jeudi 6 août 2015

EGSY8p7, une galaxie à 13.23 milliards d'années-lumière

Une équipe internationale d'astronomes a annoncé le 6 août 2015 la découverte de la galaxie la plus distante de l'Univers : EGSY8p7. Son décalage Doppler z=8.68. Elle se situe à 13.23 milliards d'années-lumière !
EGSY8p7 est la première galaxie observée au-delà de z=8. Elle fut découverte par le doctorant Guido Roberts-Borsani du Collège Universitaire de Londres (UCL) sur les photographies prises par les télescopes spatiaux Hubble et Spitzer. 
La découverte fut ensuite confirmée par une équipe d'astronomes utilisant le spectrographe infrarouge multi-objet MOSFIRE du télescope WM Keck de 10 m  d'Hawaii. Un spectre infrarouge fut obtenu après un temps d'intégration total de 4.3 heures.
Les astronomes ont déterminé la distance de cette galaxie à partir de la position des raies de la série Lyman de l'hydrogène visibles dans la partie infrarouge de son spectre.
En effet, alors que sur Terre (référentiel statique), la raie Ly-alpha se trouve dans la partie UV du spectre, à 121.5 nm, dans le spectre de cette galaxie elle se trouve dans le proche IR, à 1177.6 nm du fait de son important décalage Doppler !
La série de raies de Lyman est la signature caractéristique d'un gaz d'hydrogène chauffé par le rayonnement UV des jeunes étoiles dans l'univers alors âgé de moins de 600 millions d'années soit juste un peu plus de 4% de son âge actuel.

Images de la galaxie EGSY8p7. Documents I.Labbé/U.Leiden, NASA/ESA/JPL-Caltech.
La découverte des raies de la série de Lyman en émission à une aussi grande distance était inespérée car elles peuvent facilement être absorbées dans la ligne de visée par les nombreux atomes d'hydrogène présents dans le milieu intergalactique (c'est la fameuse "forêt Lyman-alpha" typique des spectres d'absorption des galaxies et des quasars lointains).
Mais comme le précise l'astronome Adi Zitrin du Caltech,"en pénétrant plus profondément dans l'Univers et donc vers des temps plus jeunes, l'espace entre les galaxies contiendra de plus en plus de nuages sombres d'hydrogène qui absorberont les signaux".
"Les premières galaxies montrant un tel déclin spectral apparaissent lorsque l'Univers avait environ 1 milliard d'années, ce qui équivaut à un redshift d'environ z=6. A l'époque de z=8.68, l'Univers devrait être rempli de nuages d'hydrogène absorbants", déclara Zitrin.
Cette observation apporte donc de nouveaux indices sur le processus de réionisation cosmique au cours duquel les nuages obscurs d'hydrogène furent séparés en leurs protons et électrons constitutifs par la première génération de galaxies.

Image de la galaxie EGSY8p7 obtenue par le télescope WM Keck
Les simulations de la réionisation cosmique suggèrent que l'Univers était totalement opaque au rayonnement Lyman-alpha durant les premiers 400 millions d'années de l'histoire cosmique. 
Ensuite, progressivement, à mesure que les premières galaxies sont apparues, l'intense rayonnement UV de leurs jeunes étoiles  a brûlé cet hydrogène obscurcissant dans des bulles de plus en plus vastes qui finalement ont "ionisé" la totalité de l'espace compris entre les galaxies, composé d'électrons libres et de protons. 
Arrivé à ce stade, le rayonnement Lyman-alpha a pu se propager librement dans l'Univers jusqu'à parvenir sur Terre.
Selon le doctorant Sirio Belli du Caltech, "EGSY8p7 est à la fois intrinsèquement très lumineuse et très éloignée, présentant de fortes émissions d'hydrogène suggérant qu'elle est alimentée par une population inhabituelle d'étoiles très chaudes. Il est possible que cela soit l'indice que les galaxies contribuent au processus de réionisation. On peut concevoir que ce processus se déroule dans certaines régions de l'espace évoluant plus rapidement que d'autres, par exemple en raison de variations de densité de la matière d'un endroit à l'autre.
Une explication alternative est de considérer EGSY8p7 comme le premier exemple d'une génération primordiale de galaxies présentant un intense rayonnement très ionisant".
A propos de l'analyse de son spectre et de la question de la réionisation cosmique, lire l'article d'Adi Zitrin et al. (ApJ, 2015).

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