jeudi 10 avril 2014

Grains de sable au microscope

Gary Greensberg est un biologiste et photographe américain qui s'intéresse depuis des années aux grains de sable notamment.
Il existe deux types de sable : celui des déserts et celui des plages. Gary s'intéresse en particulier à celui des plages.
Au fil du temps il a rassemblé une centaine de petites jarres contenant du sable récolté sur la côte Est des Etats-Unis, à Hawaii, aux Bermudes, en Europe et en Asie.
Il a publié un premier livre sur les grains de sable en 2008 et travaille actuellement sur l'illustration d'un second volume.
Observés au microscope, les grains de sables présentent des formes et des couleurs étonnantes. Mesurant généralement entre 0.08 mm et 2 mm, les grains sont souvent colorés et irréguliers.
Selon leur provenance, ils contiennent des débris de roches (granit), de lave, de coquillages, des métaux ainsi que des fragments de matière organique comme des épines d'oursins et du corail.
Voici des photographies grossies 100x à 150x montrant toute la diversité et la beauté des grains de sable. Ils reflètent la géologie et la biologie du lieu où ils furent récoltés.

Grains de sable récoltés à Maui, Hawaii.
Grains de sable (quartz) récoltés en Belgique.
Grains de sables récoltés à Okinawa.
Documents Gary Greenberg.
Nos plages disparaissent
Nous faisons bien d'observer le sable au microscope car il représente une grande valeur.
Savez-vous que le sable de nos plages est en train de disparaître ? Bientôt ces photographies seront  des documents historiques et exposés comme tels dans les musées !
En effet, le secteur de la construction a besoin d'énormément de sable pour fabriquer le ciment et bâtir nos habitations ainsi que les infrastructures publiques.
Les ingénieurs ont bien essayé de fabriquer du ciment à partir du sable du désert mais cela ne fonctionne pas; les habitations s'écroulent car le sable extrait du désert est constitué de granules érodées qui roulent les unes sur les autres mais ne s'agrègent pas. Dubaï l'a appris à ses dépens.

Grains de sable du désert de Gobi. Document Wikipedia.
Aussi, le seul sable utilisable en construction est le sable marin, c'est-à-dire le sable qu'on trouve sur les plages ou à quelques kilomètres du rivage, récolté sur le fond sédimentaire.
Mais ce sable est salé et le sel corrode le béton armé. Il faut donc débarrasser le sable marin de son sel, le laver avant de pouvoir l'utiliser dans la construction.

Remblayage à Dubaï dans le cadre du projet de construction de Palm Islands (Palm Jumeirah).
En 1998, lors de l'Exposition Mondiale de Lisbonne, un chiffre alarmiste était affiché dès l'entrée : 60% de la population mondiale vivait en bordure des océans, et en particulier dans une bande de 20 km le long du littoral. Ce chiffre a été confirmé par l'étude de J.J. et D. Bavoux et cité par l'UNESCO.
La concentration des agglomérations en bordure des côtes à des conséquences écologiques qu'on ne soupçonnait pas il y a une génération.
En effet, un million, deux millions ou dix millions d'habitants le long d'une côte exigent des ressources et des infrastructures.

Le remblayage de nos plages. Document Arte TV.
Les ingénieurs doivent donc continuellement bâtir de nouvelles constructions en puisant le sable là où il se trouve, c'est-à-dire sur les côtes sablonneuses.
En parallèle ils doivent stocker l'eau douce transportée par les rivières et les fleuves afin d'alimenter la population vivant sur le littoral.
Les sédiments qui s'accumulent dans nos fleuves et qui en théorie sont charriés jusqu'à la mer sont également dragués et utilisés en construction.
Revers de la médaille, les 45000 barrages qui existent aujourd'hui dans le monde (on en inaugure 2 nouveaux chaque jour) et le dragage incessant des fleuves sont autant d'obstacles au transport des sédiments vers la mer et au renouvellement des plages. Si ce sable ne se renouvelle pas, les plages vont disparaître.

Distribution des barrages dans le monde. Les points rouges sont les barrages construits entre 1950 et 2010. Les points noirs indiquent les barrages construits avant 1950. Source Planetoscope.
Aujourd'hui, on estime que 75% des plages du monde ont été englouties dans les projets des magnats de la construction. Le pillage est organisé à l'échelle mondiale et nous sommes arrivés à une situation tellement alarmante que l'ONU doit sensibiliser les gouvernements sur la bonne gestion des littoraux.
En l'espace de 10 ou 20 ans selon les endroits, les vagues se sont déjà rapprochées dangereusement du seuil des portes des habitations bâties en bordure de mer dont certaines ont même emportées par la houle.
Nous avons des exemples aux quatre coins du monde, sur la côte Est des Etats-Unis, aux Maldives, à Bombay, au Maghreb, et en Europe.
Si les scientifiques comprennent bien le fonctionnement des écosystèmes du littoral, il manque au pouvoir politique une vrai conscience écologique.
Aussi, à défaut de prendre des mesures en faveur de la nature mais qui déplaisent à l'électorat, tous les 20 ans environ les communes du littoral sont obligées de remblayer leurs plages en allant chercher du sable à quelques encablures du rivage à coût de dizaines ou centaines de millions d'euros.
C'est aujourd'hui au tour de la Belgique où la commune de Wenduine et Le Coq (De Haan) ont décidé en 2014 de remblayer leurs plus belles plages.
Mais ce jeu est perdu d'avance car un écosystème ne se laisse pas dompter sans conséquences. Il faut comprendre son fonctionnement et éviter de créer ou d'aggraver des problèmes. Aujourd'hui nos politiciens font tout le contraire et la population semble applaudir !
Le littoral est un écosystème en soi avec ses règles et son équilibre qu'il faut respecter. Que l'homme interfère ou décide de contrecarrer ce que la Nature a minutieusement fabriqué au cours de milliers d'années, et bien dans ce cas nos petits enfants assumeront l'irresponsabilité de leurs aïeux.


Si rien ne change, nos enfants ne pourront que pleurer en regardant le sable et les coquillages disparaître, les vagues s'écraser directement sur la berge des terres arables ou sur les falaises. Il est grand temps de réagir.
Pour plus d'informations
Galerie d'images de Gary Greenberg
Votre plage va disparaître, La Libre.be, 2013

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