mardi 17 juillet 2007

Nos chiens de garde dans la société de l'information

Aujourd'hui, par l'intermédiaire d'Internet et des pirates informatiques, la violation de la vie privée et la cybercriminalité sont presque devenus des actes ordinaires, si on en juge par le nombre d'affaires soulevées par les médias.
Les autorités européennes ont décidé depuis quelques années de prendre le problème à bras le corps et d'harmoniser les lois européennes pour s'adapter à ce qu'il convient d'appeler la société de l'information. Complété par le travail de plusieurs ONG, cet ensemble de lois, décrets et conventions permettent à de plus en plus de victimes de défendre leurs droits. Document UNESCO modifié par l'auteur.
La loi DADVSI
Ainsi que nous l'avons expliqué, la loi française DADVSI risque d'énerver les propriétaires de baladeur notamment, exigeant peut-être demain qu'ils payent un droit de copie pour écouter de la musique à titre privé !
La loi DADVSI fut néanmoins approuvée par les députés français et fut même supportée par une Convention sur la Cybercriminalité en 2006. Voyons le contenu de ce document.
La Convention sur la Cybercriminalité
La Convention sur la Cybercriminalité a été approuvée et signée par le Conseil de l'Europe à Budapest le 23 novembre 2001. Cette Convention poursuit "une politique pénale commune destinée à protéger la société contre le cybercrime, notamment par l’adoption d’une législation appropriée et la stimulation de la coopération internationale."
Elle s’articule autour de trois axes de réglementation : l'harmonisation des législations nationales, l'adaptation des moyens d’enquête et de poursuite au terrain du cyberespace, et la mise en place d'un système de coopération internationale rapide et efficace.
La Convention fit l'objet d'une publication au Journal Officiel français le 24 mai 2006. Elle fut complétée par un protocole additionnel voté sous forme de décret le même jour qui criminalise également les actes de nature raciste et xénophobe commis par le biais de systèmes informatiques.
Seul problème, la loi DADVSI, la Convention sur la Cybercriminalité et le décret additionnel ne s'appliquent pas encore dans tous les pays européens et ne sont donc pas opposables ni évocables dans tous les pays. En fait, seuls trois pays à ce jour ont vôté et publié cette Convention : l’Ukraine, la Bosnie-Herzégovine et la France !
Aussi, pour sensibiliser les autres Etats membres aux problèmes liés aux droits d'auteurs et de la cybercriminalité, et les inciter à agir dans le sens de l'harmonisation prévue par l'Union européenne, des ONG ont décidé de prendre les choses en main.
Le rôle du BEUC
Le Bureau Européen des Unions de Consommateurs, le BEUC, a pour but de protéger les droits des consommateurs au sein de l'Union européenne. C'est notre premier "chien de garde" communautaire.
L'organisation fut fondée en 1962 en collaboration avec les associations de consommateurs de Belgique, du Luxembourg, de France, des Pays-Bas, d’Italie et d’Allemagne. Le BEUC représente aujourd'hui une fédération de 36 associations de protection des consommateurs.
A l'instar des groupes de pression (lobbies) du secteur privé ou public (Cf dans les partis, au PE, etc), en s'installant dans le quartier européen de Bruxelles, le BEUC agit au cœur même de la politique communautaire pour tenter d‘influencer le processus décisionnel en faveur des consommateurs.
Le BEUC protège également les droits fondamentaux des consommateurs, à savoir les droits à la sécurité, à l’information, au choix, à la représentation, au recours, à l’éducation, à la satisfaction des besoins essentiels et à un environnement propre.
Concernant la sécurité et l'information, le BEUC est notamment intervenu récemment contre la détention d'information privée par Google. Son rôle est donc plus que bénéfique pour chacun d'entre nous.
En revanche, si cette organisation s'occupe des droits fondamentaux et de toutes les questions commerciales, y compris du droit d'auteur (Cf sa position plus nuancée que celle de la Sabam à propos du piratage P2P), le BEUC n'est pas spécialisé en informatique, et c'est ici qu'intervient l'EDRI.
Le rôle de l'EDRI
Si la Convention sur la Cybercriminalité suit une volonté européenne de réduire le piratage, recherchant des "infractions liées aux atteintes à la propriété intellectuelle et aux droits connexes" et la "coopération internationale", ce qui est le propre de la loi DADVSI qui traque les internautes pirates et autres contrevenants dans tous les pays qui promulgueront cette Convention, en pratique, avec trois pays signataires, c'est encore loin d'être le cas !
C'est la raison pour laquelle l'EDRI (European Digital Rights) a été fondée en 2002.
Il s'agit d'une association internationale sans but lucratif, de droit belge. L'EDRI a été fondée par dix organisations dédiées à la protection de la vie privée et des droits civils dans la société de l'information, donc dans le respect strict des idées européennes.
Forte de 25 membres, elle est notamment supportée par les associations Bits of Freedom (Pays-Bas), Chaos Computer Club (Allemagne), Digital Rights (Danemark), EFFi (Finlande), FIPR et Privacy International (Royaume-Uni), Fitug (Allemagne), IRIS (France), Quintessenz et VIBE!AT (Autriche), autant de "watchdogs", de "chiens de garde" qui veillent à ce que l'on respecte nos libertés.
L'EDRI a pour but de sensibiliser les autorités européennes sur la nécessité d'une coopération entre les organisations européennes afin d'assurer un meilleur contrôle d'Internet, du droit d'auteur et de la vie privée au sein de l'Union Européenne. Dans ce cadre, l'EDRI est en contact avec les 45 Etats membres du Conseil de l'Europe.
L'EDRI s'intéresse en particulier à la rétention d'information, le spam, le phishing, l'interception des télécommunications, la cybercriminalité, les restrictions du droit d'auteur et du droit de citation (fair use), le filtrage et la censure des informations diffusées sur Internet et les procédures de notification et de fermeture des sites webs. Le cas échéant, ses membres n'hésitent pas à envoyer des lettres ouvertes aux autorités européennes, comme ce fut le cas récemment à propos de la rétention d'information généralisée au Royaume-Uni suite aux attentats de Londres.
En guise de conclusionDans un Etat de droits, personne n'aime être contrôlé ou censuré, et moins encore quand cela concerne une activité strictement privée, comme le fait de copier à son compte un CD pour le lire dans le lecteur de sa voiture connu pour abîmer les disques, ou pour "ripper" un CD afin d'écouter les meilleurs morceaux sur son baladeur MP3 !
A côté de cette activité bien innocente, demeure les questions du piratage et de la cybercriminalité qui prennent parfois une tournure dramatique pour les entreprises victimes des hackers ou même des amateurs peu informés des protections existantes, quand cela ne touche pas la violation des lois comme en matière de jeux de hasard sur Internet (Cf le poker).
Espérons qu'à travers les actions conjointes de ces différentes ONG, nous serons un peu moins inquiétés par le cybercrime et que notre vie privée en sera un peu plus protégée, sans pour autant limiter nos droits.

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