jeudi 17 mai 2007

4000 dossiers d'erreurs médicales en souffrance

Que faire si vous êtes victime d'une erreur médicale ? Jusqu'à présent la victime a deux solutions : attaquer le médecin fautif au tribunal pénal ou au civil. Au pénal, l'action en justice vise à condamner le praticien pour sa faute. Mais l'esprit de corporation régnant au sein de l'Ordre des Médecins, c'est tout le corps médical qui affronte la victime et pratique avec zèle la fameuse "langue de bois" quand il ne prétend pas que le dossier du patient est couvert par le secret professionnel. En utilisant cette procédure la condamnation du médecin est pratiquement impossible à obtenir, le combat est vain.
En revanche, attaqué au tribunal civil, en faisant reconnaître l'existence d'un dommage (blessure, handicap ou décès), la victime ou ses ayant-droits peuvent réclamer un dédommagement financier.
En 2007, l'association "Erreurs médicales" a dénombré 4000 dossiers en souffrance (sur une période d'environ 12 ans). Quand la justice va-t-elle sérieusement s'attaquer à ce mur du silence ?
De façon générale, en Occident, au fil du temps la responsabilité médicale s’est progressivement développée, au point qu'Etats-Unis par exemple, certains médecins ne trouvent plus facilement de compagnie d’assurances qui accepte de les couvrir pour leurs fautes professionnelles éventuelles. Qu’en est-il en Belgique ?
En matière de santé du patient, on considère généralement que les obligations du médecin sont des obligations de moyen et non de résultat, car, selon l'Ordre des Médecins, il ne serait pas possible de garantir la santé du patient vu la complexité du corps humain (comme le disent dans ces cas là les médecins, "l'opération est réussie" même si peu de temps après le patient est décédé !).
L'erreur médicale ne s’applique qu’aux domaines où il subsiste un aléa, ce qui ne s'applique pas au matériel médical. Quand il s’agit d’une obligation de moyen, en cas d'accident c'est actuellement le patient (ou ses ayant-droits) qui doit prouver la faute du praticien, le dommage subi et le lien de causalité entre les deux. Actuellement, en ce qui concerne le matériel médical, on considère qu’il s’agit d’une obligation de résultat, ou à tout le moins de sécurité.
Aujourd'hui, les seules voies de recours d'une victime par rapport aux soins qu’elle a reçus sont reprises dans la loi. Le Code pénal punit les blessures et l’homicide involontaires (Art.418 et suivants) et stipule que la personne qui a causé un dommage à autrui doit le réparer (Art.1382 et suivants). Il existe également une responsabilité contractuelle du médecin ou de l’institution qui l’emploie. Ceci suppose un contrat entre les parties ce qui est exclu en cas d’urgence notamment. Finalement c'est au juge d'apprécier souverainement les faits et dé déduire l’existence d’une faute contractuelle ou quasi-délictuelle.
De plus en plus, on reconnaît au patient le droit de consulter son dossier médical et aussi d’en obtenir copie en cas de litige. Il doit s’agir de toutes les pièces du dossier exception faite des notes personnelles du médecin. Le dossier médical est la propriété du patient et non du médecin. Et la personne doit être informée avant une opération notamment de tous les risques encourus et si possible donner un accord écrit attestant de la connaissance des risques.
En cas d'accident médical, vu la complexité de la matière, en pratique il sera difficile de se passer des services d’un avocat. Il faudra intenter une action au civil ou au pénal. Malheureusement cette procédure de recours est souvent très onéreuse et peut mettre plus de dix ans avant d’aboutir. Actuellement une affaire sur deux concernant les erreurs médicales se solde par un non-lieu.
L'aléa thérapeutique
Devant les positions radicales de l'Ordre des Médecins et la lourdeur des procédures de justice, il fallait trouver une solution plus humaine, plus rapide et moins onéreuse pour la victime. C’est ce que prévoit le projet de loi du Ministre de l’Economie Charles Picqué intitulé « la réparation des accidents thérapeutiques ». Il devrait être voté en juin 2008.
Comme cela se pratique déjà en Suède avec succès, l'esprit de cette loi est de considérer que si l'erreur médicale reste l'exception, le médecin n'est pas à l'abri de la fatalité. L'aléa thérapeutique est un concept reconnu par les parties qui n'impose pas au médecin de reconnaître sa faute ni d'être inquiété et son image éventuellement salie sur la place publique. Cette solution faisant valoir les manquements ou l'accident des uns et le dommage des autres devrait conduire à indemniser les victimes et résoudre cette épineuse question de façon pragmatique.
Pour plus d'information contacter l'ASBL "Erreurs médicales", 51-53 rue Rempart des moines, 1000 Bruxelles, tél: 02/ 514 31 91.

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