mercredi 17 décembre 2014

Curiosity a détecté un pic de méthane sur Mars

Dans un article publié le 16 décembre 2014 dans Science et relayé par la NASA, on apprend que le robot d'exploration martienne Curiosity qui s'est posé sur Mars en 2012 a mesuré un pic de méthane dix fois supérieur à la valeur normale dans un échantillon de roche baptisé Cumberland.

La rover Curiosity de la NASA explore Mars depuis le 6 août 2012 pour une durée indéterminée. Document NASA/JPL, Caltech.
Le méthane (CH4) ainsi que d'autres molécules organiques ont été détectées dans un échantillon de roche réduit en poudre recueilli en 2013 par forage par le laboratoire robotique SAM (Sample Analysis at Mars) embarqué à bord de la rover martienne.
"Cette augmentation temporaire du méthane - une forte hausse suivie d'une baisse - nous dit qu'il doit y avoir une source relativement localisée", a déclaré Sushil Atreya de l'Université du Michigan à Ann Arbor, membre de l'équipe scientifique en charge de Curiosity. "Il existe de nombreuses sources possibles de méthane, biologiques ou non biologiques, tels que l'interaction de l'eau et de la roche."
En 2005 déjà, du méthane avait été découvert dans l'atmosphère martienne mais son origine minérale était la plus probable du fait de la présence d'olivine (silicate d'origine basaltique) dans les roches et les météorites martiennes. Ces émissions de méthane ne résultaient probablement pas d'un métabolisme biologique.

Analyse chimique  de l'échantillon de roche martienne "Cumberland" par le laboratoire portatif SAM de la rover Curiosity. Document JPL.
L'échantillon de roche martienne Cumberland
L'échantillon de Cumberland fut prélevé dans une petite dépression baptisée "Yellowknife Bay" située au fond de l'ancien lac Sharp qui se forma il y a plus de 3 milliards d'années.
Le laboratoire portatif SAM a été utilisé une douzaine de fois au cours des 20 derniers mois pour détecter la présence de méthane dans l'atmosphère et dans les roches martiennes.
SAM est principalement équipé de deux appareils d'analyse : un spectromètre de masse à quadripôle développé au centre Goddard de la NASA et un spectromètre laser développé par le JPL.

Forage de la rover Curiosity dans la roche baptisée "Cumberband" au cours du 279eme jour martien ou sol le 19 mai 2013. Le trou mesure 1.6 cm de diamètre et 6.6 cm de profondeur. Document JPL.
Pendant 2 mois, entre fin 2013 (cf la NASA) et début 2014, quatre mesures de méthane contenant sept parties par milliard (400 fois moins que dans l'atmosphère terrestre) ont été relevées alors qu'en temps normal la moyenne des lectures est dix fois inférieure à cette concentration. Il y a donc bien eu une libération temporaire de méthane. Reste à identifier la source.
La rover Curiosity a également détecté différentes matières organiques dans les échantillons de Cumberland, notamment du chlorobenzène, ce qui constitue la première détection confirmée de matière organique dans les matériaux de surface de Mars.

Trace de chlorobenzène détecté dans l'échantillon de roche "Cumberland" par le laboratoire portatif SAM de la rover Curiosity. Document JPL,
Néanmoins, ces matières organiques pourraient avoir été déposées sur Mars par des météorites ou même transportées depuis la Terre par la sonde Curiosity comme cela est déjà arrivé par le passé.
En effet, même préparées en salle blanche avec les plus grandes précautions pour éviter toute contamination terrestre, les sondes spatiales emportent malgré tout quelques microbes et des matières organiques terrestres dans le système solaire.
Si les molécules organiques découvertes sont les briques de la chimie du monde vivant, elle peuvent également exister sur une planète stérile.
Les résultats de l'analyse des échantillons de l'atmosphère martienne et de la poudre de roche ne prouvent donc pas que Mars ait un jour abrité des organismes vivants (on pense à des microbes) mais suggèrent jusqu'à preuve du contraire que Mars présente une activité chimique et connut des conditions favorables au développement de la vie.

Les sources possibles de méthane et de puits ou piège à méthane. Document JPL.
"Nous allons continuer à travailler sur les énigmes que nous posent ces résultats", a déclaré John Grotzinger, membre de l'équipe scientifique de Curiosité et géologue au Caltech de Pasadena.
Dans l'immédiat John Grotzinger et ses collègues géologues et exobiologistes doivent déterminer "quelle activité chimique a provoqué de telles fluctuations de méthane dans l'atmosphère" et "dans quelle mesure il serait possible de sélectionner des roches de surface susceptibles de contenir de la matière organique".
L'identification de composés organiques martiens spécifiques est une tâche rendue complexe par la présence de minéraux de perchlorate (anions ClO4-) dans les roches et les sols martiens. A l'image de l'eau de Javel qui est également un chlorate, cette substance est hydrophile et corrosive car elle détruit les substances carbonées.
Ainsi, lorsqu'un échantillon est chauffé dans le four de SAM, les perchlorates modifient la structure des composés organiques, de sorte que l'identité des matières organiques martiennes reste incertaine.


L'histoire de Mars dans les isotopes de l'hydrogène
Le laboratoire SAM détecte également les isotopes de l'hydrogène contenus dans les molécules d'eau qui sont restées prisonnières des échantillons de roche pendant des milliards d'années et qui sont libérés lorsque SAM les chauffe, apportant de précieuses informations sur l'histoire de l'eau martienne.
Ainsi, le rapport isotopique de l'hydrogène lourd, le deutérium (H2 ou D), sur l'isotope de l'hydrogène ordinaire (H1) fournit une signature typique propre à certaines époques de l'histoire de la planète.
"Il est vraiment intéressant de comprendre comment les mesures des gaz extraits des roches martiennes par Curiosity peuvent nous parler de la perte de l'eau de Mars", a déclaré Paul Mahaffy, responsable du laboratoire SAM au Goddard Space Flight Center de la NASA à Greenbelt, dans le Maryland, et principal auteur d'un rapport publié en ligne cette semaine dans la revue Science (comme il le fit en 2013 à propos d'autres isotopes).

L'atome d'hydrogène (1 proton et 1 électron) et l'un de ses deux isotopes stables, le deutérium (1 proton, 1 neutron et 1 électron), le troisième isotope étant le tritium (non illustré).
Afin de remonter dans le temps et comprendre comment le rapport D/H1 de l'eau martienne a été modifié au cours du temps, les chercheurs peuvent se baser sur le rapport isotopique de la vapeur d'eau contenue de nos jours dans l'atmosphère martienne et le comparer au même rapport isotopique de l'eau piégée dans les roches à différents moments de l'histoire de Mars.
Les météorites martiennes découvertes sur Terre peuvent également fournir quelques informations, mais partiellement seulement. Aucune météorite martienne connue n'est aussi âgée que les roches étudiées sur Mars, qui se sont formées il y a environ 3.9 à 4.6 milliards d'années, selon les mesures de Curiosity.
Le rapport isotopique D/H1 mesuré par Curiosity dans l'échantillon de Cumberland représente environ la moitié de la proportion de vapeur d'eau contenue dans l'atmosphère martienne d'aujourd'hui. Cette quantité suggère que depuis que cette roche s'est formée, Mars a perdu une grande partie de son eau.
Toutefois, le rapport mesuré est environ trois fois plus élevé que le rapport mesuré dans l'eau d'origine martienne (en faisant l'hypothèse que le rapport isotopique était identique à celui des océans terrestres).  Ceci suggère qu'une grande partie de l'eau d'origine martienne fut perdue avant la formation de cette roche.
Pour plus d'informations
Les résultats de l'enquête sur le méthane et les composés organiques découverts sur Mars ont été décrits dans un article publié en ligne cette semaine dans la revue Science par Chris Webster du JPL et ses collègues.
Un rapport sur la détection des matières organiques dans la roche de Cumberland a été rédigé par Caroline Freissen de la NASA et ses collègues, et est en attente de publication.

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