lundi 3 septembre 2007

VIIIe conférence sur la lutte contre la désertification

Le prince Felipe, héritier de la couronne d'Espagne, a inauguré ce lundi à Madrid une conférence de l'ONU sur la lutte contre la désertification. "La désertification est l'un des plus grands défis auxquels l'humanité est confrontée", a déclaré le prince Felipe à l'ouverture de cette réunion internationale qui se tiendra jusqu'au 14 septembre dans la capitale espagnole.
Plus de 2000 experts sont attendus à cette VIIIe conférence internationale des 191 pays signataires de la Convention des Nations Unies pour la lutte contre la désertification (UNCDD), adoptée à Paris en juin 1994. Il doivent approuver un plan d'action sur dix ans pour tenter pour freiner ce phénomène en voie d'accélération.
Etat de la planète
Ce fléau, en grande partie naturel, affecte actuellement directement 200 millions de personnes dans le monde, selon une étude de l'ONU publiée en juin.
Mais au total, la désertification menace près de 2 milliards de personnes, en Chine, en Inde, au Pakistan, en Asie centrale, au Moyen-Orient, dans la majorité des pays d'Afrique ainsi qu'en Amérique du Sud (Argentine, Chili, Brésil), selon cette étude.
L’Espagne est l’un des pays européens les plus vulnérables d’Europe. Plus d’un tiers de son territoire court "un risque significatif" de désertification, selon le ministère de l’Environnement, en particulier le sud-est rural et l’archipel des Canaries, située face aux côtes du Maroc.
"La plupart des gens n’ont pas conscience de l’impact d’un phénomène qui semble prendre de l’ampleur très rapidement", a déclaré à l’AFP l’auteur principal du rapport de l’ONU, Zafaar Adeel.
Document FAO. En 2000, 70% des terres arides étaient touchées, soit 3.6 milliards d'hectares (36 millions de km2 soit environ 65 fois la superficie de la France), répartis dans une centaine de pays qui accueillent les deux tiers des populations les plus pauvres du monde.
Les dernières perspectives des experts du GIEC (IPCC), le Groupe intergouvernemental d'experts sur le climat, sont alarmantes : recrudescence des sécheresses et des crues (qui érodent les sols), diminution du débit des grands fleuves et des précipitations annuelles moyennes. Autant de facteurs propres à accroître la désertification, notamment en Afrique, où la sécurité alimentaire devrait être sérieusement compromise, avec 80 à 200 millions de personnes supplémentaires confrontées aux famines d'ici 2080 !
Mais à son tour, la désertification risque d'accélérer et d'amplifier le réchauffement : au lieu de capter le CO2 grâce au couvert végétal, les sols deviendraient émetteurs.
Parfois l'homme est à l'origine de ce phénomène. Il détourne ou canalise les fleuves, vidant parfois les lacs de leurs eaux, rendant les terres infertiles ou il élève des moutons sur des sols déjà fragilisés, les animaux arranchant les dernières herbes avec leurs racines, offrant un terrain propice à l'érosion dès la première pluie.
Mais ailleurs, comme sous les Tropiques, c'est un phénomène climatique qui crée ce phénomène de désertification qu'aucune technologie ne peut arrêter.
Les conséquences économiques
Ce fleau présente les conséquences les plus graves et les plus vastes pour les pays sous-développés et même en voie de développement présentant les plus faibles revenus.
En effet, sans ressources ou si la ressource disparaît, la plupart de ces pays n'ont pas les capacités financières, technologiques ou institutionnelles pour réorienter leur économie vers une nouvelle structure viable en un temps raisonnable (nouveaux types de cultures, développement des services, ...). C'est tout un pays et parfois des dizaines de millions d'habitants qui courent à la faillite et a une asphyxie lente voire une mort assurée sans le support de la communauté internationale (Haïti, El Salvador, Sahel, Ethiopie, etc).
Document Icarda.org.L’Afrique subsaharienne et l’Asie centrale sont les régions les plus vulnérables. Mais tous les continents sont touchés, souligne le rapport de l'ONU, qui chiffre à 65 milliards de dollars (47.6 milliards d’euros) les pertes économiques annuelles liées à la dégradation des sols.
La désertification entraîne une diminution de la superficie des terrains cultivables et des forêts, et provoque par ricochet un appauvrissement des populations affectées. "C’est l’une des principales causes des migrations de masse", notamment d’Afrique subsaharienne vers le Maghreb et l’Europe, explique Zafaar Adeel.
Si aucune mesure n’est prise pour enrayer ce phénomène, quelque 50 millions de personnes pourraient être déplacées ces 10 prochaines années, estime l’ONU.
Des résultats décevants
Selon James Aronson qui depuis 2006, coordonne au CNRS une Alliance pour la restauration du capital naturel (RNC Alliance), malgré les efforts et les investissement occidentaux consentis dans les pays victimes de la désertification, les résultats sont décevants.
Certes, on a bien installé des puits d'eau, des systèmes d'irriguation dans les champs, des réchauds à plaques solaires ou des barrières de protection contre les vents de sable, mais ces projets bénéficient généralement à une communauté et rarement aux individus.
Le personnel étranger ou les autorités travaillent bien avec les populations locales mais c'est souvent dans le but de leur installer un appareil sanitaire communautaire ou pour éduquer les familles et leur apprendre à mieux gérer leurs ressource à long terme (leur apprende à pêcher, cultiver, etc).
Or beaucoup de familles que l'on aide de la sorte considèrent ces projets comme une intrusion des étrangers dans leur vie, des projets à long terme face auxquels ils n'ont pas grand chose à dire, alors qu'ils ont besoin de projets à court terme et leur appartenant.
L'appel du 17 juin
Rappelons que le 17 juin est décrété journée mondiale de lutte contre la désertification. Nous sommes "obligé" de commémorer cette journée car ce phénomène reste une "urgence oubliée", selon SOS-Sahel, fédération d'ONG qui vit le jour après les grandes sécheresses des années '70 à l'initiative du Président sénégalais Leopold Sedar Senghor. "Il faut arrêter le désert, sinon il chassera de chez eux 30 millions d'Africains", avait-il lancé aux Occidentaux.
"La cause n'avance pas", déplore Marc Bied-Charreton, président du Comité scientifique français de la désertification (CSFD). Pourtant, le phénomène est réversible, et le combattre coûterait moins cher que d'en subir les conséquences, insiste-t-il.
Il faudrait 10 à 12 milliards de dollars par an pendant dix ans pour restaurer la fertilité des terres affectées, selon les estimations présentées en décembre par des économistes et la Banque mondiale. Alors que le coût actuel direct de la désertification, mesuré uniquement en perte de productivité agricole, est évalué à 60 milliards de dollars par an, rappelle-t-il.
L'ONU, qui veut réaffirmer que la désertification "n'est pas une fatalité", appelle à davantage de synergie dans les trois combats menés encore séparément. "Qu'on parle d'adaptation au titre de la Convention sur le climat ou de celle contre la désertification, c'est la même chose: il s'agit d'améliorer les conditions de vie d'un milliard d'individus qui vivent dans les terres arides. Ce qu'il faut, c'est renforcer les investissements", indique également M. Bied-Charreton.

Aucun commentaire :

Enregistrer un commentaire