Y a-t-il un rapport entre les marchés boursiers, le PIB et les taches solaires ? Réfléchissez bien avant de répondre...
Le chercheur Théodore Modis de la société suisse Growth-Dynamics s'est sérieusement penché sur la question et a publié un article sur le sujet dans le journal "Technological Forecasting & Social Change" en novembre 2008.
Cet article eut peu d'écho dans le grand public mais, crise du système monétaire oblige, il mérite une seconde lecture.
Théodore Modis est un physicien diplômé de l'Université de Columbia de New York. Il a travaillé aux Brookhaven National Laboratories (BNL) et au CERN.
Mais c'est avant tout un expert en analyse stratégique financière. Il s'intéresse également à la prospective en matière boursière. Il est enfin auteur de plusieurs livres et articles sur le sujet.
Corrélations
Modis a observé des corrélations entre le PIB des Etats-Unis et le nombre de taches solaires ainsi qu'entre l'indice financier Dow Jones Industrial Average (DJIA) et le nombre de taches solaires. Les données qu'il a analysées couvrent 80 ans d'histoire.
Les corrélations observées lui ont permit de prédire le PIB et la situation financière du marché américain à l'horizon des 10 prochaines années. Les deux corrélations ont mis en évidence une tendance à long terme dont le pic se situait aux alentours de juin 2008 (il est survenu début mai 2008)... avant de chuter.
"... Si on accepte qu'il y ait quelque corrélation entre la croissance du PIB et la croissance du marché boursier [...], dans ce cas on ne peut pas utiliser le manque de preuve scientifique comme argument pour nier l'existence de corrélation entre le marché boursier et les taches solaires (ci-dessus), ou entre le PIB et les taches solaires.
D'un autre côté, si ces corrélations sont réelles, alors on peut s'aventurer à prévoir des tendances à long terme pour le DJIA et le PIB..."
Sur base de ces tendances, Modis prévoyait un indice DJIA de 13908 pour la mi-2008 (il atteignit 13191 le 5 mai 2008) et de 7919 début 2014.
Notons que d'autres chercheurs ont également noté une corrélation entre l'indice du Tararingapatam Stock Exchange (bourse de Tchéquie, indice TX-50 présenté en haut de page) et le nombre de taches solaires.
Bien qu'il y ait une certaine corrélation entre les taches solaires, certains indices boursiers et le PIB, il y a également beaucoup d'influences, telles que les effets d'annonces (politiques ou socio-économiques), l'effet de panique et l'effet négatif du crédit (emprunts) dans l'industrie bancaire qui viennent impacter l'évolution des cours.
Poussière d'étoile
Sir William Herschel qui était également astronome, avait découvert une corrélation entre les prix du blé et les taches solaires. En effet, en 1801, il publia deux articles qui, de part la réputation d'Herschel en Angleterre (il était astronome royal), lança l'étude de l'influence du Soleil sur le climat terrestre, qui de fait existe bel et bien, au point que les scientifiques parlent aujourd'hui de l'influence de la "météorologie spatiale" (spaceweather) sur l'environnement terrestre.
C'est également dans ce premier article que Herschel discute d'une anticorrélation entre le prix du blé et le nombre de taches visibles sur le Soleil.
C'est l'une des raisons pour laquelle Modis présume que les liens entre le DJIA et le PIB ne sont pas liés au hasard.
C'est l'une des raisons pour laquelle Modis présume que les liens entre le DJIA et le PIB ne sont pas liés au hasard.
Pour conclure, Modis nous rappelle "comme le disait l'exobiologiste Carl Sagan dans sa série "Cosmos" diffusée dans les années 1980, "nous sommes tous faits de poussière d'étoile". Il n'est pas déraisonnable de penser que le flux et le reflux de notre existence continuent d'être liés à notre plus proche étoile".
Corrélation n'est pas preuve
Etant notamment météorologiste et informaticien de formation, travaillant pour une société d'investissement et étant astronome et radio amateur, je peux dire que je connais un peu ces domaines pour les avoir pratiqués avec succès durant de nombreuses années.
C'est la raison pour laquelle cette étude m'interpelle mais comme ce fut sans doute votre cas, mon sens critique m'a mis en alerte, me faisant esquisser un léger sourire...
Sans contredire Théodore Modis, je suis étonné de voir de telles corrélations. Mais que signifient-elles réellement ?
Je dois honnêtement reconnaître que ces corrélations sont troublantes et d'autant plus si la présence de taches solaires aurait un effet inconscient sur le comportement humain et plus encore, sur toute une société ou tout le moins sur tous ceux ayant placé directement ou indirectement leur argent en bourse. Mais c'est bien là que le bas blesse...
Pour le dire vite, "ce n'est que du blabla"; ces corrélations restent à démontrer et un constat aussi détaillé soit-il ne représentera jamais une démonstration - mathématique - prouvant l'existence d'un lien de cause à effet.
Et en tant que physicien, donc féru de mathématiques, rigoureux, et spécialisé dans l'analyse financière, Modis le sait sans doute mieux que personne.
Ne me parlez pas d'astrologie où un astre pourrait soi-disant influencer le comportement humain ou un élément de notre organisme à distance ! A part l'effet de la gravité sur la masse des océans notamment, l'influence (mineure) des astres est largement effacée par les interactions à courtes distances (mécaniques, chimiques, électromagnétiques, etc.), la plupart d'entre elles nécessitant même un contact avec un élément du corps humain pour produire un effet.
Mais Modis n'a peut-être pas utilisé le bon substantif. Car au lieu de parler de "corrélation", il aurait été plus judicieux qu'il utilise le terme de "coïncidence". Comme la "loi des séries", le hasard peut effectivement produire des effets inattendus qui semblent obéir à des lois, mais l'air ne fait pas la chanson...
Je conclus donc sereinement que pour nous dire quelque chose de concret sur le monde, cette analyse empirique doit être formalisée et mise en équation.
Autrement dit, s'il y avait une recette miracle pour gagner en bourse, ça se saurait !
Des modèles à améliorer
Seule chose positive, ces indices apportent encore plus de poids face à ceux qui douteraient de l'intérêt d'améliorer nos modèles de l'activité du Soleil comme celui de la géomagnétosphère, de l'environnement Terre-Soleil et de l'atmosphère terrestre, des domaines où les phénomènes magnétiques et hydro-dynamiques en évolution (taches solaires, CME, tempête géomagnétique, aurore, masses d'air, nuages, etc) sont excessivement complexes à mettre en équations et demeurent imprécis.
Sans parler d'une éventuelle mise en équation des marchés financiers. On connaît les "vagues d'Elliott" à l'origine des grandes crises, mais nul ne peut encore les prévoir. On sait en revanche que certaines actions comme celle d'Apple par exemple présentée à gauche ont un comportement chaotique, a priori imprévisible. Mais cela ne signifie pas nécessairement que toute prévision à leur sujet soit impossible (comme il semblait impossible de savoir à quel instant démarrait un faisceau laser).
Sans parler d'une éventuelle mise en équation des marchés financiers. On connaît les "vagues d'Elliott" à l'origine des grandes crises, mais nul ne peut encore les prévoir. On sait en revanche que certaines actions comme celle d'Apple par exemple présentée à gauche ont un comportement chaotique, a priori imprévisible. Mais cela ne signifie pas nécessairement que toute prévision à leur sujet soit impossible (comme il semblait impossible de savoir à quel instant démarrait un faisceau laser).
A l'inverse, nous connaissons des phénomènes mécaniques jugés a priori prévisibles et réversibles qui s'avèrent finalement du ressort des "lois du chaos" à très long terme (le mouvement des planètes par exemple).
Enfin, et c'est le plus grand défi, il reste à mettre en équation le comportement humain. Peut-être que la cybernétique pourra nous y aider.
Ce n'est qu'une fois que ces modèles seront validés et donneront toute satisfaction, y compris dans leurs détails - et ce n'est pas avant quelques générations - que les scientifiques pourront essayer de démontrer l'influence des uns sur les autres et notamment superposer les prévisions des cycles de l'activité solaire (et tout ce que cela comprend) sur celles de l'évolution des marchés boursiers.
Ainsi qu'on le constate, il reste du chemin à parcourir et encore de l'avenir pour les chercheurs en quête de sujets d'études avant que les idées séduisantes de Modis soient démontrées. Avis aux intéressés.
Pour plus d'information
A propos des influences du Soleil sur la Terre, consultez les articles La Terre, une planète fragile (climatologie), Origine du champ magnétique solaire, La belle aurore ! (magnétisme), La science du chaos, et en anglais The short history of the Smoothed Sunspot Number, Ionospheric perturbations.
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