels, d'effets spéciaux.

Version colorisée en 1994 par Colour Systems Technologies

L'épisode pilote fut proposé à Granada Television qui commanda 39 épisodes. Entre-temps, le manoir devint trop étroit pour leurs ambitions et AP Films déménagea dans une ancienne ferme à Ipswich Road.
Granada ne financera pas d'autres séries, ce qui déçut fortement Anderson. Néanmoins il avait déjà préparé une autre série, "Supercar".
Cette nouvelle série fut diffusée sur le petit écran en 1961 sur le réseau de la chaîne anglaise ATV puis vendue à 107 chaînes américaines, devenant le programme le plus regardé par les enfants.
Notons que l'épisode "Rescue" fait référence à la conquête spatiale. En 3 ans, cette série et le merchandising qui l'accompagna rapportèrent 750000£ soit 2.1 millions d'euros actualisés.
Fort de ce succès, en suivant l'actualité et notamment la compétition entre Russes et Américains pour la conquête de l'espace et le discours du président John F. Kennedy de 1961 déclarant qu'il voulait "envoyer des hommes sur la Lune et les ramener sain et sauf dans moins d'une décennie", Anderson profita de l'opportunité pour se tourner vers la science-fiction.
En 1962, il proposa la série "Fireball XL5" et enchaîna ensuite les séries de science-fiction, mais cette fois en couleurs, chaque nouvelle série apportant des améliorations sur les plans de l'animation et de l'image.
AP Films qui sera renommée Century 21 Production en 1965 créa ainsi "Thunderbirds" (1963) qui apporta à Anderson une renommée internationale, puis "Stingray" (1964), "Captain Scarlet and the Mysterons" (1967), "Joe 90" (1968) et "The Secret Service" (1969).
Ensuite Gerry Anderson réalisa des séries de fiction avec des personnages réels comme "UFO, alerte dans l'espace" (1970), "The Protectors" (1972), "Space 1999" alias "Cosmos 1999" (1975), "Terrahawks" (1983), "Dick Spanner, P.I." (1987), "Space Precinct" (1994), "Lavender Castle" (1999)", le dessin animé japonais "Firestorm" (2003) et "Gerry Anderson New Captain Scarlet" (2005).
Cette dernière série a coûté 23 000 000£. Selon la BBC, c'est le programme pour enfant le plus cher de la télévision britannique.
Gerry Anderson réalisa également 4 longs métrages : "Crossroads to Crime" (1960), "Thunderbirds Are Go" (1966), "Thunderbird 6" (1968) et "Doppelgänger" (1969) mieux connu sous le titre anglais "Journey to the Far Side of the Sun".
Plus récemment, des amateurs ont créé à petite échelle des versions numériques de certaines séquences de Fireball XL5 et Thunderbirds en images de synthèse 3D.
En 2004, Jonathan Frakes réalisa le film "Thunderbirds" (Les sentinelles de l'air) inspirée de la série TV pour Universal Pictures. En résumé, c'est une mauvaise série B qui n'atteint même pas la moyenne.
Dans une interview accordée à la BBC, Gerry Anderson déclara en 2004, que quatre semaines avant la première du film, Universal Pictures lui proposa 750000$ pour de la consultance mais il refusa, jugeant que son rapport ne serait pas favorable.
Et de fait, quand il visionna le DVD qu'un ami lui prêta, il fut déçu par sa qualité et le manque de respect du producteur comme du réalisateur pour tout le travail que son équipe et lui avaient accompli pour réaliser la version originale en Supermarionation. Son opinion négatif fut partagé par d'autres fans (Cf. IMDb).
Gerry Anderson nous quitta le 26 décembre 2012. Il avait 83 ans.
Et dire que Gerry déclara un jour "je n'aime pas travailler avec des marionnettes, le plus difficile". Il avait bien du talent !
Les techniques cinématographiques qu'il inventa avec son équipe influenceront beaucoup de cinéastes et de réalisateurs, des producteurs de Star Trek à Stanley Kubrik et George Lucas. Gerry Anderson passa en quelques années du statut de bricoleur de génie à celui de légende du 7eme art.
Pour conclure, voici deux reportages sur l'oeuvre de Gerry Anderson :


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Pour plus d'informations
Il existe sur YouTube et Dailymotion quelques versions françaises des séries de Gerry Anderson.
La série "Fireball LX5" est disponible en ligne sur TV.com mais uniquement aux Etats-Unis.
Les séries et les films sont disponibles en DVD.
Garry Anderson, sa biographie rédigée en anglais
Fireball XL5 sur Wikipedia UK
TV Comic pour les bandes dessinées
ATV
Le blog Studio 77 dont plusieurs articles présentent des planches des bandes dessinées
Le site de Robin Day consacré à Fireball XL5 (images 3D, albums, etc).

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